mardi 19 décembre 2006

74° La Flûte Enchantée


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Voilà un film quelque peu déconcertant, d’autant plus que son auteur, Kenneth Branagh, reconnaît volontiers dans ses interviews qu’il ne possède à priori aucune compétence particulière en matière d’opéra. Ce qui ne semble heureusement pas le cas de son adaptateur Stephen Fry, acteur, auteur et touche à tout que l’on retrouve dans le rôle principal de l’excellent et révolutionnaire « V comme vendetta », co-scénariste et narrateur dans les trois Harry Potter, et dans un grand nombre de positions clés d’une filmographie qui remplit plusieurs pages.

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Déconcertant parce que chanté en anglais, effet qui, ajouté à des décors de jeux vidéo, le font furieusement ressembler à une comédie musicale. Mais est-ce un défaut ? L’accessibilité à tous les niveaux, les multiples degrés de lecture de la musique de Mozart n’offrent-ils pas à Branagh et Fry une occasion rêvée de faire entrer Mozart dans des esprits ou des cultures où il n’avait jusqu’ici aucune place ? Une reine de la nuit qui entre sur scène debout sur un char d’assaut et se met à voler façon Harry Potter restera dans les annales de la mise en scène. Mais tout cela passe très bien parce que le cinéma permet de s’évader de la scène théâtrale et précisément de transformer une scénegiature en comédie musicale.

Sans doute va-t-on retrouver là ma passion pour les comédies musicales, et sans doute aussi vais-je faire hurler les puristes, mais une fois passés au début le malaise de la langue anglaise, très pauvre et qui multiplie les répétitions, et certains bruits de décorum (les avions, la guerre) qui se superposent à la musique, (mais pas aux voix), on entre dans l’œuvre sans problème et on la vit avec intensité.

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Car même les intégristes de l’opéra doivent bien reconnaître qu’une œuvre portée à l’écran, qu’il soit de cinéma ou de télévision, si elle perd peut-être d’un côté cet aspect scénique sur lequel se base précisément leur intégrisme, gagne par ailleurs, notamment par l’adjonction de sous-titres, une accessibilité qui permet au modeste quidam de la vivre intensément sans connaître forcément le livret in extenso dans la langue d’origine…

La charge symbolique de l’œuvre est aussi diversement représentée. L’ouverture originale, qui illustre « l’ordo ab chao » est orchestrée à l’origine avec une première partie molle et dissonante qui se ressaisit après les trois fois trois coups qui signifient pour Mozart et son librettiste Schikaneder, tous deux franc-maçons, le passage du profane au sacré et l’ordonnancement de l’univers suivant la raison qui prend le pas sur les passions. Dans le film, l’orchestration dissonante du début a été quelque peu « repeignée » et la transition se trouve du coup fortement estompée. Peut-être est-ce aussi parce que Branagh entre d’emblée dans l’image par l’illustration graphique de l’ouverture sans générique de début, et se trouve fort dépourvu pour mettre du son sur l’interminable générique de fin, les opéras ne comportant pas de «musique de fermeture ». Alors, il réutilise l’ouverture, ce qui la prive de son sens symbolique. Il aurait pu se payer deux orchestrations, l’originale pour le début, et la version « repeignée » pour la fin. Il en avait manifestement les moyens mais il ne l’a pas fait.

Les épreuves initiatiques du silence et les purifications par les trois éléments figurent dans le livret, et sont mis en scène avec application, mais on sent que l’insistance de Branagh se focalise sitôt l’exposition du conflit, sur l’instauration de la paix universelle, de la concorde et de la réconciliation, du triomphe de la raison sur les passions et de la fraternité sans frontière qui sont dans l’esprit de Mozart, militant de la perfection, les fils d’Ariane de l’œuvre. (Mozart meurt deux mois après la première de la Flûte Enchantée en 1791 à Vienne. L’œuvre est considérée comme son testament…)

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Faut-il rappeler qu’en maçonnerie, l’obscurantisme et l’ignorance sont symbolisés par l’obscurité, et le savoir, la sagesse et la connaissance par la lumière. Or je ne sais pas où les exégètes ont été trouver que le film plaçait le conflit « pendant la guerre de 14 », si ce n’est par les modèles de canons et de tanks stylisés et l’usage de gaz incarnant très habilement la mort qui rôde. (un serpent dans le livret original) Je les situe bien davantage dans un pays légendaire et hautement symbolique illustré par les décors en jeux video. Par contre, l’affrontement, entre la reine de la nuit, assoiffée de vengeance et Sarastro, prince de la lumière, réincarnation de « Zoroastre », le face à face du bien et du mal, richement orné de symboles et de décors adéquats, ne laissent aucun doute sur la bonne compréhension du message de Mozart par l’auteur du film.

Globalement, le film mérite parfaitement d’être vu. Si ni les interprètes ni l’orchestre ne sont des divas internationales, ils sont tous largement au-dessus du convenable, et rien ne choque dans la qualité artistique. Les gros plans et les sous-titres emmènent le spectateur dans ce monde de contact étroit avec les protagonistes, par-dessus la fosse d’orchestre. L’oreille reste à l’opéra, les yeux sont au cinéma.

Photos © Les Films du losange.

On déplorera l’avarice du distributeur en la matière… (seulement 6 photos disponibles, peu représentatives) ajoutées… à la panne de son site officiel, au moins au moment où j’ai rédigé cet article…)

samedi 16 décembre 2006



73° De viris illustribus republicae franchouillardae.


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La presse s’esbaudit de l’acharnement déployé par Johnny Hallyday pour s’installer à l’étranger. Après avoir visé Monaco par un tir en deux bandes axé sur la Belgique, -et l’avoir loupé-, voilà notre rocker de service qui se porte acquéreur d’un superchalet à Gstaad. Tous ceux qui le connaissent – et qui connaissent Gstaad - affirment que s’il doit vraiment résider 6 mois par an dans un palace en rondins là-haut sur la montagne, , il va s’y faire chier très vite et y péter les plombs furieusement, ce qui dans un habitat en bois, constitue une source d’incendie majeure.

Mais les réactions sont intéressantes. Si on interviewe ceux qui n’ont pas de problème d’impôts et qui n’en auront jamais, tous déclarent à l’unanimité qu’à sa place, ils feraient pareil, et que notre Johnny a bien raison d’aller mettre sa galette à l’abri au pays des coucous.

Si on interroge un banquier, les réactions sont déjà plus modérées. Ainsi, Vincent Drezet, secrétaire national du syndicat unité des impôts, déclare dans le Nouvel Obs du 15 décembre :

« «

[l’émigration des capitaux]…concerne environ 350 fortunes soumises à l'ISF par an. Sur 400.000. Ce phénomène est très vite mis en avant par ceux qui veulent porter l'estocade au système fiscal français. Chaque fois qu'une grande fortune un tant soit peu médiatique quitte la France, ils accusent l'impôt…..

Mais on ne médiatise jamais le phénomène inverse, qu’on ne se donne même pas la peine de chiffrer : Et oui, il y a bien des gens qui viennent s'installer en France, et d'autres qui l'avaient auparavant quittée qui y reviennent! Il y a des gens qui viennent vivre en France justement pour son système fiscal, et la qualité de la protection sociale qu'il permet……[..…]

Bref, c'est un procès qui est toujours mené par les mêmes : ceux qui veulent casser un système de l'impôt juste.

[…..]

Encore un chiffre trop méconnu : la fiscalité directe en France est la plus faible d'Europe. L'impôt sur le revenu ne représente que 16% des recettes fiscales. La TVA, quant à elle, représente 51% des recettes fiscales, et c'est un impôt que tout le monde paie de manière identique, il est donc injuste par nature. [ Mais là, ces messieurs ne se plaignent pas…]

[…..]

On entend souvent dire qu'il y a trop d'impôts et trop de charges sociales en France, mais ce qu'on oublie, c'est que le coût du travail reste comparable. De plus, il faut considérer tous les avantages que la fiscalité française apporte par comparaison à d'autres pays. Un système de protection sociale publique, par exemple,…[…..]……. » »

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Les réactions des hommes politiques ne sont pas sans intérêt non plus… Le plus réaliste étant Jacques Chirac qui confie que Johnny, c’est un chanteur qui fait quasiment partie du patrimoine culturel, que comme artiste, il l’aime bien, mais que comme citoyen,… il regrette son comportement.

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Là, on est encore sur les rails. Mais quand Nicolas Sarkozy déclare « C’est bien la preuve qu’il y a un malaise », alors, on aborde l’aiguillage à grande vitesse, et on se plante.

Certes, il y a un problème, mais où ? N’est ce pas du côté des meetings du président de l’UMP que l’on entend « la France, on l’aime ou on la quitte » ? Ne peut-on en déduire que si on la quitte, c’est qu’on ne l’aime pas ?

Alors, j’ose trouver ridicule qu’un monsieur Johnny Hallyday vienne à grand tapage apporter sa caution au candidat Sarkozy, et dans la semaine qui suit, agisse à contresens de la cause qu’il a soutenue. Faudrait savoir ce qu’il veut.

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D’autant plus que des cautions intellectuelles étincelantes, le candidat Sarkozy n’en manque pas. Il y a le fumeux Doc Gynéco qui vient le 8 décembre dernier de se ramasser sans tapage médiatique un redressement fiscal de 700 000 €, l’inénarrable Pascal Sevran qui n'en finit pas de s’expliquer douloureusement sur sa diatribe à propos de la reproduction des noirs africains, l’éblouissant Steevy Boulay, dont la seule démonstration crédible à ce jour est d’avoir établi avec certitude que le ridicule ne tuait pas, -et ce n’est pas faute d’avoir tout essayé-, l’effervescent Christian Clavier qui a tout compris OK OK, le mystérieux Charles Pasqua dont les rayures du costume sont toujours fines et verticales, mais pour combien de temps encore ? , Balkany, maire de Levallois, qui a démontré qu’en politique, plus on passe au tribunal, mieux on est élu, un certain George Bush qui a serré la main du petit Sarko devant les caméras juste avant de perdre les élections, Tom Cruise le célèbre scientologue… j’en oublie peut-être ?

Si la France était un pays qu’il faut fuir à tout prix, pourquoi Sarkozy tente-t-il de se faire élire principalement sur son aptitude à refouler ceux qui ne demandent qu’à y entrer ?

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A l’heure où l’on parle d’intégrer les exclus dans la communautés nationale, ne pourrait-on donner quelques leçons de civisme à ceux qui parlent d’intégration dans les micros, mais qui sitôt le journaliste parti, délocalisent leurs usines, investissent à l’étranger, planquent leurs économies hors de portée de la communauté dont ils ont vanté la grandeur, sucrent les subventions aux associations qui rendaient les banlieues moins invivables, rejettent les curriculum vitae aux noms trop exotiques, font des procès quand on les traite de voyous mais applaudissent quand on traite les autres de racaille ?

Oui, il y a un problème. Quand on regarde les choses par le mauvais bout de la lorgnette, on ne les comprend pas. Et quand on a cette optique des choses et qu’on veut accéder au pouvoir, oui, on pose problème.

mardi 12 décembre 2006


72° L’huître et les plaideurs.

L’actualité nous apprend ce matin que les « trois grands » opérateurs de téléphonie mobile français viennent d’être condamnés pour entente illicite sur les tarifs à plus de 500 millions d’euros d’amende. Quelle belle jambe cela va nous faire !

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J’avais effectivement commencé à remplir des formulaires sur le net pour participer à cette action collective, mais d’une part le dossier était revenu trois fois parce qu’il manquait toujours une virgule, et d’autre part, notre république toujours soucieuse du confort des grandes entreprises nous préparait une loi sur les « class actions », ces actions en justice collectives, qui dénaturait complètement le principe d’une telle opération et la vidait de son sens. Alors, j’ai abandonné.

L’affaire a continué sans moi et quelque seize mille plaignants sont arrivés au bout du parcours du combattant. Sans doute avaient-ils de plus grosses sommes que moi à récupérer, car je ne suis pas un gros téléphoneur.

Et qu’ont-ils récupéré ? RIEN !

Oh, la justice est d’accord avec eux pour reconnaître que les princes du GSM ont comploté au détriment de la libre concurrence pour gonfler leurs factures.

La justice reconnaît même qu’il y a eu délit, et elle va jusqu’à les condamner. Si, si.

Mais rendre l’argent… Et puis quoi encore ?

C’est sous forme d’une amende que l’état enfourne goulûment dans son escarcelle sans fond une partie des sommes indûment soustraites aux usagers du portable.

Les gars, vous avez rempli des dossiers et fait des calculs compliqués pour payer à l’état une amende consécutive à un délit que non seulement vous n’avez pas commis, mais dont vous avez été, de surcroît, les victimes. C’est encore plus con que de payer des impôts en jouant au loto !

Les plaignants attendent la suite. Du moins les plus optimistes. J’aimerais me tromper mais j’ai peur qu’ils l’attendent encore longtemps…

lundi 11 décembre 2006

71° Happy Feet : Un film engagé !!!

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Les surprises du cinéma américain, et même très américain, ne sont pas toujours mauvaises.

Comme vous n’ignorez pas que l’auteur de ces lignes est un grand amateur de cinéma et un fondu de comédies musicales en particulier, vous ne vous étonnerez pas d’apprendre qu’il est allé voir les pingouins d’Happy Feet…

Un film que les publicités donnent « pour enfants à partir de 6 ans ». Quelle bonne idée pour un film aussi éducatif ! : Car outre ses qualités techniques éblouissantes pour peu que vous choisissiez un « bon cinéma », Happy Feet est à la fois un documentaire à vocation écologique, un plaidoyer efficace pour le droit à la différence et contre les discriminations, et surtout, surtout, un brûlot incandescent contre la religion !

Et ça, c’est doublement inattendu et drôlement habile dans un film américain dédié aux enfants ! Evidemment, comme chaque fois que c’est un peu malin, les censeurs n’ont rien vu et aucun organe religieux ne s’est avisé de déconseiller le spectacle à nos jeunes têtes blondes.

Ils préfèrent avoir l’air con en s’attaquant au Téléthon, comme ils se sont attaqués depuis Galilée à toutes les manifestations de la science. Lequel Téléthon peut les remercier de cette publicité surprise, puisque si j’en crois ma radio, les records de dons attendus sont atteints et même dépassés.

Il est vrai qu’il ne faut pas une bien grande habileté pour cacher « la merde au chat », ou plus précisément la subversion aux esprits chagrins. Souvenons nous que Diderot, dans son encyclopédie, s’était bien gardé de s’enflammer contre l’église aux chapitres « religion » et « église » et que c’est à la rubrique « capuchon » -- partie du vêtement d’un moine --, que l’on trouvait le développement de ses idées.

Donnons d’abord acte des nombreuses scènes pastichant le documentaire français « La Marche de l’Empereur », dont le succès outre-atlantique a été très grand. Mais les constantes allusions sont manifestement faites avec hommage et respect. Je parlerais plutôt de coup de chapeau.

Dans Happy Feet, le héros Mumble, s’avère incapable de chanter comme tout pingouin bien élevé et bien léché, mais se révèle par contre un prodige de tap-danse, expression artistique qualifiée de « contre nature » par les gardiens du temple de la gent pingouin. Après nous avoir exposé la consternation des parents et la honte auprès des voisins, et après avoir traîné le trublion chez de savants pingouinâtres qui ne parviennent pas à le guérir, le réalisateur nous offre la scène de l’exclusion familiale en photocopie couleur de ce qui se passe dans une famille bien de chez nous quand on découvre que le fiston est un incurable petit pédé. Rien ne manque : l’hostilité dominante du père, les tentatives de conciliation de maman qui n’aboutissent pas, et le rejeton qui relève la tête et part en disant « je vous démontrerai que je suis quelqu’un ».

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C’est l’occasion de la première attaque contre la religion. Le conseil des vieux pingouins, saisi du cas de ce gamin qui veut danser au lieu de chanter, en appelle aux ancestrales écritures, à la bénédiction « du grand pingouin qui est là-haut », aux inviolables traditions, au dogme indiscutable, pour justifier l’exclusion du gamin.

Je me rappelle qu’à l’époque où je sévissais dans une pléthorique presse gay qui envahissait les kiosques avant qu’internet nous permette les économies de papier, j’avais essayé d’inventer un néologisme : puisque les lesbiennes étaient des gouines, pourquoi les pédés ne serait-ils pas des gouins ? L’arrivée du mot « gay » a largement contrarié mon projet, mais reconnaissez que je n’étais pas, phonétiquement, tombé loin. J’aurais aimé être l’initiateur du mot « gouin ».

Revenons aux goins du film. On passe alors au volet écologique. Au terme de nombreuses tribulations que je ne vous raconterai pas, car le film vaut la peine d’être vu si vous n’y êtes pas encore allé, on a droit à quelques scènes de toboggan style « âge de glace », et à une soirée en boite où les lumières psychédéliques sont figurées par des aurores boréales. Petit quart d’heure artistique absolument somptueux.

Les hasards du scénario nous offrent ensuite une violente diatribe contre les animaux enfermés dans les zoos, égratignent les sectes au passage, puis s’attaquent à la pêche industrielle qui provoque la disparition des poissons. Un vrai grand ménage de printemps.

Intervient une scène extraordinaire de dialogue manqué entre le pingouin Mumble et l’homme, chacun parlant sa langue dans un douloureux face à face de totale incompréhension façon tour de Babel.

Seconde attaque contre l’église : le conseil des vieux pingouins est réuni pour débattre de la famine provoquée par la disparition des bancs de poisson qui assuraient la survie de la tribu depuis des générations. La seule solution, d’après le pape des manchots, est de « se réunir dans la fraternité » et de « prier très fort le grand pingouin qui est là haut » pour faire revenir la manne. Suit une superbe scène de catéchisme …

Alors que le jeune « spectateur à partir de 6 ans », qui vient de découvrir que c’est bien la pêche industrielle qui est responsable de la situation, commence à trouver que l’archipingouin pape déraille complètement, le héros du film revient dans sa tribu et assène la démonstration finale pour rassurer ceux qui craignaient encore d’avoir mal compris.

Déconfiture des prêtres qui abandonnent leurs traditions et acceptent un changement de liturgie dans lequel le chant pourra s’agrémenter de danse… Ce qui, quelque part, n’est pas une fin si heureuse que cela : les morpions se cramponnent, mettent un peu d’eau dans leur vin, assouplissent leur dogme, mais continuent à le gérer… On ne dit plus la messe en latin, mais on la dit toujours…

A l’heure où l’édition d’hier de l’Observatore Romano, le journal du Vatican, titre sur « l’attaque en règle contre la famille » qu’il croit déceler derrière le projet de loi d’union civile que les députés de la gauche italienne sont en train de concocter, un peu de subversion ne peut pas faire de mal.

Alors, je ne sais pas si mes démonstrations sont bien claires dans la mesure où j’ai essayé de ne pas vous raconter le film… Mais je vous engage à aller le voir. Ce sera très profitable pour les enfants.


Photos Warner










samedi 9 décembre 2006


70° La foire d'empoigne.


La scène internationale, rien qu' en matière d'homophobie ou de droits de l'homme élémentaires, offre chaque jour un spectacle devant lequel on ne s'ennuie pas. On ne peut pas dire qu'il est réjouissant, car il est plus souvent fait de drames que de bonnes nouvelles, mais il y a quand même une brochette de zozos qui s'agite sur ce petit théâtre, dont la sottise serait du plus grand effet comique si elle on ne provoquait pas tant de dégâts collatéraux. Certes, il y a quelques bonnes nouvelles : dans les derniers mois, l'Australie, Canada, et l'Afrique du Sud ont accepté le mariage homosexuel, et le Royaume-Uni en a facilité l'accès au point que c'est là-bas du dernier chic. En Suède, l'église accepte de bénir les unions homosexuelles!!!! Faut-il préciser que cette église là n'a que les croix et les cloches en commun avec celle du Vatican ?

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Même à l'ONU on bouge. Le « machin » vient de prendre une résolution affirmant que l'orientation sexuelle ne saurait être invoquée en aucune manière à propos de droits de l'homme et de législation. Quand on pense que l'organisation mondiale de la santé a considéré l'homosexualité comme une maladie mentale jusqu'en 1993, on imagine le chemin parcouru ! Il ne reste plus qu'à lui suggérer de considérer maintenant l'homophobie comme une maladie mentale.....

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Les innocents continuent à tenir congrès dans les tribunaux. Les deux ecclésiastiques célèbres qui se sont fait choper la main dans un slip qui n'était pas le leur au cours des trois derniers mois, le pasteur Haggard aux États-Unis et le monseigneur Anatrella en France, crient tous les deux à la machination et au complot. Le Vatican s'est même fendu d'une déclaration pour dire que c'était l'église toute entière qui était attaquée à travers les mains baladeuses de son évêque psychiatre Anatrella. Quel coup bas! ( Cf mes articles 66 et 68). Moi, je croyais naïvement que frapper l'église sous la ceinture équivalait à un coup de couteau dans l'eau. Il ne devrait rien y avoir, là. Monsieur le nouveau pape nous a appris que si. On espère des détails croustillants. Pareil pour la sainte famille de Villiers sur laquelle s'est abattu un étrange scandale de copulation adolescente, comme il s'en produit dans bien des familles "aux quatre coins" de notre hexagone... Mais là, non. !!! Cela ne se peut !!! Vade retro masturbator ! Un complot à la veille des élections ! Pas d'usage détourné du membre viril chez Monsieur le marquis ! Allez-vous faire enculer ailleurs!


En France aussi, on a ses petites susceptibilités. J'appartiens à un groupe informel de réflexion sur la société en général et l'homophobie en particulier où la règle de fonctionnement est d'accueillir des gens d'horizons aussi variés que possible afin d'élargir les différents apports susceptibles d'enrichir notre réflexion. C'est déjà très utopique : dès qu'il s'agit d'un groupe de réflexion, on a le plus grand mal à recruter dans le monde des travailleurs, et encore plus dans celui des laissés-pour-compte. Cela se passe plutôt entre enseignants, professions libérales et cadres supérieurs. Pourtant, je reste persuadé que ces braves gens "d'en bas" réfléchissent aussi, mais leur fatigue, leur souci ou leur budget ne leur permettent pas de venir réfléchir avec nous. Les travaux n'en sont pas pour autant dénués d'intérêt, loin de là, car nous nous enorgueillissons de compter parmi nos amis quelques têtes bien faites, et aussi d'autres bien pleines, qui nous garantissent des soirées aussi chaleureuses qu'enrichissantes.

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Mais faut pas pousser Mémère! Le groupe Internet de discussions de cette association est parfois le théâtre de piques ou de sorties plus ou moins heureuses qui se heurtent tout de suite à des réactions outrées des édiles de la bienséance. On peut parler librement, mais pas trop n'importe comment. Les vannes sont mal reçues. Respect ! . Il y a aussi des pédés de droite et ils ont leur sensibilité ! Mais qui a dit le contraire?

La sensibilité des pédés de droite serait-elle plus chatouilleuse que celle des habitants de nos banlieues, que l'on peut traiter impunément de racaille et nettoyer au karcher, et de voyous par-dessus le marché dès qu'ils font mine de se rebeller contre ce traitement indélicat? La sensibilité des pédés de droite serait-elle mithridatisée contre les promesses non tenues, les contresens avérés et les promenades en bateau? Ne saurait-elle remarquer que Gay Lib a surenchéri aux promesses de la gauche en matière de mariage homosexuel avant de remettre son discours dans sa poche avec son mouchoir par-dessus lorsque M. Sarkozy a déclaré qu'il n'était plus question de la chose, n'est-elle pas alarmée de voir son Monsieur Sarkozy nous promettre une amélioration du PACS alors que premièrement le parti dont il est le président a voté deux fois contre à la quasi unanimité en 1999, et que deuxièmement le Sénat qui est composé à 67 % de députés de son parti a rejeté la semaine dernière la dite amélioration?

Les pédés de droite n'ont-ils donc pas remarqué que Monsieur Sarkozy vient de s'adjoindre la haute compétence de Mme Christine Boutin, en échange de l'abandon de sa candidature, Christine Boutin qui est depuis 30 ans, -- et encore aujourd'hui -- membre du conseil pontifical pour la famille du Vatican, instance dont elle a, le 4 novembre sur FR3 et le 5 novembre sur Canal Plus, déclaré retirer de riches enseignements et une solide expérience pour la conduite des affaires familiales des Français...(cf mon article 67)

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Si les pédés de tous bords avaient besoin d'un signe pour savoir à quel niveau le candidat de l'UMP aux présidentielles place les préoccupations des homosexuels français, il me semble que la seule nomination de cette conseillère leur donne une réponse tout à fait claire. Mais peut-être les pédés de droite ne sont-ils pas des pédés « de tous bords », mais des pédés d'un autre monde?

En Angleterre, qui fait pourtant si souvent figure d'autre monde à nos yeux, les pédés se marient depuis longtemps, et Elton John a répondu "Fuck you" au premier ministre australien qui lui avait dit que ce n'était pas bien. Tandis qu'en Lettonie, vous savez, ce pays que Douste Blazy (Con d'Orsay pour les intimes) confond avec la Lithuanie, le président de la commission parlementaire des droits de l'homme, un certain Janis Smits, a proféré "qu'avec l'aide de dieu, les homosexuels pourront retrouver une vie normale". On attend un nouveau miracle...

vendredi 10 novembre 2006



69° Shortbus,

Un film indispensable..

C'est sans aucun doute un signe du destin si l'article que je veux consacrer au film SHORTBUS est affublé du numéro 69. J’aime les symboles.

Shortbus est un film dont on reparlera, pour de nombreuses raisons. D'abord, il ressemble furieusement au film que j'aurais aimé faire. Ceux qui ont connu mes livres de jeunesse (tous épuisés, inutile d'en réclamer...) se souviennent peut-être d'un chapitre de « la Philosophie dans le Foutoir » que j'avais consacré à ce que j'appelais « la guerre des mondes ». Je m'explique :

Aussi bien dans la littérature que dans le cinéma, il y a d'un côté l'univers des passions, des gens qui s'aiment, -- et qui vont jusqu'à s'entre-tuer pour ça --, et dans cet univers là, on peut aller jusqu’à montrer les meurtres et les mettre en scène, et même bâtir son intrigue dessus et livrer le tout au grand public, et de l'autre côté de la frontière les gens qui font l'amour, c'est-à-dire les mêmes à un autre instant de leur histoire, mais cela, il n'est pas question de le montrer, sinon dans un "monde à part"!!!.

.Quelles sont les conséquences de ce « mur de la honte » version artistique? Simples et dramatiques : l'acte sexuel, la recherche du plaisir sont complètement déconnectés du relationnel dont ils ne devraient être que la simple expression. Il faut changer d'univers, montrer son passeport à la frontière et voyager dans un autre monde, pour passer de l'instant où l'on dit « je t'aime » à l’instant suivant, auquel on passe... aux actes.

Ce sont les mêmes gens, qui vivent la même histoire, mais il faut faire deux films différents pour tout raconter. Changer de film et de cinéma quand on entre dans la chambre. Ou alors, il faut consommer le plaisir sous la couverture, avec la lumière éteinte et les rideaux tirés, ou le suggérer avec des grincements de sommier, ou user de tout artifice possible qui fait que l'acte de chair est discriminé, exclu du monde normal, caché comme une chose honteuse, éludé, ce qui contribue à éloigner de sa place dans la nature la perception que peut en avoir l'opinion publique, et à renforcer une culture pudibonde que l'homme compense dans la violence.

Comment montrer dans un film des gens qui s'aiment, suivre leur journée du matin au soir en passant de la salle de bains au lit, c'est-à-dire dans des attitudes où se trouvent quotidiennement chacun des spectateurs, sachant que les scènes où ils sont vêtus sont projetées dans des cinémas à 7 % de TVA, et celles où ils se donnent du plaisir dans des salles à 33 %?

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Il fallait oser faire un film qui intègre la nudité et le plaisir de façon si naturelle que les censeurs eux-mêmes ne sauraient pas à quel endroit ils doivent poser leurs bornes imbéciles. Il fallait d'abord en prendre le risque, le risque financier. Il fallait ensuite trouver les acteurs capables de le faire, le scénariste capable de le concevoir et de l'écrire, et monter l'oeuvre comme un ensemble indissociable de vie quotidienne, en montrant des gens dans lesquelles tout un chacun puisse se reconnaître sans tomber dans aucun lieu commun.... Autrement dit la quadrature du cercle....

La voilà admirablement réalisée. Dans Shortbus, il n'y a plus ni homos ni hétéros, ni jeunes ni vieux, ni obsédés ni pudibonds, mais au contraire l'enrichissement mutuel de tous ces gens-là par une confrontation respectueuse et tolérante, par un échange fructueux et épanouissant, par une remise en cause libératoire, une juxtaposition ludique de toutes les recherches dans cette espèce de « lieu idéal », le Shortbus, un étrange bar branché où une population new-yorkaise déboussolée et assommée par le 11 septembre vient se retrouver, toutes barrières sociales confondues, pour essayer de « reconstruire autrement ».

Certes, nous avons déjà là affaire à une élite. Car après le 11 septembre, Bush et ses admirateurs, eux, voulaient reconstruire pareil, plus obstiné, plus bétonné, plus pudibond et ringard encore... Mais d'autres se disaient que pareil échec obligeait à une remise en question dans tous les domaines, à la révision des normes sociales, à une autre approche d'autrui, une autre morale sociale basée sur l'écoute et la main tendue, à une autre manière de tisser la société.

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Il y a bien là une nostalgie des années 70, de la période hippie, une résurgence du « Peace and Love » que ne manqueront pas de relever les détracteurs du film. Ils oublieront de dire que ce n'est pas parce qu'une idée est passée de mode qu'il faut la ranger au chapitre des échecs. Le mouvement hippie s'est heurté à un mur, une coalition, un retour de manivelle de spiritualité dogmatique (autant dire de non-spiritualité), d'intérêts financiers, et de valeurs ancestrales promues au rang de rempart contre l'inconnu par ceux qui n'osent pas se remettre en question.

Le mouvement hippie a été rejeté par ceux pour qui le doute n'est pas une vertu, par ceux qui préfèrent se laisser gouverner par le passé et par les morts, par des écritures millénaires adaptées à l'époque où elles ont été produites, et interprétées pendant des siècles de la manière la plus restrictive qui soit. Il a été broyé par la machine économique qui est le moteur de la censure, dans son espoir grotesque et vain de récupérer dans la productivité l’énergie dont elle a interdit la dépense dans le plaisir.

Or Shortbus, s'il trouve effectivement ses sources dans le mouvement hippie, présente par contre un système qui a évolué, qui a su s'adapter, qui ne conteste plus la société moderne mais la prend en compte, qui s'intègre au 21e siècle, qui ne condamne rien mais au contraire ouvre des portes, révèle de nouvelles voies, est porteur d'avenir et de développement, d'émancipation et d'épanouissement.

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Cela permet aux spectateurs émerveillés de voir se dérouler un film où tout le monde est quasiment à poil du début jusqu'à la fin sans que cela ne soit jamais ni impudique, ni vulgaire, ni grossier, ni même... érotique! Ceux qui s'y aventureraient dans l'espoir d'une érection furtive, d'un petit orgasme à bon compte épongé sur les coussins du cinéma en seront pour leurs frais. L’érotisme n’est partagé que par les gens que l’on voit s’aimer sur l’écran, et le spectateur assiste à l’épanouissement de passions dont tous les ingrédients restent indissociables.

On n'y voit que de la vie quotidienne et de l'émotion, avec un brin d'utopie qui fait la magie du cinéma. Les hétéros retrouveront leurs sentiments intacts dans l'amour d'un couple gai, les homos revivront leurs petites frustrations exigeantes dans la quête éperdue de cette femme sexologue qui peine tant à trouver l'orgasme, et les esthètes verseront une larme d'émotion au spectacle de ce vieillard et de ce jeune homme qui tombent dans les bras l'un de l'autre. On y présente enfin les recherches que chacun peut faire dans l’approche de son plaisir absolu comme un comportement normal, c’est peu mais c’est beaucoup…

Alors ne vous laissez pas déboussoler par les publicités tapageuses et racoleuses que le distributeur a cru devoir donner à cette oeuvre. Ce n'est pas un produit de marketing dont il s'agit mais bel et bien d'une oeuvre cinématographique innovante, d'un film charnière. De même qu'un jour est tombé le mur de Berlin, et comme je l'espère tomberont bientôt d'autres murs, Shortbus est le film qui a abattu le mur entre le porno et le reste du cinéma.

Car il fallait bien réussir un jour à donner un sens à l'acte sexuel. Il fallait un jour cesser de voir des gestes répétitifs et mécaniques de bites s’engouffrant dans différents orifices, déchargeant ostensiblement leur sperme sur des ventres ou des dos où cette précieuse liqueur n'a rien à foutre, -- c'est le cas de le dire ! --, il fallait d'urgence remettre tout cela à sa place, le réintégrer dans ce contexte affectif d'où ça n'aurait jamais dû sortir, voilà qui est fait !

En séparant l'acte de chair de son contexte sentimental, les censeurs créaient un fossé qui pour leur plus grande joie, allait en s'élargissant. Le sexe devenait de plus en plus une chose indépendante et isolée, dissociée de ses racines et de son sens, une activité marginalisée et vidée de sa signification, et aussi l'objet d'une industrie sur les produits de laquelle même les plus pudibonds n'avaient pas forcément d’états d'âme.. On se souvient de Louis Pauwels, chroniqueur catho au Figaro, refusé deux fois à l’Académie Française en 1984 et 89, mais membre « libre » de l’académie des Beaux Arts, grand ennemi de la libération sexuelle, qui parlait de la modernité de la jeunesse comme d’un « sida mental » en 1987 alors que, comme le Canard Enchaîné de l’époque nous l’avait appris, il percevait sans tousser les loyers du cinéma Vivienne, salle pornographique homo qui occupait le rez de chaussée de l’immeuble de la rue du même nom dont il était propriétaire. (L’expression « sida mental » a été reprise depuis par Bruno Gollnish le 28 août 2005 à Bordeaux pour qualifier l’antiracisme, mais ce n’est qu’un vulgaire plagiat. Rendons à César…)

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Shortbus est un camouflet infligé aux censeurs qui d'un seul geste, entretiennent l'autocensure, brident les libertés individuelles et touchent les dividendes de la ségrégation qu'ils ont provoquée.

Le cinéma attendait la réunification du pays merveilleux du relationnel, dans lequel doivent cohabiter l’acte de chair, les sentiments et les passions. Toute cette belle famille avait été séparée, désunie par les guerres de religions. La voilà enfin à nouveau réunie. Faisons en sorte que cela dure.

Allez donc voir Shortbus, d'abord parce que c'est un film remarquable, innovant, que vous y prendrez beaucoup de plaisir, un vrai plaisir artistique et cinématographique, est aussi parce qu'il faut absolument qu'il marche, qu'il remplisse les salles, afin de ne pas rester une oeuvre isolée, mais de constituer une pierre fondatrice du nouveau cinéma que nous attendons tous. A poil, camarades!



photos BAC FILMS





mercredi 8 novembre 2006

dimanche 5 novembre 2006




67° Celle que vous croyez….

Cette semaine, Christine Boutin est sur toutes les télés. Pourtant, elle se défend bien haut de confondre « com » et politique, mais elle a quelque chose à vendre. Un livre édité aux éditions First, « Je ne suis pas celle que vous croyez »..

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Hier soir, invitée de Laurent Ruquier à « On n’est pas couchés » sur A2, elle a tenté de faire bonne figure dans une émission placée d’emblée sous le signe du déjanté par sa surréaliste voisine de table, Brigitte Fontaine, qui ne cessait d’errer dans le studio avec des allures d’ectoplasme pour aller fumer des trucs qui font rire dans les coulisses, et d’interrompre le débat par des réflexions d’un surprenant à propos, démontrant si besoin était qu’il ne faut pas juger les gens sur les apparences.

Mais à y voir de plus, près, on aurait été bien imprudent de juger également Christine Boutin sur ses apparences, et c’est Michel Polak qui, le premier, a mis le doigt sur cette évidence.

Un petit film nous rappelle brièvement la Boutin qui s’était rendue célèbre par ses manifestations de bigote martyrisée lors du débat sur le PACS, pour enchaîner rapidement sur une dame « qui s’est remise en question », qui s’est relookée (sans faire de « com », bien sûr, juste comme ça…), et que l’on voit essayer des robes dans un magasin de luxe, puis que l’on entend pérorer dans son nouveau rôle de dame patronnesse.

Pourtant, tout sonne faux dans ce ravalement de façade, et notre bon vieux Polak commence donc à défricher, sous les regards timorés d’un Eric Zemmour, qui n’en pense sans doute pas moins, mais tente d’arrondir les angles pour ne pas perdre sa bonne place de journaliste au Figaro.

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Madame, avance donc Michel Polak, si vous aviez vraiment voulu vous remettre en question, vous auriez intitulé votre livre « Je ne suis pas celle que je croyais » et non pas « celle que vous croyez ». Blanc dans l’émission, que même Ruquier n’arrive pas à combler.

Tentative de réponse de l’intéressée qui préfère finalement détourner la conversation en l’amenant sur la pauvreté du peuple français laborieux auquel elle espère remédier par l’octroi d’un « dividende universel » de 330e par mois qui serait alloué à chaque français sans considération de ressources. A peine Bruno Gaccio essaie-t-il de lui expliquer qu’il vaudrait mieux donner 660€ aux pauvres, ce qui s’appelle le RMI, que 330 à tout le monde, que la députée des Yvelines argue de sa compétence acquise « en matière familiale » pour dire ce qui est bon pour les français et ce qui ne l’est pas. Ne travaille-t-elle pas sur le sujet depuis près de trente ans ?

Trente ans, certes oui, lui répond Polak ! Mais où y travaillez-vous ? Vous être membre du Conseil pontifical de la famille du Vatican. Mais puisque vous nous présentez le Vatican comme un état, allez donc appliquer les élucubrations des conseils de cet état là-bas, et occupez vous de faire voter des lois au Vatican ! En France, il y a depuis belle lurette séparation de l’église et de l’état, et des lois conçues et pensées sous l’égide de principes religieux ne sauraient être reconnues dans un pays laïque !

L’assistance abonde et fait observer que dans tous les états qui mélangent la république et la religion, les minorités sont persécutées, le droit des femmes escamoté et la liberté de pensée au mieux en garde à vue..

L’invitée Boutin se lance alors dans une longue diatribe sur l’absence de « volet social » dans le programme de l’UMP qu’elle entend infléchir à ses vues, dont elle s’affirme une « filiale » à la tête de son micro-parti, et expose son programme pour le partage des richesses et l’équité devant certains droits comme le droit au logement. On croit un instant entendre Marie-Georges Buffet…

De guerre lasse, Ruquier fait prendre à son émission un virage sur l’aile et la remplace par Bruno Gaccio sur la sellette des invités. On reste sur sa faim… On a ouvert la chasse mais pas donné l’hallali.

Car enfin, l’équité de madame Boutin s’arrête-t-elle donc aux portes de l’église ? Donner aux gays les mêmes droits qu’aux hétéros, si ce n’est pas aussi de l’équité, c’est quoi ?

Elle déclare bien que dans son programme de refus du « PACS » en 99, il y avait des mesures pour « aménager les problèmes d’héritage et les prises en charges sociales des couples gays », mais d’une part – dommage qu’on n’en entende parler que sept ans plus tard, et d’autre part – les petites dérogations sous formes d’alinéas dans une loi ne sont pas de vraies mesures équitables, mais des « niches » qu’un nouveau gouvernement peut rayer d’un coup de plume, et qui, par leur caractère dérogatoire, ne font que renforcer la marginalité de leurs bénéficiaires…

La véritable équité, c’est la même loi pour tout le monde, le droit commun, et cela, madame Boutin ne veut toujours pas, mais après relookage, en entendre parler.

S’imagine-t-elle que tous les gays vont convoler en « justes noces » ? Quelle dérision !. Moins de 10% le feront d’abord parce que le mariage ne correspond pas à l’image que la plupart d’entre eux ont de leur mode de vie, et ensuite parce qu’observée à l’épreuve des hétéros, la formule ne ressemble ni à une réussite ni à une panacée, et n’a vraiment rien de tentant !!!

La revendication du mariage gay et de l’adoption ne m’apparaissent que comme d’indispensables points d’égalité républicaine, d’égalité de tous les citoyens devant la loi. Chacun en fera ce qu’il voudra, mais les bigots qui déclarent que cela va changer la société me font bien rigoler.

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Remake de l’émission dès le lendemain midi sur Canal + dans le Dimanche + de Laurence Ferrari. Mais là, Christine Boutin s’en est sortie à meilleure compte parce que, malgré le remake d’un petit sujet sur sa vie et son œuvre à peu près semblable à celui de la veille, elle a affaire à une Laurence Ferrari qui n’a pas le talent de présentateur ni de journaliste du tandem Ruquier - Polak.

Laurence Ferrari prépare ses émissions comme un conducteur de train. Entre le départ et l’arrivée, ça doit rouler sur des rails. Son truc n’est pas de construire un débat avec son invité, mais de lui faire dire à tout prix un truc qu’elle a en tête, et qu’elle a si possible convenu à l’avance avec lui. La moindre improvisation est pour elle une dangereuse incursion dans un inconnu hostile, et elle n’a de cesse de ramener la conversation à la lettre du script.

Le mois dernier, elle était furieuse après Jack Lang qui s’était fait inviter en lui promettant de révéler à sa table sa candidature à la candidature socialiste, et ne l’avait finalement pas fait… Comment voulez-vous faire de l’audimat avec des invités qui ne tiennent pas leurs promesses ?

Mais c’est justement ça le journalisme, madame Ferrari ! Sinon, faites des variétés ! Il y aura moins d'imprévu! Ne me dites pas qu’avec un monsieur comme Jack Lang, on ne peut pas faire une émission intéressante avec un débat à bâtons rompus !! S’il faut préparer les questions et les réponses, ce n’est plus du journalisme, c’est quelque chose entre la propagande et le people…

Encore que… J’ai appris avec plaisir que l’audimat de Bataille et Fontaine était en chute libre au point que l’existence de leur purulente émission était menacée… Ce qui prouve qu’une préparation minutieuse ne suffit pas à faire une bonne émission quand on n’a rien d’intéressant à dire.

.Donc, pour en revenir à notre Boutin, elle a perdu beaucoup moins de plumes à Dimanche +, grâce au cadre étriqué de l’émission qui ne l’a pas obligée à s’aventurer sur des terrains glissants.

Et en résumé, derrière le relookage de Christine Boutin, il y a toujours le conseil pontifical pour la famille, la morale catho de grand’maman à peine expurgée des bûchers, et l’équité à géométrie variable qui n’étend ses bienfaits qu’aux bénéficiaires dont la liste figure dans l’évangile.

Elle se voudrait « un caillou dans la chaussure de Sarkozy », ce qui ne nous fait ni chaud ni froid, mais elle risque malheureusement davantage d’être une pierre dans le jardin de toute une communauté qui ne demande, - au titre de l’équité - , qu’à se fondre dans le reste de la nation et voudrait bien cesser de n’exister qu’à travers des dérogations.