vendredi 15 septembre 2006


60° Le Vatican :

combien des divisions ?


Monsieur le pape vient encore de se faire remarquer. D'habitude, ce n'est qu'un archaïsme de plus à mettre au compte de sa fâcheuse nostalgie, mais cette fois-ci, il a fait plus fort que d’habitude et s'est attiré des commentaires désobligeants, voire pleins de colère de tous les coins de la planète.

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On savait que Monsieur le pape avait la vue basse, et le regard tourné davantage vers ses rétroviseurs que vers la route du futur devant lui. Il est vrai que comme il est incapable de faire, dans ses propres troupes, la différence entre les intégristes moyenâgeux et les progressistes, il était difficile d'attendre de lui qu'il fasse pareil distinguo dans les autres religions.

L'imprudent ne vient-il pas de restaurer dans ses prérogatives et fonctions le redoutable abbé Lagueyrie, que même son prédécesseur, qui n'avait pourtant rien d'un visionnaire, avait jugé indigne d'appartenir à un catholicisme moderne ?

C'est sans doute au nom de cette allégeance aux traditions moyenâgeux qu’il vient de mettre ses deux pantoufles dans le plat de la confusion entre l'islam et l'islamisme. Pourquoi ferait-il la différence, puisqu'il ne distingue pas les intégristes des autres dans son propre troupeau ?.

Il est vrai qu'en citant un théologien catholique du XIVe siècle, le mitré ne risquait pas de se fourvoyer dans une analyse moderniste de la situation ! Anachronisme assuré ! On est moderne ou on ne l'est pas ; Benoît XVI ne l'est pas.

Bush avait déjà fait beaucoup pour la réhabilitation des croisades, voilà un malencontreux coup de crosse qui risque d'envenimer pour longtemps les relations internationales…

À côté de pareil dérapage, les réactions du monde musulman paraissent tout à fait raisonnables : le parlement pakistanais a voté une résolution exigeant de lui qu'il retire ses propos malencontreux, et le ministre des affaires extérieures de ce pays a observé que pour quelqu'un qui se dit théologien distingué, Monsieur le pape fait preuve d'une grave ignorance de l'histoire des religions en général et de l'islam en particulier.

L'Organisation de la Conférence Islamique lui demande d'éclaircir ses pensées. C'est un euphémisme ! Hamid Ansari, président de la commission des minorités en Inde a estimé que de tels propos réactivaient douloureusement l'esprit de croisades que l'on croyait révolu depuis le Moyen Âge….

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Le Koweït a décidé de rompre les relations diplomatiques avec le Vatican, et invite tous les états arabes à l'imiter. Les institutions islamiques allemandes, turques, égyptiennes, indonésiennes s'indignent, et même le très consensuel recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, réputé pour sa modération, estime ne pas pouvoir laisser passer des déclarations aussi délirantes.

Voilà un pape qui vit avec son temps ! Le problème, c'est que c'est son temps à lui, pas le nôtre…..

Si ce n'était que cela…. Depuis quelque temps, j'ai l'impression de vivre dans un monde délétère… La moindre agression fait la une des journaux et de la télévision de sorte que l'on a le sentiment d'assister à une rapide dégradation de la sécurité et des conditions de vie, alors que ce n'est qu’à un usage pervers de l'information et à l'agitation des eaux putrides jusqu'à ce qu'elles moussent que nous devons cette impression de malaise.

Dans la série « je m'attaque aux droits des braves gens », après avoir pourfendu le droit du travail, on veut maintenant mettre en pièces le droit des locataires. Puisque les Français commencent à se faire à la précarité de leur contrat de travail, pourquoi ne pas les habituer maintenant à la précarité de leur contrat de location ? Moins leur situation sera stable, plus leur équilibre sera fragile, plus leur dépendance sera grande, moins ils oseront rouspéter.

C'est un des credo des directeurs des relations humaines branchés néolibéral : « Vous avez remarqué disent-ils, lorsqu'il y a une grève, les CDD et des intérimaires ne la font pas…. »

Lorsqu'on aura étendu au logement la pression exercée sur le bon peuple, on possédera sur lui un levier de contrôle d'autant plus puissant.



Et la privatisation du gaz ? Pourquoi l'opposition ne dit-elle pas plus fort que l'eau est trois fois plus chère dans les communes où sa distribution est privatisée que dans celles où elle est restée publique ou revenue en régie municipale ? On va nous faire avec le gaz ce qu'on nous a fait avec l'eau, puis ce sera le tour de l'électricité.

Décidément, la période est grise. Les Nicolas ne me réussissent pas.

La gauche italienne veut rejeter le mariage gay. L'été homophobe a été sanglant : agressions, morts, blessés. Ce n'est pas parce qu'on les condamne depuis quelque temps que le nombre des agresseurs diminue ; l'opportunité d'une campagne nationale d'information contre l’homophobie, pour faire face aux Vanneste et autres de Villiers, et de plus en plus urgente…

Même dans la très gay friendly Espagne, un spectacle sur Garcia Lorca a été annulé à Madrid devant les pressions des organisations d'extrême droite…Malgré cette annulation, le directeur du théâtre a démissionné et le bâtiment reste sous surveillance jour et nuit.

Sur France 2, mercredi prochain 20 septembre, Stéphane Bern va opposer Vanneste à des militants homosexuels. Est-il opportun d’offrir une tribune à un individu que la justice a déjà condamné pour ses déclarations ?

Démagogie : en juin, Nicolas Sarkozy avait chargé Luc Ferry d’une mission d'information préparatoire à l'ouverture d'un débat sur le mariage homosexuel et l'adoption par les couples du même sexe. Or, le 2 septembre, Nicolas Sarkozy, dans le Figaro-Magazine, sous la pression de la frange la plus réactionnaire de l'UMP, a réitéré son opposition catégorique à ces deux revendications.

En toute logique, Luc Ferry a mis fin à sa mission et interrompu ses travaux. Ce qui n'empêche pas le petit Nicolas de continuer à déclarer urbi et orbi qu'il travaille ardemment à la défense des libertés individuelles, des droits des minorités, et à la défense du faible et de l'opprimé !

Le parvis de Notre-Dame a pris, sous la houlette d'un maire de gauche et gay, le nom d'un individu mitré qui s'est universellement distingué pour l'étroitesse de ses vues, son homophobie, et son manque de réalisme face à l'expansion du sida. La manifestation, intitulé «catho-pride » par nos associations militantes, l'a obligé à un discours dans lequel il a paru très embarrassé. On ne peut plus compter sur personne…..

Et dans mon article précédent, lorsque je me suis esbaudi de voir Nicolas Sarkozy solliciter et recevoir la caution de M. Doc Gyneco, j'avais oublié que le panthéon intellectuel de l'UMP, entre autres recrues de marque, s’ennorgueillissait toujours de l’inénarrable Steevie, qui nous aura au moins démontré que dans notre monde merveilleux, on peut parfaitement gagner sa croûte en cultivant le ridicule.

J'ai l'impression de traîner une sorte de mal de vivre…..




vendredi 8 septembre 2006




59° La machine à perdre.


À peine la campagne des élections de l'an prochain est-elle officieusement commencée que déjà, la machine à perdre tourne à plein régime.

À gauche, alors qu'on se demandait avec inquiétude où on allait pouvoir aller chercher un candidat qui tienne de la route, on voit surgir de la façon la plus inespérée une Ségolène portée par les sondages qui n'a pas plus de défaut que les autres, quelques petits atouts dans son sac à main, et qui est surtout la seule qui rivalise dans les sondages avec le petit démago karchérisateur.

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Au moment où il semble donc le plus urgent de se ranger derrière elle, de coordonner les courants du parti, de se mettre en ligne de bataille, d'équilibrer la sensibilité des uns et des autres pour que toutes puissent bénéficier de ce providentiel élan médiatique, que voit-on ? Coup de pied en vache, ruades d’âne, empoignades de pinces de crabe, sarcasmes tueurs et autres commentaires de bistrot qui déshonorent un parti qui était parvenu aux marches du palais, mais semble maintenant incapable d'en gravir le perron.

Le comble du désastre étant cette réflection « de politologue » : « Ségolène n’est qu’une bulle médiatique, lorsqu’elle sera passée, on refera enfin de la politique sérieuse ». Ces benêts se rendent-ils donc pas compte que c'est précisément ce qu'ils appellent « de la politique sérieuse » qui détourne l'intérêt des Français de la politique tout court et de leurs hommes politiques ?

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La chasse au micro tous azimuts est ouverte, mais le subtil raffinement chez les socialistes consiste à parler en ne disant rien. L'ermite de l'île de Ré parle des heures pour ne rien dire d'autre que « je suis là ! », et le vieillard frisé et plus rose que rose semble plus préoccupé de trouver des podiums accueillants que de débrouiller le chômage qui sévit dans le Pas-de-Calais qui a bien voulu l'élire. Il était hier soir chez Ruquier sur la 2, et il y a été encore plus odieux que d'habitude.

À droite, le petit démago semble insatisfait de la position pourtant prédominante que son opiniâtreté et ses discours de café du commerce lui ont permis de conquérir. En glouton vorace de l'électorat, le petit Nicolas prétend engranger à sa gauche et à sa droite des voix qui ne lui appartiennent pas, sans se rendre compte qu'en séduisant d'un côté, il démotive de l'autre, que ses clins d'oeil à l'électorat de Le Pen donnent de l'urticaire aux centristes atteints de tentation sécuritaire, et que ses gesticulations sociales jamais suivies d'effet l'éloignent à la fois de l'extrême droite par leur principe et du centre « social » par leur vacuité. Qui trop embrasse mal étreint.

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Chaque camp guette le soutien des personnalités du showbiz. Là encore, chacun reconnaît les siens : les chanteurs qui ont quelque chose à dire s'engagent volontiers à gauche, et les héros de la presse people a droite. On a beau faire, les tribunes des candidats de droite sont hantées par des Line Renaud, des Michel Sardou, des Clavier - Reno et des Johnny Hallyday…, qui trouvent sans doute dans cet auditoire un public à la hauteur de leur philosophie…

On a même parfois la désagréable impression que ces étranges allégeances ressemblent fort à un renvoi d'ascenseur en échange de quelques grâces fiscales que les intéressés seraient venus quémander auprès d'un pouvoir qui applique à la lettre le « plus c'est gros, mieux ça passe »

Il y a même des couacs amusants : cette alliance contre nature de Sarkozy et de Doc Gyneco est le prototype de l'échec intégral de communication, le modèle du catalogue des « foutages de gueule », comme disent nos adolescents.

Assurément, ce coïtus mediaticus n'apporte pas le moindre bénéfice sur aucun tableau et pour aucun de ses protagonistes.

Sarkozy se fâche avec sa police en recevant le soutien d'un rappeur qui proclamait il n'y a pas si longtemps « je kiffe quand les keums cannent ». Un groupe marseillais a été, si je ne m’abuse, récemment condamné pour des propos de cet acabit. Le Canard enchaîné nous gratifie en première page d'un long article bien documenté qui démontre à quel point le seul point commun de Sarkozy et de doc Gyneco consiste à parler dans un micro. Sorti de là, l'ensemble du discours de l’un contredit point par point le message de l'autre, vice versa et réciproquement.

Car ce n'est certainement pas parce que doc Gyneco a fumé un joint avarié que le peuple des banlieues va se mettre à voter pour son « petit maître à penser » ! Par contre, lorsque le rappeur qui aime tant les femmes qu'il en devient misogyne aura besoin de fans pour remplir une salle de concert, nul doute que ceux-ci sauront lui rappeler amèrement ses relations mondaines en restant dans leurs halls d'immeubles au lieu de venir garnir ses gradins !

Lorsque le petit Nicolas se retrouvera devant le public de bobos effarouchés qui constitue l'essentiel de son électorat, on ne manquera pas non plus de lui rappeler qu'il s'est quelque peu encanaillé avec un personnage de bandes dessinées. Il y avait déjà eu du mal à faire passer son amitié pour Cruise le scientologue, je doute qu'il arrive un jour à imposer un rappeur, -- surtout celui-là --, à la bande de paranos dont il est le porte étendard.

C'est curieux comment les petit Nicolas excellent dans l’art de tout perdre pour avoir voulu trop posséder. J'avais jusqu'à cet été un délicieux petit camarade qui répondait aussi au nom de Nicolas, et qui pensait que Dupont ne l'entendait pas lorsqu'il parlait à Durand, qu'il pouvait dire à chacun le contraire de ce qu'il disait à l'autre sans que jamais l'imposture ne soit découverte et que jamais les fils des mensonges qu'il déroulait derrière lui ne s'entremêleraient… Mais ceci est une autre histoire……