samedi 28 mai 2016

536° Chantage, vous avez dit chantage ?







C’est un peu tard pour le joli mois de mai, la poudre de l’insurrection a fait long feu. Elle ne s’éteint pas, fait même des étincelles mais ne veut pas péter. Du coup, on risque bien d’ être embêté avec cette fichue loi travail pendant de longues semaines.

Au début, ça paraissait pourtant simple : il y avait une loi très hypocrite (on va y revenir), un parlement, et un gouvernement qui n'a pas trouvé la majorité pour la faire passer.

Dans n’importe quelle démocratie, s’il n’y a pas de majorité au parlement, la loi est rejetée et on passe à la suivante. Mais en France, nous avons l’article 49-3 qui n’est rien moins qu’un outil de chantage.

Chantage exercé sur les députés : on tu nous passes notre loi, ou le gouvernement tombe avec un risque pas négligeable de dissolution de l’assemblée. Alors, entre les députés qui n’ont de « gauche » que l’étiquette, ceux qui sont élus de justesse et qui ne sont pas sûrs de retrouver leur siège, et ceux qui ont toujours été bien élus mais qui pensent qu’avec le bilan cacateux du gouvernement, cette quasi-certitude risque bien de s’évaporer, la loi passe de force, contre l’avis du peuple et de ses représentants.

Restent les purs, les vrais gens de gauche, ceux qui disent non. On les qualifie de frondeurs. Les résistants sont toujours des terroristes, ça éveille de sombres souvenirs de notre histoire. Ces frondeurs sont pourtant les seuls députés qui se souviennent que derrière leur mandat, il y a un peuple qui espère, le pouvoir et la presse complice conspirent à les disqualifier, à les traiter de « briseurs d’unité » et de phagocyteurs du parti.



Pourtant. Qu’entend-on lorsqu’on écoute Valls et ses fantassins ? « La CGT » ne veut pas venir discuter. » Mais le débat, il a eu lieu, Monsieur Valls. C’était à l’Assemblée nationale, le mois dernier. Il a eu lieu, tout le monde s’est exprimé, et si un vote avait pu avoir lieu, votre loi ne serait pas passée.

Et pourtant, le Tartarin persiste et signe : je viens encore de le voir à la télévision affirmer avec arrogance que le texte a été voté par l’assemblée. Non ! Il n’y avait pas de majorité pour cela, sans quoi il n’y aurait pas eu de 49-3…

En décidant de l’emploi du 49-3, Monsieur Valls a empêché le vote de se dérouler, brisé le processus démocratique, renversé la table des négociations, et menacé de renvoyer les députés au chômage. Lui qui veut tant faire contre le chômage…

Et c’est lui qui maintenant, après avoir brisé le débat avec violence, accuse les syndicats de ne plus vouloir négocier ? Ils ont raison de ne plus vouloir : c’est bien lui qui a tué le débat.

Ce monsieur Valls dont les qualités de négociateur seraient si grandes ? Témoin cette vidéo où il dit à un travailleur : « Vous ne me faites pas peur avec votre -tee-shirt, si vous voulez un costard comme moi, vous n’avez qu’à travailler ».
Travailler ? Dans combien d’entreprises avez-vous travaillé, Monsieur Valls ? Combien de DRH avez-vous affronté, combien de licenciements avez-vous subi ?




Et cette dame El Khomri, qui déclare à BFM.TV qu’ elle entend la majorité silencieuse des Français lui dire qu’elle est pour cette loi travail.
Elle va l’écouter où, cette majorité silencieuse ? En gardant des moutons, comme Jeanne d’Arc ?
C’est peut-être les Français qu’elle prend pour des moutons…

Sans compter qu’elle doit fumer pas mal de pétards, « madame la majorité silencieuse, parce qu’elle a déjà dit exactement le contraire à Marine LePen...


Sans parler de Sarkozy, qui prétendait aussi la représenter en 2012…

En attendant, madame la Ministre du Travail vient de se faire plaquer par un de ses conseillers, Pierre Jacquemain, qui a claqué la porte en disant :

« C’est un beau ministère, qui est malheureusement détourné de sa mission, première : défendre les salariés ».
et qui a rajouté, pour faire bonne mesure :

«En réalité, la politique du ministère du Travail se décide ailleurs, à Matignon. C'est le Premier ministre qui donne le ton. [ ] Malheureusement, aucune de ces avancées n'apparaît dans le projet de loi final.»

Mais alors, pourquoi elle se cramponne, la pauvre Myriam El Khomri, pourquoi se laisse-t-elle ainsi détourner ? Ah oui, une carrière à faire, elle est encore jeune. Même si objectivement, je ne suis pas sûr que son obstination à rester à son bureau ne sera pas plus lourd à porter qu’une démission avec les honneurs du corps social.

Elle s’est déjà vu affubler de plein de noms d’oiseau par la blogosphère, dont notamment « l’otarie savante du cirque Solférino ». Qu’elle prenne garde que ce ne soit pas ce genre de sobriquet qui lui serve de carte de visite pour sa « carrière à venir »… 

Et cet argument "de merde": Cette loi apporte des améliorations au sort des travailleurs... (Quelques bricoles, en effet... )

Mais si le MEDEF veut faire des cadeaux, qu'il les fasse! Sans réclamer un bras en contrepartie !



Sinon, comment ne pas comprendre que les travailleurs préfèrent garder leur bras?



« Le licenciement économique facilité».
Par des difficultés de entreprise. Et encore, on a déjà obtenu que ces difficultés doivent de présenter sur les sites français, la loi d’origine voulant que le calcul soit globalisé aux entités situées à l’étranger. Mais même avec ce bémol, la raison du patron restera toujours la plus forte et que le salarié deviendra totalement une valeur d’ajustement au mépris de toute considération sociale.

« Des ruptures pour inaptitudes facilitées ».
Un simple tampon du médecin du travail vous déclarant inapte permet à votre employeur de se débarrasser de vous comme les beaufs jettent leur chien sur la route en partant en vacances.

« Un calcul du temps de travail modulable sur 16 semaines
au bon vouloir de l’employeur ». Avec une durée étendue à trois ans s’il trouve un syndicaliste marron pour accéder à ses caprices.

« L’inversion de la hiérarchie des normes ».
Jusqu’à présent, sur la base du code du travail, on pouvait négocier une couche d’accords de branche, puis une couche d’accords d’entreprise sous réserve que chaque couche soit, dans cet ordre, plus avantageuse pour le salarié que la précédente.
La loi travail inverse cette hiérarchie, rendant ainsi caduques le code du travail et les conventions collectives, puisqu’ils en servent plus de base.
Pourquoi les maintient-on, alors ? La loi ne le dit pas.
En contrepartie, la loi prévoit de faire passer de 30 % à 50 % l’audience électorale assurant la validité de la représentation syndicale. Mais c’est un miroir aux alouettes: il s’agit de 50 % des votants aux élections syndicales, et non pas 50 % des effectifs de l’entreprise.

C’est le fameux « article 2 » qui a fait chavirer tout le projet, et auquel Valls et El Khomri se cramponnent comme à un radeau.

« Disparition des avantages individuels acquis »
Si le patron décide de dénoncer l’accord collectif. Conséquence de cet article 2 dont la loi tire immédiatement des avantages patronaux…

Bref, le code du travail passé à la déchiqueteuse.




Ce que Hollande et Valls essaient de sauver en se cramponnant comme des morpions à cette loi scélérate, c’est la suite de leur carrière politique, des élections futures. Encore que s’ils réussissaient à la faire passer, traîner pareil fardeau les handicaperait pendant des décennies.

La preuve, dès que Juppé montre le bout se son nez, on lui ressort les grandes grèves de 1995….Au passage, notons que ce type est inconscient, dont le programme va bien au-delà de la loi El Khomri…

Et le petit Macron, qui clame partout que cette loi ne va pas assez loin !!!
Ils s’y croient, tous ces « valets » du capitalisme ? Le terme fut jadis inventé par les communistes de cro-magnon, mais la preuve est bien là que l’histoire est un éternel recommencement.

Rendez-vous compte que rien que la réduction du taux des heures supplémentaires représente pour un bon nombre de salariés la suppression d’un mois de salaire par an. Comme ce sont les routiers qui ont porté le pet à la télévision, les grands hypocrites du pouvoir ont proposé de les exclure de la mesure…

Mais il n’y a pas que les routiers qui font des heures supplémentaires ! De quoi auraient-ils l’air s’ils acceptaient cette aumône et abandonnaient sur le bord de la route tous les autres salariés du pays. ?

Reste le problème du bobo socialiste qui constitue malheureusement une large partie de l’électorat rose. La plupart d’entre eux sont cadres, et ont des fins de mois pas trop problématiques. Alors, comme se battre pour des avantages qui ne sont pas vitaux, c’est fatiguant, que aller manifester ça devient dangereux vu la hargne des forces de l’ordre qui reçoivent des consignes qu’ils qualifient eux-mêmes d’illogiques, dangereuses et intenables, le bobo préfère se dire : « laissons passer Hollande, Valls et son petit Macron. Ça nous évitera d’avoir à affronter un jour le retour de Juppé, la vengeance de Sarkozy ou l’invasion des fachos.

Simplement parce qu’ils ne manquent de rien, et qu’ils n’ont donc pas un besoin impérieux de se battre. Et qu’ils ne sont pas prêts à retourner au combat si d’aventure, une élection mal fagotée nous amenait un nouveau film d’épouvante.



 Ceux qui « ont besoin », eux, retourneront se battre, comme ils l’ont fait contre Juppé, contre Villepin, comme ils le font contre Valls. Et comme bien souvent, tous ceux qui ne se sont pas battus réapparaîtront le jour de la récolte avec leur beau discours "humaniste" en disant « Je vous avais bien dit que j’étais de gauche ».





mardi 17 mai 2016

535° Et maintenant, le goulag à domicile !








Les pays de notre monde presque libre s’offusquent avec de grandes gesticulations médiatiques lorsque Erdogan ferme un journal d’opposition, lorsque « El Watan », journal koweitien d’opposition pourtant prospère ferme brutalement, ou lorsque la Russie assassine ses journalistes à la chaîne, que Poutine exerce son pouvoir sur les médias ou que la Chine purge et censure son internet.

On se dit qu’on a bien de la chance d’habiter ans un beau pays de liberté, et que c’est si bien que point n’est besoin d’être vigilant sur le sujet.

On a bien tort d’être insouciant. Grâce aux vertus maléfiques de l’état d’urgence, qui se prolonge à qui mieux-mieux, l’état français commence à glisser sur cette pente savonneuse.

Hélas... pareil titre pourrait être celui d'un brûlot d’extrême droite. Or ceux qui me connaissent savent que c'est tout le contraire, et que c'est bien un signal d'alarme que je tire en choisissant ce titre... 

Plusieurs dizaines de personnes ont reçu ce week-end des injonctions d’interdiction de séjour sur le périmètre des manifestations.

Le plus médiatisé était photographe de presse. Connu sous le nom de Nnoman, il œuvre pour le collectif OEIL (Our Eye Is Life), et réussit trop bien les images de brutalités policières. 

Devant un frémissement du monde médiatique, la préfecture de police a décidé « d’examiner à nouveau » le cas de ce photographe, et a levé ce matin son interdiction d’exercer.

Tiens, c’est curieux : la préfecture de police aurait donc pris un arrêté d’interdiction sans avoir « bien examiné » le cas du suspect ?
Peut-être comme les CRS qui abattent leur matraque sur des crânes sans avoir « bien examiné » la dangerosité de la cible ?

Mais les dizaines de manifestants et de délégués syndicaux interdits de manifs à Paris et à Nantes n’ont pas vu changer leur destin. Comme des hooligans interdits de stade, ils regarderont les manifs à la télévision, avec les images que ces messieurs des médias voudront bien nous montrer. On traite les délégués syndicaux comme des hooligans...

Parce que jusqu’à maintenant, il faut bien dire que la télé nous montre surtout des casseurs en action, -je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire-, mais elle ne compense pas vraiment avec des vues de marées humaines de protestataires qui emplissent nos cités…
.
Pour voir des foules qui défilent ou des « brutalités policières », il faut plutôt chercher sur internet. D’ailleurs, dès qu’elle essaie d’interviewer un manifestant un peu agité, France 2, la télévision d’état, voit ses journalistes attaqués par une irruption policière.





Résultat de cette flagrante différence de traitement entre la presse professionnelle et les photographes amateurs : une forte perte de crédibilité de nos médias nationaux.

Mais ce que personne ne remarque, c’est l’étrange libellé de l’arrêté d’interdiction préfectoral que chacun d’eux a reçu.

Alors que les demandes d’autorisation de manifestation font état d’une manifestation contre « la loi Travail, dite loi El Khomri », les arrêtés d’interdiction prennent le loisir de faire un panégyrique de ladite loi.

Ce n’est plus « la loi travail », mais «  le projet de loi instituant de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs »

Il n’est pas mentionné « El Khomri soit louée », mais on sent que ça les a démangé ! 




Il y a comme une dérive. Dérive des institutions qui utilisent contre des manifestations à objectif social un état d’urgence qui a été décrété pour faire face à des actes terroristes.

Dérive autoritaire d’un pouvoir qui s’en prend à ses contradicteurs au mépris de la liberté de manifester.

Dérive autoritaire enfin d’un pouvoir qui s’obstine à faire passer de force et par les moyens les moins démocratiques un texte auquel s’opposent 74 % des Français.
« Au nom de la démocratie », sans doute ?

A cause de l’obstination de quelques uns à persister dans une politique dont personne ne veut et qui ne fait pas la démonstration de son efficacité, voilà que tout le pays va entrer dans une période de blocages, de transports difficiles, de déplacements impossibles, d’émeutes sporadiques spontanées, et de toutes les difficultés que le retrait de la loi pourrait faire disparaître en un instant. 




Car ne nous y trompons pas : pour un manifestant interdit de manif, ce sont cent nouveaux, mille nouveaux qui vont descendre dans la rue, pour un photographe interdit d’exercice, - et même si cette interdiction a finalement été rapportée- , ce sont mille nouveaux manifestants qui vont, avec leur smartphone, immortaliser le coup de matraque injustifié et la charge de la brigade lourde inutile et déplacée.

Il faut qu’ils s’y fassent : l’ère du numérique et de la caméra de surveillance aide beaucoup à lutter contre la délinquance, mais ça fonctionne dans les deux sens. On a changé d’époque…

Un manifestant, un photographe bloqué, cent, mille nouveaux descendent sur le terrain.

Il faudra bien qu’ils la retirent, cette loi.



Dernière minute:

Le Tribunal administratif saisi en référé vient d'annuler neuf interdictions de circuler sur les dix pour lesquelles il avait été saisi, au motif que

 "ces décisions  constituent une atteinte grave à la liberté d'aller et venir et à celle de manifester"...

D'après Bernard Cazeneuve, il y aurait eu 53 interdictions. Avant ou après la décision du tribunal administratif?

On croit rêver quand on voit un parti "socialiste" faire le bras de fer avec la classe laborieuse qui l'a suscité et élu....




lundi 9 mai 2016

534° Paris : la ringardisation en marche.






Hier dimanche a été inaugurée sur les Champs Elysées une nouvelle phase de la vision de madame Hidalgo pour l’avenir de la capitale : la piétonisation.

Si vous empruntez aujourd’hui les voies sur berge rive droite entre les Tuileries et la gare de Lyon, sachez que ce sont vos derniers tours de roue sur cette voie si moderne et si pratique, qui permet de traverser tout Paris d’ouest en est sans un seul feu rouge. Du moins qui le permettait avant que la mairie, dans une crise d’allergie automobile particulièrement aiguë, n’y installe en 2012 deux feux rouges aussi coûteux qu’inutiles au niveau du pont Marie.




De tels projets sont ineptes, et les arguments avancés pour leur mise en place aussi contradictoires que mensongers.

Au niveau médiatique d’abord : la télévision va interroger les piétons qui ont envahi les Champs Elysées pour leur demander s’ils sont contents d’être là…
Évidemment qu’ils sont content d’être là, sans quoi ils ne seraient pas venus ! Ah la belle démonstration !

Pourquoi ne pas interroger tous ceux qui sont restés coincés dans les bouchons aux abords de ce ghetto piétonnier, et surtout les plus clairvoyants qui, écœurés par cette discrimination, ne sont pas venus et ne viendront plus ?

Les commerçants des Champs Élysées se plaignent d’une baisse de fréquentation de leurs échoppes…

Pourquoi ne pose-t-on pas les bonnes questions, qui pourraient d’ailleurs s’appliquer à bien d’autres quartiers de la capitale ?…

Il n’y a plus sur cette avenue que des commerces de luxe, des marchands d’oripeaux de grand prix et d’inutilités à la mode, et les rares terrasses de café pratiquent des prix inabordables pour le titi parisien.

C’est le choix desdits commerçants de viser une clientèle haut de gamme, mais il faut bien qu’ils réalisent qu’il y a moins de riches que de pauvres, que ce n’est pas la politique menée depuis quelques décennies qui va redresser ce déséquilibre, et que ce n’est pas non plus la préférence qu’ils accordent à une minorité de nantis qui leur assurera la sympathie et le soutien de la population.

Pour avoir travaillé près de trente ans sur les Champs Élysées avant l’an 2000, je me souviens qu’il existait des commerces normaux, et que dans les cent premiers mètres de toutes les rues adjacentes, on trouvait des bistrots et restaurants tout aussi normaux, où même les salariés pouvaient prendre leur repas de midi sans se ruiner. J’ai vu ces commerces fermer un par un, laisser la place à des boutiques de luxe, des succursales de marchands de fringues internationaux et de marchands de bouffe industrielle.

Et après cela, messieurs les commerçants s’étonnent que plus personne ne fréquente leur Eldorado, et plutôt que de reconnaître leur faute, rejettent sur l’automobile la responsabilité de cette désaffection !




Ce qui revient à dire que non seulement le bon peuple n’a plus les moyens de s’offrir leurs services mais que bientôt, il ne pourra même plus y venir de sa banlieue les jours d’ivresse pour claquer son pécule...

Dans son argumentaire pour justifier la piétonisation des voies sur berge, madame le maire de Paris avance que 57 % des Parisiens intra-muros, -ses électeurs donc- sont favorables à ce projet.

Elle oublie de nous dire que sa ville se dépeuple à toute vitesse, et qu’elle est passée de 2 900 000 habitants en 1920 à 2 229 000 aujourd’hui.


Or ce ne sont pas les Parisiens qui font vivre Paris, mais les habitants de la région, et en piétonnisant sa cité, en cimentant sa tour d’ivoire, la ville se coupe de la manne qui la fait vivre.


D’ailleurs, cette désaffection a déjà commencé : les grands magasins, les circuits de cinéma ouvrent des succursales en banlieue et Paris ne pourra bientôt plus compter que sur ses touristes pour subsister.

C’est une des raisons (avec internet, je l’accorde), qui sonne le glas du Marais comme dernier quartier gay. Et là, malheureusement, la banlieue n’assure pas la relève…

A l’heure où on découvre qu’il existe une clientèle gay, où merchandisers et communicants conçoivent des publicités qui ciblent cette clientèle, le Marais se désertifie : bars et librairies ferment en série pour laisser la place à des marchands de fripes coûteuses et de baskets fabriqués on ne sait où (par on ne sait qui...), mais pourvu du précieux logo avec lequel il faut se montrer.

Pour achever de se convaincre de cette dévastation, regardons de près le nouveau Forum des Halles dont on a inauguré la « Canopée » la semaine dernière. J’en ai fait le tour. Au rez-de-chaussée, quelques établissements de restauration vraiment pas artisanaux, une chaîne d’articles de sport, des marchands de vêtements industriels et d’accessoires ménagers haut de gamme… Rien de vraiment parisien…


Les touristes seront venus de loin à grands frais pour voir … la même chose que chez eux. Peut-être pire.

Alors certes, une grande majorité de touristes ne roule pas en voiture et utilisera les métros plein d’escaliers, les bus aux arrêts introuvables et les taxis malodorants… Paris deviendra une sorte de Disneyland que les visiteurs parcourront comme un site archéologique, en s’extasiant de découvrir qu’ici, jadis, vivaient des gens qui avaient des métiers, des commerces artisanaux et des rues animées…




Rien n’y fera. Les commerçants normaux (ceux qui ne font pas dans le luxe et ne vivent pas de la manne touristique) crient au secours, mais la municipalité se veut prête à adopter tous les signes de branchitude et à copier toutes les modes bobos qui font déferler le troupeau de touristes derrière un guide qui brandit son parapluie-étendard.

Adieu Paris, je t’aimais bien. J’ai connu saint Germain des Prés, la fin de l’époque du Flore et des établissements à visage humain, où on croisait Charles Trenet, Marcel Carné, Hubert Deschamps, Juliette Gréco, Jean Marais, Michel Foucault, Jean Paul Aron et quelques autres à une époque où des hordes de sauvages ne se précipitaient pas sur les artistes pour faire un selfie, également connu Montparnasse avant les grandes démolitions, bref connu Paris.