mercredi 6 décembre 2017

559° Radio, télévision : NON aux éditions spéciales...






Notre service public est-il devenu un salon de thé avec service officiel de nécrologie ? Utilise-t-il la mort des people pour détourner désespérément l’attention des braves gens sur les problèmes du moment ?

Pendant mon petit déj, j’ai l’habitude d’écouter France Info. Hier, j’ai appris que ce brave d’Ormesson était mort, aujourd’hui que Johnny Hallyday avait rendu sa guitare.

Bon. Ce sont des informations. Quelques commentaires, quelques rappels utiles sur les carrières des défunts, ça fait partie du job. Mais je suis arrivé au bout de mes croissants sans que la radio soit arrivée à parler d’autre chose. Deux jours de suite, le reste du monde a disparu derrière ces deux décès. Volatilisé. Escamoté.

A midi, c’est télé. Je regarde parfois « Tout le monde veut prendre sa place » en mangeant. Non que j’aie un goût pour les jeux télévisées ni pour les plaisanteries lourdingues de Naguy, que son psychiatre n’a toujours pas réussi à guérir de sa fixette de savoir comment les couples se sont connus et où et comment ils se sont fait leur demande en mariage.

Je le regarde pour rire avec méchanceté de l’ignorance des candidats, dont la plupart ne savent pas quelle est la capitale de la Belgique ou qui a écrit les Misérables. Ils ont parfois des réponses dignes de « la foire aux cancres », et comme je suis un vieux grincheux, ça me fait rire.

Aujourd’hui pas moyen. « Hommage non-stop à Johnny Hallyday ». Je me dis que France Info - Télé pourra peut-être me donner quelques bribes d’actualité. Je zappe. Toujours du Johnny à jet continu.

J’ai donc été voir sur Arte un passionnant documentaire sur l’acclimatation de la vigne à Tahiti, en me disant que je journal de 13 heures de France 2 étancherait sans doute ma soif d’actualité.

 
Oui, je sais, il manque un "e" à réuni. Le montage n'est pas de moi...

 Déception. Toujours du Johnny, avec en prime défilé des ploucs qui racontent en larmoyant la place que l’idole occupait dans leur vie, combien de fois ils l’ont vu en concert, et où quand comment, et combien ils ont de posters au mur de leur chambrette.

Alors oui, bien qu’ils soient tous deux d’une droite opiniâtre, je m’incline devant le talent. d’Ormesson était un vieux réac minaudant pour cacher sa face obscure, mais un écrivain élégant et prolixe, Johnny Hallyday, copain de tous les présidents de droite pour espérer planquer ses impôts, un monument du patrimoine culturel. Oui, ils sont incontournables, oui l’annonce de leur mort a sa place dans l’actualité.

Mais au point de la supplanter ? Fait-on des éditions spéciales, des heures entières de rabâchage sur les milliers d’innocents qui meurent chaque jour massacrés dans les guerres de religion au moyen-orient ? Des éditions spéciales sur les milliers de réfugiés qui croupissent dans des camps boueux, sur les milliers de SDF qui grelottent dans nos rues ? 

Non. On fait des émissions inlassablement répétitives sur les affaires judiciaires, avec un goût prononcé pour les plus sordides, avec assassinat d’enfant si possible. Et quand il y a règlement de compte familial ensuite, c’est une gourmandise pour l’audimat.

Doit-on parler d’un attentat ? Le plus clair de l’information se concentre sur les gens qui ont vu de loin, ceux qui connaissaient, ceux dont le terroriste était un voisin, l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours…

Mais pour entendre accuser frontalement ceux dont les politiques ont fait qu’on en est arrivé là, il faut déjà lire une presse très spécialisée, alors que ce serait un devoir républicain et citoyen d’information et d’éducation que d’en faire les grandes sujets de nos médias publics…

Tout ce qu’on trouve à faire quand par hasard, un journaliste se distingue en disant la vérité et en cherchant où il y a quelque chose à trouver, c’est de lui couper ses crédits pour mettre son travail au point mort… C’est ce qui est en train d’arriver à Élise Lucet..

Bon, j’admets être un brin en colère. Forcément, ça finit par s’accumuler. Je déteste cette hypocrisie qui veut qu’on ne trouve des qualités aux gens qu’après leur mort, qu’on fasse des éloges funèbres larmoyants et interminables à des gens qu’on a le plus souvent critiqués de leur vivant.

Je hais cette bien-pensance bourgeoise qui veut qu’on se croie obligé de faire des montagnes d’obséquiosité à chaque décès comme autant de tentatives désespérées de se dédouaner de la peur de la mort qui hante la société, mais contre laquelle on n’a pas vraiment trouvé mieux que la religion et l’éloge funèbre. On est tous pareil, mais les défunts sont toujours morts « avec courage ».

Ce n’est pas étonnant que le monde aille si mal, avec des médias à ce point tournés vers le passé, et affublés d’œillères qui ne leur permettent de voir – et de montrer - que ce qui invite les gens à gamberger sur des sujets qui ne chagrinent pas le pouvoir.

Déjà qu’on se plaignait de que nos journaux télévisés soient des concentrés de documentaires sur la cueillette des olives en basse Provence, la disparition des chalutiers de Concarneau et les merveilles de l’artisanat improvisé de ces citadins-retour-à-la-campagne qui redécouvrent avec émerveillement que les poules font des œufs et comment on peut refaire au XXI° siècle les pantoufles de grand’papa et les espadrilles en ficelle d’osier.

Et vous voulez nous priver de cela, transformer cette puissante actualité en éloges funèbres à répétition. Jusqu’où voulez vous nous abrutir ?

C’est difficile de faire de l’information objective. Même lorsqu’on prétend l’être, on n’est jamais que conforme à ses idées, et on ne peut pas empêcher que des manipulateurs portant des messages plus ou moins avouables ne s’infiltrent dans le concert de l’actualité en enrobant leur dogme aride et leurs pensées dominatrices et haineuses de suaves cuillerées de démagogie.

Même la concurrence des médias payants n’est pas une garantie d’objectivité. Elle ne fonctionne que pour un public « éduqué  pour choisir», or tous les médias utilisent les mêmes moyens de propagande et de persuasion pour hypnotiser les foules hagardes.

Même internet n’échappe pas à la règle : mon pauvre blog n’y tient pas plus de place que les sites qui propagent la superstition, le dogme et la haine.

D’autant plus que je ne dispose pas des mêmes moyens qu’eux d’y être référencé par les moteurs de recherche, puisque l’effet-buzz-qui-fait-vendre veut que les médias parleront davantage des prêcheurs de haine et de scandale que des apôtres de paix et des chercheurs de vérité.

Parce que n’oublions pas que la seule preuve de sincérité de quelqu’un qui « cherche la vérité », c’est d’annoncer à l’avance qu’il sait qu’il ne la trouvera pas.

S’il veut vous la vendre, ce n’est pas la sienne, mais l’avis d’un dogme qui lui rapporte ou qui le rassure..

Tout ce que l’honnêteté permet de faire en matière de vérité, c’est d’apporter des éléments où chacun pourra puiser pour y bâtir la sienne.