samedi 26 mai 2007

98° Le C. U. C.

Le Contrat d’Union Civile spécial gay
proposé par Monsieur Sarkozy
est un cadeau empoisonné.



Jusqu’en mai 68, la situation des droits des gays en France était catastrophique. Les lois de Pétain étaient encore en vigueur, qui élevaient l’âge du consentement sexuel pour les homos par rapport aux hétéros, aggravaient le délit d’attentat à la pudeur et en alourdissaient les peines dans les contextes homosexuels, et interdisaient toute publication sur le sujet hors d’un cercle privé.

Le 18 juillet 1960, un député de Metz, nommé Paul Mirguet, avait fait voter l’assemblée nationale sur le classement de l’homosexualité au nombre des grands fléaux sociaux, dans une liste qui comprenait l’alcoolisme, la tuberculose, la toxicomanie, le proxénétisme et la prostitution. Fort de la docilité de ses amis députés, il avait quelques mois plus tard, énoncé très sérieusement du perchoir de l’assemblée que la résolution du problème de l’homosexualité était fort simple : il suffisait de supprimer les pissotières puisque c’était là le lieu de prédilection du délit.
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Or non seulement aucun des 490 députés de l’époque ne s’est foutu de sa gueule, mais la plupart ont appliqué la mesure avec le plus grand sérieux : N’a-t-on pas assisté dans les années qui ont suivi à l’extermination systématique de toutes les vespasiennes dans les villes de France et de Navarre dont ils étaient les édiles zélés ?

Le 10 mai 1971, à la salle Pleyel, Ménie Grégoire fait une émission en direct sur RTL. « L’homosexualité, ce douloureux problème » en présence d’un prêtre à qui l’assistance avait demandé avant l’ouverture du micro « s’il était venu en connaisseur », d’Armand Lannoux, d’André Baudry, (Arcadie) et de Pierre Hahn, psychologue invité qui va néanmoins se fâcher au bout de dix minutes.

Texte intégral :

http://www.france.qrd.org/media/revue-h/001/probleme.html


L’émission fut brève ! Après quelques quiproquos mémorables, les spectateurs envahissent la scène, Pierre Hahn s’énerve et s’empare du micro, Daniel Guérin grimpe aux rideaux et votre serviteur le jeune de Brethmas se fait une entorse à la cheville en retombant de la scène où il avait voulu monter dans la bousculade. Le FHAR, Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, en gestation depuis l’amphi des Beaux Arts en mai 68, venait de prendre son essor.

Le problème de la normalité posé par mai 68 éclatait au grand jour : le douloureux problème, c’est bien celui des homophobes, et on ne veut ni la charité ni la tolérance.

Tout cela, et bien d’autres comme le célèbre congrès d’Arcadie de 1977 au Palais des Congrès de la Porte Maillot, avec pour thème « le droit à la différence » sur invitation stipulant : « veste et cravate obligatoires, blue jeans interdit. » allaient émailler de gags quarante ans d’un militantisme heureusement plus efficace dans les milieux associatifs.

Car pour y avoir participé au jour le jour pendant ces années de catacombes, avoir essuyé affronts et humiliations la tête haute sous les quolibets et les crachats, fait la première gay pride sous une pluie de détritus, je peux vous résumer en un phrase la recette de la légalisation de l’homosexualité en France (et ailleurs).

Il s’agit simplement d’expurger tous les textes de lois de toutes les mentions, de toutes les références à l’homosexualité, de nettoyer à la pince à épiler tous les alinéas pervers et occultes des lois scélérates qui établissaient une différence entre l’hétéro et l’homosexualité.

Il ne s’agissait surtout pas de se faire concocter des textes sur mesure, des créneaux générateurs de ghettos, des enclaves communautaires, mais au contraire de réclamer l’égalité simple et plénière en se fondant dans la multitude et en réclamant d’être traités comme n’importe lequel des citoyens français.
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C’est d’ailleurs dans cet esprit que le peuple gay réclame le droit au mariage et à l’adoption. Très peu se marieront, très peu auront des enfants, et ceux qui en veulent les ont d’ailleurs déjà. Ce n’est pas tellement pour user de ces droits, mais bien davantage pour les posséder au nom de l’égalité républicaine.

Plus subtile a été la gestion des textes de loi prévoyant une pénalisation de l’homophobie. Là encore, il convenait de se glisser dans le traitement général des discriminations. Ce qui a été fait, puisque c’est la même loi qui vise aujourd’hui les agressions, les injures et les discriminations envers toutes les minorités exposées, englobant pèle mêle les caractères racistes, religieux, ethniques ou de préférences sexuelle des délits qu’elle réprime.

Maintenant que nous sommes redevenus incognito en tant que tels dans les textes de la loi, l’adoption du CUC, mariage spécifique réservé aux homosexuels nous réintroduirait en tant qu’exceptions, nous sortirait de notre transparence républicaine pour nous stigmatiser à nouveau comme une minorité passible d’un traitement particulier.

Ce CUC apparaît donc comme une régression manifeste sur le chemin de l’égalité républicaine pour laquelle les gays se battent depuis des décennies.
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C’est un retour en arrière tels que peuvent le souhaiter quelques esprits chagrins et rétrogrades proches du pouvoir, dont les discours homophobes sont encore aujourd’hui condamnés à ce titre par la justice, et qui ne rêvent que de mesures propres à nous stigmatiser, nous renvoyer dans nos ghettos, nos parcs à bestiaux et nos catacombes.

Sans compter que cela permettrait de recréer l’air de rien un fichier des homosexuels, supprimé en 1981, mais dont le rétablissement motive encore quelques nostalgiques du triangle rose qui rêvent toujours d’une société expurgée de tout ce qui ne leur ressemble pas.

Alors, que ce gouvernement nous donne le mariage et l’adoption de plein droit républicain, je ne l’en crois pas capable. D’ailleurs, il nous le refuse. Il est trop hanté de vieux démons réactionnaires et de religieux intégristes et/ou eugénistes. Qu’il améliore le PACS jusqu’à donner l’égalité matérielle, cela lui sera déjà difficile : 261 députés ne viennent-ils pas de signer une pétition s’opposant à toute extension des droits des gays et visant même à leur régression ?. La plupart d’entre eux sont considérés comme facilement rééligibles. La nouvelle représentation nationale ne sera pas progressiste.

Mais qu’il nous recolle un triangle rose version UMP en réintroduisant un texte spécifique aux homos alors qu’on a travaillé 40 ans à en purger les lois de ce pays, Non merci.



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vendredi 25 mai 2007

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97° El Cielo Dividido.


Un grand documentaire sur l’anesthésie.

C’est l’histoire d’un mec qui ne sait pas ce qu’il veut. Alors, forcément, c’est un peu chiant, je le sais, j’en ai un comme ça.

Au cinéma, c’est donc encore plus chiant, d’autant que le réalisateur veut faire œuvre théâtrale avec des effets de pédanterie parfaitement compassés.

Ça a d’ailleurs une influence directe sur le nombre des spectateurs, qui est, lui aussi, mucho dividido entre le début et la fin du film. Pendant les deux heures vingt que dure ce pensum, on entend les sièges se relever et la porte du fond claquer. Les gens se barrent les uns après les autres. Nous étions une trentaine au début de la séance, et plus que deux lorsque la salle s’est rallumée.

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Et pour cause. Dès le générique de début, et rien qu’à la manière dont il se présente, on comprend qu’il va falloir lutter contre le sommeil.

Monsieur Hernandez, qui a écrit et réalisé cet océan sans vague, s’est piqué de faire un film sans dialogue. Les personnages ne disent rien. Ils évoluent, lentement, comme au théâtre antique, posent, s’observent, cillent parfois dans les scènes d’action. Le spectateur, supposé intelligent, doit comprendre le film en s’abîmant dans cette muette contemplation.

Oh, ce n’est pas bien difficile. On couperait plus d’une heure sur les deux heures vingt de projection que sa compréhension ne s’en trouverait nullement altérée. Mais c’est compter sans l’application de fonctionnaire zélé de monsieur Hernandez, qui tous les quart d’heures, rompt brutalement son fleuve tranquille par l’irruption d’une grosse voix off tonitruante qui nous explique par le menu ce qu’on aurait dû comprendre, au cas où quelque déficient n’aurait pas saisi toute la subtilité de la péripétie.

Le grave commentaire de ce guide intempestif s’accompagne aussi d’une brutale interruption de l’image par un fond blanc, sur lequel il faut décrypter les sous-titres non moins blancs de ce complément d’information en espagnol gracieusement servi par la production, sans aucun supplément, - il convient de le préciser-, sur le prix du billet.

A moins que ce tout cela n’ait d’autre but que de réveiller les spectateurs indélicats qui se seraient malencontreusement endormis devant la répétition des gestes symboliques qui constituent l’essentiel de ce qu’il y a à voir ? Car comment se répéter sans dire un mot ? Demandez à monsieur Hernandez, il vous l’expliquera. Il sait très bien le faire.

Pour corser l’affaire, je ne sais quel intellectuel de service, sans doute un indispensable copain des copains, quelque Assurancetourix mexicain, a composé une musique presque abstraite, un peu grinçante dans ses moments les plus mélodieux, du genre « accessible aux seuls initiés » dont la pédanterie réussit à coup sûr à mettre en pétard les rares baba cool qui auraient pu garder leur calme.

Il n’y a que le sujet qui est actuel, tout le reste, cadrage symétriques, montage horloger, date terriblement. J’ai cru voir aux murs quelques trucs qui ressemblaient à du Warhol, une façon sans doute de vouloir faire moderne en affichant une déco année 60, même signée d’un visionnaire. Que nenni ! Dans le lent générique de fin, la déco murale est signée de parfaits inconnus, tous ces faux Warhol sont de vraies impostures !

Question pédé, il n’y a pas non plus d’innovation. Les personnages vivent en slip, se caressent en slip, baisent en slip avec les couvertures remontées jusqu’au nombril. On a beau être chez les latinos, cette pudibonderie quasi sicilienne ne contribue pas à la crédibilité de l’ensemble. Quinze secondes de zizi au repos dans une glace ne font pas un film gay, ni même simplement moderne quand on a vu Shortbus.

Il y a même une tentative de je ne sais quoi, de kitch peut-être ? A un moment, l’un des personnages se fourvoie dans une back room. Bon. Comment faire ? Monsieur Hernandez n’hésite pas. Eclairage à giorno. Pleins feux de la rampe. Bande sonore : un vieil enregistrement de la Tosca, sans doute par Monserrat Caballe. Un type tout habillé se prélasse en fumant dans un sling, façon Antoine dans son hamac de Tahiti.. Les mecs se sourient en se croisant. Non, monsieur Hernandez, il faut s’appeler Fellini ou Bunuel pour faire ça. La mayonnaise ne prend pas. Les spectateurs qui n’étaient pas encore sortis ont éclaté de rire.

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Depuis quelque temps, MK2 a la bonté de faire profiter le Marais de quelques films gay dans sa petite salle de Beaubourg. On a pu y voir quelques trucs qui ne seraient sans doute pas passés ailleurs. Que grâce lui soit rendue pour cet effort, même s’il n’est sans doute pas complètement désintéressé. Monsieur Marin Karmitz n’est pas un grand philanthrope, mais il est assurément un vrai cinéphile. Par contre, il faut bien reconnaître que des quatre derniers films gay qu’il nous a montrés, un seul (Shortbus, cf mon article n° 69) était un petit chef d’œuvre. Boy Cultur (cf mon article 82) était d’une affligeante banalité, Destricted, un navet si insondable que je n’ai même pas fait d’article. Il est vrai qu’il y avait au milieu de ce film quinze minutes de Larry Clarke (Kids, Ken Park) parfaitement dignes de leur auteur, mais il fallait pour profiter de ce court-métrage, se farcir une heure et demie de borborygmes flatulents de pseudo artistes qui, sans doute depuis qu’ils ont vu Dali et Picasso, imaginent qu’il suffit de déformer la réalité pour la transformer en chef d’œuvre. Larry Clarke, lui, ne déforme rien du tout, il montre, expose, interroge, et ça exprime bien davantage.

Puisque nous parlons de Monsieur Marin Karmitz, le MK de MK2, rendons lui un petit service qu’il mérite. Car nous devons à ce monsieur la diffusion d’un certain nombre de films que les grands opérateurs de diffusion se seraient bien gardés de nous montrer parce que le cinéma ne les intéresse qu’à partir d’un million d’entrées par film.

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MK2 a le mérite de nous montrer un cinéma d’auteur, plus marginal, moins rentable certes, mais plus enrichissant au sens noble, de la veine où on découvre des vraies pépites. Or on veut carrément le spolier d’un cinéma.

MK2 exploite depuis des années le cinéma de Beaugrenelle, là-bas derrière la Tour Eiffel, dans le centre commercial du même nom. Cinéma prospère et original, bien intégré dans son quartier, avec des évènements culturels, une clientèle fidélisée, et qui projette aussi le moins pire d’Hollywood dans des conditions techniques acceptables. Bref tout le monde y trouve son compte.

.Tout le monde ? Non ! Un irréductible exploitant, Europalaces, le fruit de la fusion des deux plus anciennes sociétés de cinéma du monde, Gaumont et Pathé, avec l’objectif « d’industrialiser l’exploitation cinématographique pour la faire entrer en bourse » a décidé de faire main basse sur tout ce qui passe à sa portée.

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Dans le cadre de la rénovation du centre commercial de Beaugrenelle, le promoteur a désigné Europalaces comme nouvel exploitant du complexe cinématographique du lieu et sommé MK2 de déguerpir sans soulever de poussière. On ne se posera pas de question sur le pourquoi du comment de l’irruption d’Europalaces sur la place de Beaugrenelle par le biais du promoteur. Cette seule irruption sans commentaire se suffit à lui donner du sens.

Une pétition attend vos signatures dans les cinémas MK2 ( Grande Bibliothèque, Bastille, Beaubourg, Beaugrenelle, Gambetta, Hautefeuille, Nation, Odéon, Parnasse, Quais de Loire et de Seine.) Ne lui plaignez pas votre contribution. Les plus grands talents ont tous commencé dans de « petits films » En élaguant le « sous-bois » du cinéma, on en fait mourir à terme les plus beaux arbres.

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dimanche 20 mai 2007

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96° Le salaire de la peur.


L’année 2007, et sans doute les quelques suivantes ne resteront pas dans l’histoire comme des périodes propices à l’émancipation des libertés individuelles en général, et homosexuelles en particulier…

En France…

Les radios nous battent les oreilles avec notre petit élu qui est « le premier président de la cinquième république à avoir été élu dès sa première candidature ». Exact. Mais j’ai beau tendre l’oreille et ausculter les bulletins d’informations, je n’entends jamais dire quelque chose qui me semble pourtant bien plus significatif : Sarkozy est le premier président de la cinquième république à avoir été élu avec un aussi grand nombre de voix du front national.

Car rendons grâce à son prédécesseur, que nous risquons bien de regretter plus vite que nous aurions pu l’imaginer : le grand Jacques avait toujours été sur ce point d’une exemplaire fermeté. Encore une belle tradition républicaine qui se perd.

Voilà donc un gouvernement composé « d’hommes neufs ».

http://www.liberation.com/actualite/politiques/254599.FR.php

Homme neuf : Alain Juppé par exemple. Entré au service de Jacques Chirac en 1976, Alain Juppé n’a que 31 ans de politique derrière lui. Un bizuth, quoi… Après avoir essuyé deux affaire judiciaires, dont l’une a valu – avant abandon des poursuites – le foudroiement par Jacques Toubon du procureur de Paris Bruno Cotte qui l’avait suscitée, et l’autre une condamnation pendant laquelle il est allé respirer le grand air du Canada, le maire de Bordeaux est donc un des petit nouveau du gouvernement. Il incarne le renouvellement.

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Détail amusant : nommé par un calife qui veut « liquider » l’espri
t de mai 68, Alain Juppé -seul ministre d’état de ce gouvernement -, vous excuserez du peu, pourrait en la matière figurer sur le livre des records. Il est en effet l’instigateur de la plus belle grève générale depuis mai 1968, et ce à propos de la réforme des retraites. Rappelez vous novembre – décembre 1995. Or la réforme des retraites est toujours au programme. Mais chargé du développement et de l’aménagement durable, Juppé n’aura que l’aménagement de sa propre retraite à choyer, dieu merci pas celle des autres.

Brice Porteflingue. Pardon : -Hortefeux-. Encore un nouveau… Ami de trente ans de Sarkozy, entré en politique en 1986 comme administrateur territorial, il était chargé des négociations « qui n’ont pas existé » entre Sarkozy et le Front National. Il possède la furieuse réputation, non vérifiée mais très furieuse, d’avoir milité dans des groupuscules d’extrême droite (GUD, GAJ) dans les années 70. Détient le fameux portefeuille qui doit concilier l’immigration et l’identité nationale. Sachant que le ministère de la culture a été sauvé de justesse de la relégation, on se demande ce qu’aurait pu être l’identité nationale sans un ministre chargé des affaires culturelles.

Justement, on trouve Christine Albanel à la Culture et à la Communication. Précédemment à la tête du Château de Versailles, cette brave dame s’est vu reprocher par les historiens de transformer le château en parc d’attractions. Très partisane du mécénat, Christine Albanel incarne cette mode anglo-saxonne qui pousse les états à se détourner de leur patrimoine en le bradant à de grandes entreprises comme support publicitaire. On se souvient qu’interrogé sur la nomination d’Ornano au poste de ministre de la Culture, Mitterrand avait répondu en direct à la radio que ce qui l’inquiétait n’était pas tellement le ministre de la culture, mais la culture du ministre. C’est à cela qu’on reconnaît les grands visionnaires : leurs déclarations sont toujours d’actualité.

On ne va pas les analyser tous, mais seulement ceux qui interrogent notre subconscient. Par exemple, le cas de Xavier Bertrand, qui a pour tâche le Travail, les relations sociales et la solidarité. Les affaires sociales sont devenues des « relations sociales », ça fait plus DRH, ça rappelle le bureau… Mais ça augure plutôt mal pour les exclus qui justement, ont vu toute forme de relation avec le reste de la société coupées par les exclusions. On ne récupère que les pas trop amochés, et on laisse les autres à Martin Hirsch, haut commissaire « aux solidarités actives contre la pauvreté ».

Martin Hirsch… Ex-collaborateur de Kouchner et énarque, Conseiller d’Etat… Pour lui aussi, l’heure de la promotion avait sonné. Et sa seule présence démontre la volonté du pouvoir d’abandonner le sort des déshérités au monde des associations caritatives au lieu de prendre lui-même le problème à bras le corps. On ne prête qu’aux riches. En organisant, à l’anglo-saxonne, le développement de l’action caritative, Martin Hirsch risque bien, volontairement ou non, de sonner le glas des RMI et autres subventions de derniers recours qui marquent encore la solidarité nationale à l’égard des plus déshérités.

Si la République favorise à ce point la prise en charge des exclus par le monde associatif qu’elle nomme un haut commissaire exprès, il faut comprendre qu’elle entend les lâcher et s’en laver les mains. Le mot « Fraternité » de notre devise en prend un vilain coup. Il est vrai que c’est la devise toute entière « Liberté Egalité Fraternité » qui a tremblé sur ses bases lorsqu’on a entendu les directives du programme du calife essentiellement fondé sur la réhabilitation du travail, les valeurs de la famille et une notion de patrie qui nous a valu le ministère de l’immigration et de l’identité…

Au logement et à la ville, on retrouve encore une petite nouvelle de 63 ans, députée des Yvelines depuis 1986, conseillère du Conseil Pontifical pour la famille du Vatican depuis 1995, la très homophobe Christine Boutin, (voir mon article n° 67). On se souvient qu’elle participa jusqu’à la fin -alors que d’autres la quittèrent en route -, à la tristement célèbre manifestation de janvier 1999, où furent brandies des pancartes « les pédés au bûcher » (et d’autres pires…), celle qui introduisit un symbole religieux –une bible-, dans ce temple de la laïcité qu’est l’assemblée nationale pour plaider contre le PACS. Ce n’est pas demain que les couples gays pourront prétendre à un logement social, même s’ils ont un enfant…

Roselyne Bachelot, 61 ans, est élue conseillère générale du Maine et Loir en 1982. Encore une gamine en politique. Elle est néanmoins la seule UMP qui a défendu le PACS et voté pour. Là voilà nommée à la jeunesse et aux sports. Elle n’y fera pas plus de dégâts qu’à l’écologie, et sûrement autant de gags. Ayant personnellement pu dîner un soir avec cette dame par ailleurs humaniste, estimable et pleine d’humour, je lui ai demandé « ce qu’elle faisait dans un parti de droite »… ! Et sa réponse embrouillée ne m’a pas convaincu, je n’en ai retenu qu’une grande admiration qu’elle semble professer pour le petit Nicolas. Elle fait sa petite carrière avec l’air de ne pas y toucher..

Michèle Alliot Marie, 61 ans, est entrée en politique il y a plus de 26 ans. En 1981, elle est déjà secrétaire nationale chargée de la fonction publique du RPR. Avant son départ du ministère des armées, elle s’est empressée de confirmer la commande de pièces coûteuses de son cher second porte-avion, de manière à rendre sa construction irréversible. Elle hérite du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités. A-t-on rangé les cultes dans les collectivités ? Mes documents sont muets sur ce point. Pourtant, le domaine des cultes qui dépend traditionnellement du ministre de l’intérieur, me semble un sujet de première priorité, surtout par les temps qui courent…

Bernard Kouchner et Eric Besson… Ah… « l’ouverture ».

L’importante participation à ces élections, le relatif échec de Bayrou et les scores rapprochés des finalistes ont démontré que la France était toujours structurée autour d’un clivage gauche-droite très net. L’ouverture consiste donc à vouloir élever les renards et les poules dans le même enclos.

Ça ne peut pas évidemment pas fonctionner.

Kouchner a –t-il jamais été de gauche, même avant d’être radié ? Souvenons nous qu’il a toujours été partisan du CPE ainsi que de l’intervention de Bush en Irak… Et Besson ? Il ressemble beaucoup plus, comme le précédent d’ailleurs, à un technocrate qui a changé d’employeur qu’à un militant qui aurait eu des états d’âme…En tout cas, comme secrétaire d’état chargé de la prospective, il est dans son élément : le sens de la prospective qu’il a déployé dans sa zigzagante carrière politique nous garantit que les prospectives dont il est chargé feront du chemin……

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Mon sentiment est que nous avons là affaire à deux carriéristes patentés à la recherche d’un ascenseur social qui leur a paru plus rapide chez Sarko que chez S
égolène.

Mais d’ouverture, point. Puisque par définition, si on accepte d’appartenir à un gouvernement, c’est qu’on en accepte les lignes directrices, le programme et le plan. Alors, laissons leur le bénéfice de l’honnêteté intellectuelle en les qualifiant de ralliés, mais n’accordons pas à cette équipée hétéroclite un esprit d’ouverture que tout dément. A mes yeux, ils ressemblent bien davantage à une bande d’aventuriers.

Concernant la parité, on pourrait gloser. C’est une forme de discrimination positive. Je déteste. A chaque poste, il faut mettre le meilleur, sans autre considération. Ce sont les guignols de canal plus, qui, avec leur sens de la phrase courte, la résument le mieux :

40% de femmes

40% d’hommes

20% de traîtres.

S’étant prêté de bonne grâce au jeu de la vérité sur Canal plus,

http://youtube.com/watch?v=CZwC3yWahdg

Nicolas Sarkozy, à la provocation « Steevy ministre de la Culture ? » répond que « son ami Steevy est un homme intelligent et sensible qui défend très bien ses idées et envers qui il ressent de la confiance et de l’amitié ». Merci, monsieur Sarkozy, de nous avoir appris que Steevy avait des idées. Nous, on ne s’en était pas aperçu, mais peut-être êtes vous avec Steevy « sur la même longueur d’onde » ? Cela peut favoriser la compréhension…

Bon. C’est au pied du mur qu’on voit le maçon. Laissons passer quelque temps pour examiner à nouveau le résultat de cette fine équipe.

Tiens à propos, brillante illustration de ce que la liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas, le journal gay Illico qui avait été menacé par « la direction des libertés publiques du ministère de l’intérieur » de disparition pure et simple sans motif clairement explicité, (voir mon article n° 90) vient de recevoir un missive du directeur de cabinet du jeune Barouin disant que : « le ministre avait décidé de ne pas faire usage, à l'endroit de la publication Illico, des pouvoirs qu'il tient de l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949".

Cela n’aura été qu’une tentative d’intimidation, sans doute due au fait que Illico est le seul journal gay de grand tirage vraiment militant et qu’il avait clairement pris parti pour Ségolène.

Cette mesure avait déclenché une levée de boucliers –et même de plumes trempées dans l’acide- dans toute la presse. Même pour un gouvernement qui veut « rentrer dedans », il paraissait sage d’évacuer la boulette.

La précédente agression ministérielle à l’encontre d’un journal gay était une tentative du même acabit concoctée contre Gai Pied en 1987 par Charles Pasqua, le pote à Sarko qui voulait terrifier les terroristes, et qui avait été avortée par… François Léotard, le vendeur aux enchères de TF1 Comme quoi…

Deux choses encore sur les nouvelles perspectives françaises :

D’abord sur le nouveau gouvernement en signalant qu’un grand nombre de députés UMP se sont d’ores et déjà déclarés farouchement hostiles -réélection en France profonde oblige-, au vote des améliorations du PACS promises par Sarko dans son programme, et dont Sébastien Chenu, président de Gay Lib, les UMPédés que les gays de gauche appellent volontiers « le club des masos », s’était déclaré satisfait. Ça lui a d’ailleurs réussi : le voilà promu au rang de conseiller du président pour les affaires LGBT. Non seulement il ne pèsera pas lourd devant Christine Boutin et la cohorte scientologue que le calife rencontre volontiers, mais vu le peu de choses dont il se contente et le dédain qu’il semble professer pour l’acquisition définitive de l’égalité républicaine que constitueraient le droit au mariage et le droit à l’adoption, il semble que nos libertés ne vont pas faire de bond en avant pendant la prochaine législature.

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Ceci d’autant plus que SOS Homophobie vient de publier son rapport 2007, et que les résultats sont accablants au regard des promesses faites en matière de sécurité par le précédent ministre de l’Intérieur. Un certain Sarkozy, Nicolas.

Les cas d’homophobie signalés dans les lieux publics et sur la voie publique ont doublé. Apparition d’agressions fréquentes et aveugles dans la rue, les commerces, les transports, le voisinage, sur tout ce qui n’affiche pas une image de « virilité acceptable » dans son comportement, ou qui est l’objet de soupçons ou de diffamation. Pas de quoi pavoiser, d’autant plus que le projet d’information sur l’homophobie dans l’enseignement secondaire est en panne depuis plusieurs années, bien que son coût soit nul puisque des bénévoles associatifs se sont proposés pour le réaliser.

Et enfin, l’UMP s’abstient de présenter aux législatives un candidat contre Christian Vanneste, qui, après une condamnation confirmée en appel pour propos homophobes injurieux, a furtivement glissé de l’UMP vers le CNI, succursale « droitiste » de l’UMP. Ainsi, Sarkozy réussit-il le tour de prestidigitation tout à la fois d’éviter une triangulaire, et d’engranger par succursale interposée la réélection de Vanneste sans avoir eu à le radier de son parti.

On note aussi l’investiture de Madame Ceccaldi-Reynaud, députée de Puteaux, récemment condamnée pour avoir fait diffuser un tract diffamatoire sur son adversaire socialiste, avec des sous-entendus insinuant des soupçons de pédophilie.

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Un p
etit mot aussi de la déception des socialistes devant les ruines fumantes de leur parti où la machine à perdre à tourné à plein régime, tant le carriérisme des éléphants n’a pas hésité à sacrifier la perspective d’une victoire possible au maintien d’un confortable statut de rentier de l’opposition. Le carriérisme n’est pas une spécialité de droite, mais s’ils veulent voir à nouveau la couleur de mon chèque de cotisation, il faudra qu’ils mettent de l’ordre au karcher dans les écuries de leurs gros bestiaux. J’irai leur chanter « le cimetière des éléphants » s’il le faut.

Et à propos des centristes, je retiens l’image des députés de l’UDF fuyant en troupeaux serrés vers la bonne soupe de l’UMP. On a beau faire, les hommes auront toujours la couille droite un peu plus grosse que la gauche. Le centre n’a jamais été autre chose que le milieu de la droite. Il n’y a qu’à voir comment Bayrou reste en rade pour avoir voulu le resituer dans une saine géométrie.

Enfin les chanteurs de reggae lourdement homophobes, comme Capleton, qui s’étaient vus interdire des séries de concerts en Europe à cause des invitations aux meurtres homophobes contenus dans leurs chansons, ont trouvé la parade : ils sortent un film, « Made in Jamaïca », le 13 juin… Je ne vous montrerai pas l’affiche.

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Pendant ce temps-là, un groupe de lesbiennes serbes, avec sa chanteuse Marija Serifovic a gagné le grand prix de l’Eurovision. Faudra revoir nos idées reçues sur la Serbie… Mais elles sont déjà accusées d’avoir copié l’Albanie. Allons, allons, il y aura des chanteuses lesbiennes pour tout le monde.

Bon. Il faut aussi qu’on parle un peu de la Pologne, vous savez, ce pays tout près du nôtre dont les dirigeants se sont donné pour mission divine de « rétablir les valeurs chrétiennes en Europe ».

La Pologne s’est fait taper deux fois sur les doigts dans la même semaine par la Cour Européenne des droits de l’homme. Record battu !

Une double première fois pour son projet d’interdire l’accès à l’enseignement aux homosexuels et pour censurer les brochures du Conseil de l’Europe relatives à l’éducation sexuelle, et une seconde fois pour prétendre écarter de la fonction publique toute personne ayant peu ou prou collaboré ou seulement appartenu aux communistes d’avant le déluge. Ce qui exclurait quasiment la moitié du pays de la fonction publique…

Plus un arrêt de la Cour Européenne sur une violation de l’article 11 de la Convention Européenne des droits de l’homme relative à l’interdiction de la Gay Pride de Varsovie en 2005. Laquelle a eu, pour sa version 2007, timidement lieu hier entre deux doubles rangées de policiers et de skinheads cathos. (spécialité russo-polonaise)

Le député européen Maciej Giertych, qui avait été blâmé par le parlement européen pour avoir publié une brochure antisémite, vient d’en éditer une seconde, homophobe. Persiste et signe.

Son fils, Roman Giertych, est précisément le ministre de l’éducation qui veut bannir toute notion de l’homosexualité du monde de l’enseignement polonais. Y a pas de pédé dans la famille.

En tout cas, en Pologne, on a de la suite dans les idées, puisque le président de la République, encore une affaire de famille puisque c’est l’un des jumeaux Kaczynsky, Lech, ( l’autre étant, je le rappelle, premier ministre…) qui a déclaré qu’il introduirait dans la constitution les dispositions que l’Europe l’empêcherait de promulguer par la loi. Ça promet…

La Pologne deviendrait dans ce cas le premier pays européen depuis le III° Reich à posséder des statuts discriminant la liberté d’opinion et la liberté sexuelle.

Il me semble ubuesque de se disputer sur l’éventuelle adhésion de la Turquie à l’Europe dans quinze ans alors que nous avons aujourd’hui dans l’Europe des pays qui traitent les droits de l’homme de cette manière.

Le jour de gloire n’est pas arrivé…



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