dimanche 16 avril 2017

551° Comment rester de gauche quand la gauche disparaît ?






On pourrait penser que la pensée de gauche, traditionnellement pétrie d’humanisme, d’esprit républicain, d’égalité des droits, de bien public élevé en but ultime, de richesse équitablement partagée et de sens de l’état contribuerait à donner aux partis de gauche une force morale et intellectuelle capable de les porter naturellement aux commandes de la République.

Les évènements nous montrent que c’est trop leur demander. En fait, comme toutes les belles et nobles causes, les allées du pouvoir sont parcourues, infiltrées, phagocytées et littéralement occupées par une cohorte d’aventuriers politiques qui cherchent à tout prix un poste dans « l’entreprise gouvernement » et sont prêts à vendre des idées qui ne sont pas les leurs si la place est confortable et les prébendes généreuses.

Nous avons tous vu dans des entreprises des entristes occuper des postes dont ils n’ont pas le profil.

Le problème est que quand on a mis un pied dans l’imposture en se faisant élire, on ne sait plus très bien jusqu’où on peut aller sans que « ça ne se voie », et surtout aussi que dès lors qu’on a déjà violé sa conscience et sa probité en acceptant un poste pour lequel on n’est pas fait, on n’a plus guère de scrupule à trahir davantage les électeurs qui comptaient sur vous pour accomplir la tâche.

Tout cela nous donne des gens qui se font élire président au nom du parti socialiste, puis qui mènent une politique en totale contradiction avec les aspirations de leurs électeurs, pratiquent la destruction du code du travail, fomentent des attaques aux statuts de la nationalité et usent et abusent de modes de gouvernement à coups de 49/3 qui sont autant d’injures à la démocratie.

Déjà, en 2005, j’avais été choqué de voir le parti socialiste, en totale contradiction avec la vox populi qui refusait, par referendum, la nouvelle constitution européenne, s’allier au conglomérat droito-financier qui plaidait le oui.

Pire, c’est avec l’appui d’une grande partie des députés socialistes que Nicolas Sarkozy sodomisait l’expression démocratique du referendum de 2005 en faisant adopter ce traité de Lisbonne par voie parlementaire le 9 février 2009.

Entre temps, les mauvais camarades socialistes avaient déjà lâché Ségolène Royal, dûment élue candidate à la présidentielle par des primaires de gauche fin 2006. Faute de ce soutien, la pauvre Ségolène avait échoué de peu à la finale de 2007 face à un Sarkozy qui, lui, bénéficiait du soutien bien réel et actif de son parti.

Personne n’avait sérieusement parlé d’assassinat politique à l’époque, mais avec le recul, force est de constater que c’en était bien un.

Cela faisait donc déjà deux fois en deux ans que les dirigeants socialistes s’asseyaient sur la voix de leurs militants pour mettre en œuvre une politique dont le peuple ne voulait pas et contre laquelle, justement, ils avaient été élus.

Un serial killer récidive toujours, et en 2017, le parti assassin a encore sévi.

Le peuple de gauche élit un candidat à la présidentielle : Benoît Hamon.
Son cheval de bataille, c’est le revenu universel.

Loin d’être une nouveauté : le principe du revenu universel sous différentes appellations, est issu du siècle des lumières, puis mis en pratique par les premiers grands penseur sociaux, comme Charles Fourier et Jean Baptiste Godin, horrifiés par la condition ouvrière du XIX° siècle.

Benoît Hamon, entre autres idées novatrices, prône également la légalisation du cannabis. Cela a l’air marginal, ça ne l’est pas du tout : c’est l’herbe qui fait rire, l’idée, elle, est très sérieuse. Tous les pays qui ont légalisé le cannabis ont vu la consommation du produit diminuer sans augmentation compensatrice de l’usage d’autres drogues, et également vu s’anéantir la délinquance liée à son marché noir.

La Hollande, le Portugal, l’Afrique du Sud, 9 des 50 états américains, Uruguay, Chili, Colombie, etc.

Le Canada s’apprête à son tour à légaliser le produit dans les mois qui viennent.
24 autres états américains et 22 pays divers l’autorisent sous indication thérapeutique.

Benoît Hamon était le seul candidat réellement innovateur, le seul visionnaire d’un futur à long terme. C’en était trop pour un parti aussi résolument conservateur que le parti socialiste, et les imposteurs qui se le sont approprié ont donc perpétré le troisième assassinat politique de leur carrière.

Pourtant, encore une fois, le pauvre peuple a fait ce qu’il a pu, révoqué les traîtres sociaux par voie de primaire, peine perdue.

Les ringards du socialisme de salon se sont tous tournés, les uns après les autres, vers le candidat encore naïf qui incarne le mieux la continuité de leur bobocratie. Ils espèrent simplement le maîtriser par un chantage à la majorité parlementaire et changer de château après l’élection.

Et pendant ce temps-là, c’est Fillon qui se dit victime d’un assassinat politique.

On notera d’ailleurs, que, dans un camp comme dans l’autre, tous les anciens ténors dégagés par la primaire, après quelques convulsions, se sont retranchés dans un étrange silence. Que cela ne nous rassure pas, ils ne tiennent aucun compte du message de leur défaite.

Ils sont en train de bétonner leurs positions pour les législatives, persuadés que cette échéance leur permettra de revenir par la fenêtre d’une scène dont on les a pourtant virés par la grande porte.

Que peut penser de tout cela un pauvre citoyen comme moi ?
D’abord, à ce vieux proverbe arabe qui dit :

« Si tu te fais niquer une fois, c’est pas de chance, 
deux fois c’est que tu as la comprenette ensablée, 
et si tu te fais niquer trois fois, c’est que tu aimes ça ».

Alors, la mort dans l’âme, me voilà résolu à sacrifier ce pauvre Hamon malgré tous ses mérites, et au nom de la cause du peuple et du bien commun, à voter pour Mélenchon qui, s’il ne correspond pas tout à fait à mes aspirations, reste, dans les « possibles », celui qui s’en écarte le moins. 

Le PS est un serial killer. 

Il procède à l'assassinat politique de tous les représentants que lui donnent le peuple de gauche. Je ne veux plus être complice.

Pourtant, je me réjouissais à l’avance de ces élections de 2017. Depuis cinquante ans que je vote, je n’avais eu que deux fois l’occasion de mettre dans l’urne le bulletin d’un candidat qui me convenait et de le voir élu : c’était François Mitterrand en 1981 et 1988….

Cette élection de 2017 allait me permettre, pour la troisième fois, d’élire un candidat vraiment visionnaire et annonciateur de progrès social et sociétal.

Patatras ! Les politicards en costume de la rue de Solférino en ont décidé autrement.

Alors, j’irai, d’une main désabusée, glisser mon petit Mélenchon dans les urnes. Je ne suis pas totalement convaincu du bien-fondé de tout son programme, (même si, en toute modestie, je n’en ai pas de meilleur à proposer...) mais rien que le spectacle de la gueule que tireront les vieilles sangsues de la politicaillerie à la vue de son élection suffira à me consoler.

Et puis allez, pour essayer de se rassurer : Je constate chez lui un assagissement, une meilleure maîtrise de son impulsivité, un début d’installation dans le costume. Quitte à affronter une transition difficile, il y aura moins de monde dans la rue avec Méluche qu’avec Fillon-la-manif-pour-tous, son holocauste social et son cortège d’exclusions.

Faute de pouvoir voter « pour », on est bien sûr obligé de voter « contre », et Mélenchon représente une manière de s’insurger autrement plus élégante que celle que représentait la grosse blonde jusqu’ici, et à laquelle, pour rien au monde, je ne me serais résolu.

De toute manière, aucune réforme sérieuse ne pourra se faire sans « une certaine agitation », et je fais donc confiance au « meilleur agitateur » pour pratiquer ce désordre dans un ordre raisonnable.

Mais alors, et Macron ? Que fais-tu de Macron ? me demandent mes amis qui ont une carrière professionnelle en pleine expansion alors que ma retraite n’a pas augmenté d’un centime depuis cinq ans…..

Eh bien, Macron, une bonne justice ne permettra pas de le mettre en examen pour « assassinat politique en réunion » puis qu’il « n’appartient pas » au parti socialiste. Mais comme l’appartenance à ce parti n’est plus une garantie de « vraie valeurs sociales et humanistes », finalement, ce n’est pas très grave.

La punition sera suffisante de savoir avec qui il pourra gouverner s’il est élu et d’où il sortira une majorité de compromission pour le servir. 

Car ce n’est pas la peine, au prétexte de ne vouloir que des personnalités nouvelles en politique, que de ne recruter que des jeunes loups qui ont les dents encore plus longues que ceux qu’ils veulent déloger.

Nous avions un panier de crabes, avec lui, nous aurons une meute de loups.

L’hiver risque d’être rude. Entassez vos noisettes…