dimanche 24 août 2008

190° Mort d'un illustre inconnu

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Tony Duvert est mort, seul et maudit, comme il avait vécu, il y a quelques semaines dans sa maison du Loir et Cher. Souvent perçu comme un épouvantail par les critiques qui reconnaissent son œuvre sans oser en parler, il mérite pourtant quelque éloge funèbre.


Car l'œuvre de Tony Duvert tourne autour de la pédophilie, de ce symbole qu'étaient pour lui les petits garçons et à travers lequel il a démonté avec une précision lucide et objective tout l'appareil de perception sociale qui s'attache à la sexualité dans son ensemble depuis sa prise en charge par les religions monothéistes.

photo D.R. (1979) Le Monde 23/8

C'est dire de quelles controverses ces quelques livres sulfureux sont l'objet et de quelles précautions il faut s'entourer pour en parler de nos jours. Pourtant, en 1973, le chaste Figaro, qui va pourtant peu après porter le très réactionnaire Louis Pauwels à la tête de son magazine, écrit, à propos de « Paysage de fantaisie » qui vient de recevoir le Prix Médicis: «de la perversion la plus vertigineuse, mystérieusement naît […] l’innocence»...


http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/08/23/mort-dun-ecrivain-a-thore-la-rochette


Dans une interview à Libération, une des rarissimes accordées par Duvert, il déclare: « Il n'y a pas de personnage pédophile dans ce livre, [...], même pas d'érotisme, pas de relation réussie. J'ai d'abord éliminé le pédophile, tous ceux qu'il m'est arrivé de rencontrer jusqu'ici m'ont paru des gens insupportables, [...] pires que les parents,..[...], «Je me désolidarise entièrement de la pédophilie telle que je la vois. Je reste entièrement solidaire des combats qui sont menés contre cela.».


http://www.liberation.fr/culture/347102.FR.php



Si on reprend son cheminement dans l'ordre, il y a d'abord un grand sculpteur de la langue française, qui conquiert ses lettres de noblesse et un prix littéraire avec « Paysage de fantaisie », écrit sans syntaxe dans une recherche éperdue d'harmonies conceptuelles et phonétiques, et brosse des tableaux par petites touches, d'une manière impressionniste, voire néo-impressionniste, puis ensuite un sociologue avisé qui donne en langage académique « Le bon sexe illustré », aboutissement de sa pensée sous forme d'un traité quasi-scientifique.


Malheureusement, ses ouvrages ne sont pas publiés dans l'ordre où il les a écrits, ce qui ne simplifie pas la compréhension de son cheminement. De plus, le personnage, compliqué et écorché vif, fuit la presse et la ville, semble égarer quelque peu le fil de son œuvre dans ses problèmes personnels, et donne enfin un dernier ouvrage taillé au couteau « Abécédaire malveillant » qui arrive alors que le « retour de l'ordre moral » est déjà commencé, et contribue à précipiter son oubli. Devenu misanthrope, il achève son existence dans les conditions que l'on sait.


Que reste-t-il donc de l'œuvre ? : Le regard d'un visionnaire, qui a prédit, décortiqué et expliqué le retour de manivelle pudibond qui allait suivre la libération sexuelle des années 70 et la quasi hystérie que nous connaissons aujourd'hui à propos de la pénalisation des gestes sexuels. Les théories de Reich appliquées à l'après-guerre, développant la récupération par « l'establishment » de l'activité et de l'énergie sexuelle, la théorie des « travailleurs et des petits soldats » trouvent sous sa plume l'aboutissement de leur développement et la quintessence de leur clarté.



( La théorie des travailleurs et des petits soldats démontre que tout détournement d'énergie du travail au profit d'une activité sexuelle devient interdit sauf s'il rembourse la société par la procréation d'un petit travailleur ou d'un petit soldat. D'où l'exclusion de l'avortement, la contraception, l'homosexualité, la masturbation, la sodomie, toute forme de recherche du plaisir, etc...)


Car où en sommes-nous arrivés? A un système pénal qui louche et pose deux regards contradictoires sur les mêmes faits et les mêmes personnes: d'un côté, la loi considère comme automatiquement irresponsable et dénué de discernement tout mineur de quinze ans impliqué dans des gestes sexuels avec un partenaire plus âgé, lequel devient, quelles que soient les circonstances des faits, « un coupable agresseur sexuel », et de l'autre côté, une récente aggravation de l'arsenal sécuritaire qui découvre que les citoyens de treize ans ne sont pas toujours aussi irresponsables et dénués de discernement qu'on veut bien le dire, au point que devant la multiplication constatée des délits dont ils sont les auteurs, on veut maintenant les ficher dans le système Edvige, les incriminer, les juger et les incarcérer comme des majeurs.


La logique voudrait qu'on choisisse entre les deux systèmes, -responsables et capables de discernement ou non - , mais le caractère systématiquement répressif qui préside au maintien de l'ordre permet de faire cohabiter les deux visions sans malaise dans un arsenal juridique qui n'est plus à une contradiction près.


La plupart des ouvrages de Tony Duvert, à lire à titre documentaire comme des analyses visionnaires des temps que nous vivons, sont actuellement épuisés. Peut-être son décès va-t-il provoquer leur réédition. ?


D'autant plus qu'on murmure qu'il n'a jamais cessé d'écrire... Souhaitons lui une carrière posthume...


Pour être un auteur reconnu, il est parfois plus important de mourir que d'écrire de belles et bonnes choses.



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mercredi 20 août 2008

189° On rame dur sur la galère Sarkozie

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Les chiffres et les sondages estimant l'action gouvernementale dégageant depuis quelque temps une furieuse ambiance de Titanic juste après l'iceberg, la très catholique et pas très apolitique Fédération de Familles de France, pressentant sans doute une rentrée sociale difficile, s'est emparée d'une rangée de rames de la galère Sarkozie pour l'aider à se sortir du tourbillon.


Elle déclare donc à hauts cris que le caddy de la rentrée aurait baissé de 7%, chiffre immédiatement démenti par deux autres associations familiales, - et non des moindres - la fédération des familles rurales, et l'union des familles laïques.


Pourquoi toute cette agitation? Que sont ces associations familiales?


Les associations familiales sont nées à la fin du 19° siècle et au début du 20°. Elles étaient à l'origine un peu protestantes, et beaucoup catholiques, la plupart se créant en réaction aux lois de 1905 qui interdisaient les congrégations.


Celles qui existaient à l'époque reçoivent un soutien appuyé du gouvernement de Pétain, dont les priorités familiales étaient affichées, et qui trouve là un levier pour faire avancer sa politique. L'UNAF, l'Union nationale des associations familiales, chargée de les fédérer, est créée en 1942 par la loi Gounod, puis réorganisée par de Gaulle en 1945, puis à nouveau en 1951 et 1975.


Autant dire qu'aujourd'hui, toutes les associations familiales appartiennent à l'UNAF, de la plus confessionnelle à la plus laïque. C'est par ce cadre général qu'elles organisent leur représentativité, clé du niveau d'attribution de leurs subventions.


Voici le panorama en date de 2007 des principales associations françaises:

source: http://fr.wikipedia.org/wiki/UNAF




Dans ce schéma, chacune a évidemment son capitaine et tient son cap.


Concernant la Fédération des familles de France, un article retrace avec force détails l'histoire , l'évolution et les options du mouvement:


http://www.fairelejour.org/article.php3?id_article=22


Je vous en conseille la lecture in extenso, c'est riche d'enseignements. L'association des familles de France a la procédure facile, les commentaires à la suite de cette page en témoignent.


Le moins qu'on puisse en dire est qu'elle défend une optique résolument « familialiste » de la société, qui exclut l'avortement, tout statut administratif des homosexuels et autres libertés de cet ordre. On l'a retrouvée au premier rang de la lutte contre le minitel rose, et elle a été déboutée en 2007 d'une plainte tentant de faire interdire le site « second life » après qu'elle eût pu y introduire un avatar en forme d'enfant provocateur.


http://www.sur-la-toile.com/article-3679-Familles-de-France-en-guerre-contre-Second-Life.html


http://www.vnunet.fr/fr/news/2007/07/02/second-life-familles-de-france


On imagine donc l'empressement avec lequel cette association vole au secours d'un gouvernement où elle compte Christine Boutin au nombre de ses soutiens les plus actifs. L'article de « faire le jour » cité ci-dessus rappelle le détail du « vote familial » cher à Pétain et dresse le curriculum vitae des grands ténors qui ont été à la tête de la fédération des familles de France depuis cette époque.


La presse, prudente sur l'affaire, analyse la divergence des chiffres en déclarant que les associations qui ont trouvé une hausse du caddy de rentrée ont compté dans leur panel les vêtements et autres articles « périphériques » alors que Familles de France s'est strictement cantonné aux cahiers et stylos.


http://www.liberation.fr/actualite/societe/346350.FR.php


Il paraît paradoxal qu'une association si soucieuse de pudibonderie ait pu envisager un instant d'envoyer ses bambins tous nus à l'école...


Situation d'autant plus désopilante que, dans la suite de son rapport, Familles de France ne nie pas l'explosion des prix des vêtements, cartables et autres objets indispensables à une rentrée réussie.

Elle se contente de « tonitruer » sur le prix en baisse des crayons et des gommes, et de passer le reste sous silence dans un entrefilet. « Je l'ai dit, mais je ne l'ai pas crié ». Chacun appréciera.


La partie criée de la dépêche est bien passée et la baisse très artificielle du prix de la rentrée a fait le buzz. Le tour est habilement joué. Les mises au point et autres démentis ne font jamais autant de bruit que le buzz original. La Sarkocratie est en marche.





Une qui se porte clairement bien, par contre, c'est la pétition contre Edvige, que je vous avais invité à signer dans mon billet n° 181 du 15 juillet.


http://brethmas.blogspot.com/2008/07/181-signez-la-ptition-contre-edvige.html



Il comptait à cette date 41 000 signatures dont 120 associations.


Au terme d'un mois de vacances pendant lequel tout le monde s'est éloigné de son ordinateur, le nombre des pétitionnaires est passé à 80 000 signatures dont 675 associations...


C'est bien, mais pas assez.


C'est la rentrée... Le moment de relancer cette pétition, d'en parler à vos amis, vos collègues.


http://nonaedvige.ras.eu.org



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mardi 12 août 2008

188° Hortefeux se tire dans le pied.

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Il y a quelques années, alors que le chômage était en pleine expansion, une de mes amies travaillant à l'ANPE avait été licenciée, sans doute au motif de quelque réduction d'activité...


Ce qui lui avait valu de se présenter le lendemain au guichet même qu'elle avait tenu jusqu'à la veille au soir pendant des années, mais... côté client...


La mésaventure survenue la semaine dernière au Mesnil Amelot relève de la même absurdité, mais avec des conséquences bien plus dramatiques.


Pour faire face à l'explosion du nombre des touristes « ayant vocation à quitter le territoire », l'état agrandit le centre de rétention du Mesnil Amelot, et pour ce faire, confie le chantier à une entreprise qui sous-traite le boulot.


C'est ainsi qu'à l'insu de son plein gré, et au terme d'une impeccable dissolution des responsabilités, l'état s'est retrouvé employer... des sans-papiers – à l'agrandissement de son centre de rétention des sans-papiers.


Après s'être inspecté lui-même et avoir découvert son propre pot aux roses, et pour remercier les malheureux de leurs bons et loyaux services, l'état les a donc libérés du chantier du centre pour les enfermer dans le centre du chantier.


S'en est suivi une altercation surréaliste entre Farid Lamzaoui, secrétaire national du PS délégué à l'égalité, et Frédéric Lefèvre, porte parole de l'UMP.


De l'état, interpellé, point de réponse. mais de l'UMP, si. C'est curieux, cette république où, quand on interpelle l'état, c'est le porte parole d'un parti qui répond...


Il répond, évidemment, « qu'il faudrait savoir si le PS « nous » reproche d'employer des clandestins à travers des sous-traitants, ou de mettre des clandestins en détention suite à un contrôle », et accuse le PS de double langage.


Moi, je ne trouve pas. L'incongruité consiste bien pour l'état à se conduire en goujat et à faire le contraire de ce qu'il impose aux autres. Car que le maître d'oeuvre n'ait pas été informé de la présence de clandestins dans une entreprise sous-traitante, c'est légalement possible, mais pratiquement fort hypocrite, s'agissant de l'état employeur, et du chantier d'un centre de rétention.


Ayant poussé toutes ces balayures sous le tapis, les chantres de l'UMP s'offrent le luxe d'une leçon de morale:


« Le PS devrait savoir que l'emploi de clandestins favorise l'écrasement des salaires par le patronat en dévalorisant le travail »...


Leçon de morale tout aussi ubuesque, car si l'état n'use effectivement pas volontairement de l'emploi de clandestins pour limiter les salaires, il donne par ailleurs au patronat tous les outils pour le faire autrement, en s'attaquant au code du travail, aux contrats de travail, au droit de grève, en imposant des services minimum et en empêchant les chômeurs de choisir librement leur nouveau travail.


Mais si on lui demande en plus d'être de bonne foi...


http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/societe/20080812.OBS7066/cra_du_mesnilamelot___l_ump_raille_le_ps.html



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dimanche 3 août 2008

187° L'Union des Moutons de Panurge


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Pendant qu'une pintade chantait mille colombes à deux cent mille pigeons jouant à l'autruche place de la Concorde, je rêvais d'une autre chanson.


« Les Colporteurs » l'ont faite. Merci à eux.




J'écris ton nom UMP


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