vendredi 14 décembre 2012

437° Mes Héros. Balasko rocks !








Balasko rocks !


Je ne choisis pas que mes films. Je choisis aussi mon cinéma. Voir les films en V.O. élimine la plupart du temps le cinéma du quartier.
De plus, mes antécédents de chef-opérateur m'empêchent de fréquenter des cinémas à technicité douteuse qui, en projetant mal le film, nuisent à mon plaisir. Du temps que j'y suis, je choisis aussi le public, qui varie non seulement en fonction du quartier, mais aussi de l'heure de la séance. Ma séance préférée étant de loin celle de 22 heures.

Le public, c'est, pour le cinéphile, une petite partie du spectacle. Soit je suis absolument seul devant mon home cinéma au son soigneusement bricolé, soit mon choix de jour et de séance me garantit un public impérativement clairsemé, et au pire, un peu branché. C'est donc une galère d'aller au cinéma avec moi. Oui, je le reconnais. Habitant dans l'est parisien, ma salle de prédilection est le MK2 Bibliothèque, dont les points faibles sont le confort des fauteuils et la propreté des toilettes, mais dont les points forts sont nombreux : projection bien horizontale, installation sonore de qualité.

Aujourd'hui, je me suis laissé aller : voulant voir un film français « Mes héros », et renonçant à ma séance de 22 heures, je me suis pointé à 14h 20 à l'UGC Créteil, proche de chez moi. Déjà, le contexte UGC : écrans courbes (une aberration technologique...), et projection en plongée donnent, malgré les progrès liés au numérique, une image un peu tordue. Le son est ce qu'il est...

La séance de 14 heures en semaine, c'est la séance des vieux, surtout dans mon quartier pavillonnaire des bords de Marne où les papys retraités sont légion. Ça commence par une infestation de parfums capiteux qui se battent pour occuper l'espace. L'odeur est trois fois plus dense que dans une parfumerie. Moi qui n'aime pas les machins sucrés, suis à la limite du haut le cœur.

D'autant plus que les mégères bourgeoises qui m'entourent avec leurs fourrures et leur maquillages millimétrés, tant par le souci d'ostentation de leur aisance financière que par les débordements provoqués par leur Parkinson naissant lorsqu'elles manipulent leur flacon magique, s'aspergent littéralement de leurs écœurants élixirs. Parfois, on a envie de lâcher un essaim d'abeilles dans le cinéma afin que la horde sauvage se jette sur elles et les fasse fuir en courant. Les abeilles souffrent dans la nature ? Lâchez les sur les bataillons de mémères, elles seront nourries pour l'hiver.

Puis il y a les commentaires pendant le film. « Oh la pauvre »... « Attention derrière ». « Il va frapper, tu vas voir », « Rooo, c'est beau, snif », « Passe moi les kleenex, y a mon rimmel qui coule ».

Mais le clou du spectacle, c'est le face à face Balasko – beaufs des bords de Marne. Du coup, je regrette presque de ne pas être allé voir le film à Neuilly.
Parce que le film, c'est du bon Balasko, avec ses dadas habituels. Et dans celui-là comme dans d'autres, les mauvais traitements infligés aux sans-papiers par les méchants ministres de l’intérieur, la séparation des familles par les reconduites à la frontière et autres injustices qui font marcher notre Balasko au plafond.

Et là, elle n'y va pas par quatre chemins, notre Josiane révoltée : elle regarde la caméra, -donc le spectateur-, et explose d'une saine colère citoyenne et républicaine :

« Des fois, j'ai honte d'être Française quand je vois la façon dont on traite ces gens là ! Qu'est-ce qu'il a fait, ce petit, pour qu'on passe les menottes à sa mère devant ses enfants sous prétexte qu'elle n'a pas de papiers ? »

Et les petits bourgeois du Val de Marne, dépeignés par la furieuse et magistrale imprécation de Josiane, s'enfoncent dans leur fauteuil en murmurant « Tout de même, elle y va fort ».

Mais jamais « Viens bobonne, on s'en va ». Ils ont pourtant tous voté pour, comme ça, dans un élan de bonne bourgeoisie bien comme il faut, les mémères sucrées et leurs papys bancales, parce que dans les campagnes électorales, on ne leur montre pas les enfants en larmes, les mamans qui font le ménage en rasant les murs depuis dix ans et les vilains gendarmes qui font claquer les menottes avant de dire bonjour.

Mais dans le film, on leur montre. Il y a un petit noir bien élevé, qui range ses chaussettes et demande la permission pour sortir de table, il y a une maman noire femme de ménage aimante, en fuite, courant après ses enfants recueillis par un réseau charitable, une mamie Balasko énergique et douce, un papy Jugnot affectueux, un tonton Pierre Richard déjanté et généreux, et là, les braves gens comprennent que ces choses-là arrivent dans des familles où on a les mêmes valeurs d'amour et de respect que dans les leurs.

Le film est bien ficelé, avec des dialogues hilarants à souhait, des personnages bien campés avec des travers amusants, mais il a surtout valeur de leçon : une Balasko de cinq mètres regardant dans les yeux les petits vieux écrasés dans leur fauteuil devant l'écran, les engueulant et leur disant : « Vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ? » , ça, c'est un délicieux moment de cinéma.

Et ça valait peut-être le coup d'aller à des séances où je ne vais jamais.





436° Voir "Sur le chemin des dunes", absolument






Voir "Sur le chemin des dunes", absolument.



Après les Invisibles, le cinéma nous apporte dans une trop grande discrétion de petits chefs d’œuvre sur l'homosexualité.

Le film belge, -et flamand-, Sur le chemin des dunes aborde avec finesse la découverte de l'homosexualité chez les garçons, et les difficultés qu'ils rencontrent à l'assumer dans certains contextes.

Photographié avec amour et haute définition sur les duvets blonds et chatoyants de l’acteur principal, ce film plein de délicatesse, de finesse et de sourires en coin dépeint une société pauvre des basses Flandres dans les années 60, dans un décor à la Jacques Brel.

L'un des ados est fortement convaincu de son amour homosexuel, et trépigne avec opiniâtreté au pied du mur de l'impossibilité, l'autre cherche à fuir et multiplie quelques expériences.

Je ne peux pas vous déflorer une intrigue qui apporte quelques moments extrêmement forts... Car le film ne se limite pas, loin de là, à ce face à face de Pim et de Gino. Il décrit aussi l'impossibilité de s'exprimer pour certains adultes qui ont tout compris, ne réprouvent pas mais ne savent pas comment faire, il délimite « l'autre planète» dans lequel vit le garçon qui ne se voit pas « autrement » dans un monde où rien n'est fait pour l'intégrer...

Petit chef d’œuvre discret et subtil dont on ressort avec l’œil humide, le cœur serré et le sentiment d'être moins seul sur terre.