mardi 22 avril 2014

476° Les aventuriers de la gauche perdue.





J'ai trouvé ce dessin qui, à mes yeux, exprime assez bien mon désarroi aujourd'hui.

Depuis les Lumières et la révolution, on avait essayé de remettre l'homme au centre du système, de réattribuer l'argent à son rôle d'outil et de faire ce qu'on appelait « du social ».






Non sans quelques errements style bourrée auvergnate : trois pas en avant, deux pas en arrière.
Mais avec le temps, ça avançait. On a interdit le travail des enfants, créé les quarante heures, les congés payés, l'obligation de l'instruction, l’école laïque et obligatoire, les mutuelles, la sécurité sociale, le droit des femmes, le vote des femmes, la protection et le respect des droits des minorités.

Certes, par moment, il y a eu des périodes régressives, mais l’analyse à posteriori démontre qu'elles résultent à chaque fois d'un relent, d'une remontée acide de droite profonde, d'un nauséabond borborygme d'une caste de nantis qui digère mal l'abolition de son statut de surhomme. La restauration et le pétainisme en sont des exemples caricaturaux, qui ont vu la régression de la condition ouvrière, la persécution des minorités, etc.

Certes, l'ultralibéralisme, la globalisation et la communication instantanée, que les milieux financiers manient bien plus habilement que les masses populaires, ont changé la donne aujourd'hui.
Le combat devient inégal et l'argent sort à nouveau de son rôle de serviteur pour reprendre la vocation de but en soi que l'humanisme et les lumières avaient voulu lui faire perdre.

Mais ce qui nous arrive aujourd'hui a des allures d'accident fatal, de crash dont on aura du mal à se remettre : c'est la gauche, les gens qui se réclament de socialisme, qui revendiquent l'héritage de Jaurès, qui opèrent la pire amputation dans le niveau de vie des Français depuis des lustres…

Avec une habileté, une perversité et même une malhonnêteté qui laisse sans voix, on a déclassé du statut de niche fiscale tous les artifices qui permettent aux grandes entreprises de ne pas payer en France l’impôt sur les profits qu'elles y réalisent, et d'user et d'abuser de l'usage immodéré des paradis fiscaux, des sièges sociaux et des centres de production délocalisés.

Ne restent donc dans cette fameuse liste de niches fiscales telles que définies par la loi que des mesures qui frappent directement le citoyen lambda au portefeuille : réduction de la TVA sur les travaux d'isolation, sur les médicaments remboursables, l'abattement sur l’imposition des retraites, crédit d'impôt sur les gardes d'enfant, les auxiliaires de vie, et même sur la rénovation des logements sociaux.



 
Chaque Français modeste se sent donc concerné par les niches fiscales, et transformé malgré lui en contribuable frauduleux. Alors, braves gens, vous voulez toujours vous attaquer aux niches fiscales ?

Et pendant ce temps, la délinquance en col blanc bat son plein, la mondialisation multiplie ses petits pains en toute impunité, les paradis fiscaux se créent et se développent et leur accès se banalise, mais ça, ce ne sont plus des « niches fiscales ». Quand on lui montre la lune, l'idiot regarde le doigt. 

La vraie gauche n'a plus de représentation crédible, et la peste brune fait ses choux gras de cette lacune, en nous présentant comme une panacée un remède qui sera bien pire que le mal. Mais les Français continuent à regarder le doigt…

Changer l'Europe, faire une Europe sociale, mettre fin à l'arrogance égocentrique des Allemands, plus personne n'en parle. Le nouveau remède à la mode, celui qui nous achèvera, consistera, pour les admirateurs du doigt, à envoyer à Strasbourg des ennemis de l'Europe. A inoculer le ver dans le fruit.

Chaque solution envisagée nous éloigne un peu plus du but recherché. Oui, nous avons perdu nos valeurs, et les discours qui ont la cote aujourd'hui sont l'expression de ceux qui n'ont aucun intérêt à ce que nous les retrouvions.





vendredi 4 avril 2014

475° On n'efface rien et on recommence, -bis -




Si j'avais su ce qui allait se passer cette semaine, j'aurais gardé mon titre du précédent billet:  « On n'efface rien et on recommence » pour le remaniement auquel nous venons d'assister.

Lorsque les édiles socialistes, François Hollande en tête, viennent nous dire :

« Message reçu, nous vous avons entendu, on va rectifier le tir »,

on se demande bien quels Français ils ont pu aller écouter....



Monsieur le Président,
Nous avons élu un président de gauche pour qu'il fasse une politique de gauche. Nous espérions une politique vraiment de gauche, par exemple la promesse tenue de séparer les banques d'investissement et les banques de dépôt, une vraie grande simplification du mille-feuille administratif de l'administration, une lutte contre la réaction financière et morale avec des moyens coercitifs et appropriés, un vrai développement des enseignements civique et humaniste dans les écoles et collèges, un grand élan de fraternité qui aurait arraché la France à la fange des petites haines communautaristes dans laquelle votre prédécesseur l'avait volontairement enlisée.

Alors, comme rien de tout cela n'apparaissait à l'horizon, on vous a pourri les élections municipales pour vous faire comprendre que nous étions toujours là, qu'on vous voyait avec désespoir prendre une direction opposée au bulletin de vote par lequel nous vous avons élu, et qu'il ne faudrait pas attendre six mois avant votre réélection pour vous souvenir de notre existence.

Sans doute inspiré de l'aura du fondateur du « je-vous-ai-comprisme », vous avalez une grosse boisson énergétique avant une intervention télévisée qui nous a fait croire un instant que vous aviez compris.

Et finalement, quelle est cette réponse ?
 « Vous vouliez que j'aille plus à gauche ? Eh bien j'irai encore moins... » 
Vous nous sortez un premier ministre sur lequel l'étiquette « de gauche » frise la limite de la publicité mensongère. Le moins à gauche de ce que vous avez dans le magasin...

En vous disant peut-être : « Je suis le président de tous les Français » ? Votre prédécesseur, qui l'avait pourtant dit aussi, s'est-il soucié du peuple de gauche pendant qu'il lacérait le tissu social, détricotait le code du travail, dressait les Français les uns contre les autres et suscitait des révoltes qu'il brandissait ensuite comme des enjeux sécuritaires ? 

Rien que pour effacer les ravages et dévastations qu'il a provoqués, pour ramener l'équilibre « au milieu » il faudra plusieurs années de barre « à gauche toute », faire pencher la balance à gauche aussi longtemps et aussi fort que votre prédécesseur l'a entraînée à droite. Ce n'est qu'après avoir ainsi reconstruit les valeurs de la république que vous pourrez vous soucier d'une politique apaisée.

Votre prédécesseur a voulu déplacer les frontières naturelles de l'échiquier politique : effacer, supprimer les bornes gauche/droite, ouvrir un libre accès entre droite républicaine et et extrême-droite. Cela ne lui a pas réussi.

Ne tombez pas dans les mêmes travers. La gauche vous a élu. En refusant de l'entendre, vous allez, comme ce pauvre Sarkozy, déplacer des frontières naturelles.

Certes il y a des nuances : Sarkozy s'est volontairement rapproché de l'extrême droite. Dans votre cas, c'est en vous éloignant déraisonnablement de la vraie gauche que vous obligez une partie de votre électorat à se cramponner à elle pour ne pas glisser avec vous vers la droite. Sans parler de ceux qui lâchent prise et tombent dans le ravin du front national.

Mais attention : mêmes causes, mêmes effets... Comme la droite, la gauche va se diviser. Vos sociaux démocrates vont s’assimiler au centre, qui, comme chacun sait, est une droite qui ne dit pas son nom, et la gauche de gauche va se rapprocher de l’extrême gauche.

Le résultat est le même : comme la droite l'a été, la gauche est maintenant morcelée et désunie. Les seuls socialistes n'ont qu'une voix de majorité à l'assemblée nationale. S'ils vous suivent trop loin de la gauche, beaucoup de députés socialistes vont craindre de ne pas retrouver leurs électeurs dans trois ans s'ils dérapent à droite avec monsieur Valls. Vous n'aurez qu'une menace de dissolution pour les faire avancer de force, mais c'est une arme de destruction massive qui fait beaucoup de dégâts collatéraux. Demandez à Monsieur Chirac...

Le vote de confiance au gouvernement que vous allez leur demander dans quelques jours risque d'être sportif, et surtout aléatoire: Un seul député tousse de travers, et Monsieur Valls valse... A moins qu'il ne soit conforté dans sa position par des votes de droite venus au secours du travesti politique que vous présentez à leurs suffrages ? Vous y perdriez ce qui reste de votre crédibilité. 




Et chaque fois qu’il faudra voter une loi, le moindre texte, vous devrez le vider de son esprit réformateur pour qu'il passe sans encombre sous la fourche caudine de cette infime majorité. Et si cette loi passe avec les voix de droite, encore une fois vous perdrez le soutien et l'estime de ceux qui vous ont élu.

Le rêve d'une harmonieuse coalition démocratique reste une utopie.
D'abord parce qu'il se heurte au carriérisme des élus dans une société française où, à tous les postes sauf le vôtre, on peut se représenter et se faire réélire toute sa vie inlassablement.
Ensuite parce que éplucher des lois pour les faire passer par le trou de serrure d'une majorité pleine de contradictions, cela oblige à les vider de leur sens et de leur innovation. Cela tue les réformes. On ne gouverne plus, on survit.

Monsieur Sarkozy n'a pas pris de gants pour appliquer sa politique ultra-libérale et socialement destructrice. Rien que pour ramener le curseur au centre, il faut agir avec la même vigueur dans l'autre sens.
Et après, seulement après, on pourra faire une politique de gauche, celle pour laquelle les Français vous ont élu.
A bon entendeur...