dimanche 5 novembre 2006




67° Celle que vous croyez….

Cette semaine, Christine Boutin est sur toutes les télés. Pourtant, elle se défend bien haut de confondre « com » et politique, mais elle a quelque chose à vendre. Un livre édité aux éditions First, « Je ne suis pas celle que vous croyez »..

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Hier soir, invitée de Laurent Ruquier à « On n’est pas couchés » sur A2, elle a tenté de faire bonne figure dans une émission placée d’emblée sous le signe du déjanté par sa surréaliste voisine de table, Brigitte Fontaine, qui ne cessait d’errer dans le studio avec des allures d’ectoplasme pour aller fumer des trucs qui font rire dans les coulisses, et d’interrompre le débat par des réflexions d’un surprenant à propos, démontrant si besoin était qu’il ne faut pas juger les gens sur les apparences.

Mais à y voir de plus, près, on aurait été bien imprudent de juger également Christine Boutin sur ses apparences, et c’est Michel Polak qui, le premier, a mis le doigt sur cette évidence.

Un petit film nous rappelle brièvement la Boutin qui s’était rendue célèbre par ses manifestations de bigote martyrisée lors du débat sur le PACS, pour enchaîner rapidement sur une dame « qui s’est remise en question », qui s’est relookée (sans faire de « com », bien sûr, juste comme ça…), et que l’on voit essayer des robes dans un magasin de luxe, puis que l’on entend pérorer dans son nouveau rôle de dame patronnesse.

Pourtant, tout sonne faux dans ce ravalement de façade, et notre bon vieux Polak commence donc à défricher, sous les regards timorés d’un Eric Zemmour, qui n’en pense sans doute pas moins, mais tente d’arrondir les angles pour ne pas perdre sa bonne place de journaliste au Figaro.

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Madame, avance donc Michel Polak, si vous aviez vraiment voulu vous remettre en question, vous auriez intitulé votre livre « Je ne suis pas celle que je croyais » et non pas « celle que vous croyez ». Blanc dans l’émission, que même Ruquier n’arrive pas à combler.

Tentative de réponse de l’intéressée qui préfère finalement détourner la conversation en l’amenant sur la pauvreté du peuple français laborieux auquel elle espère remédier par l’octroi d’un « dividende universel » de 330e par mois qui serait alloué à chaque français sans considération de ressources. A peine Bruno Gaccio essaie-t-il de lui expliquer qu’il vaudrait mieux donner 660€ aux pauvres, ce qui s’appelle le RMI, que 330 à tout le monde, que la députée des Yvelines argue de sa compétence acquise « en matière familiale » pour dire ce qui est bon pour les français et ce qui ne l’est pas. Ne travaille-t-elle pas sur le sujet depuis près de trente ans ?

Trente ans, certes oui, lui répond Polak ! Mais où y travaillez-vous ? Vous être membre du Conseil pontifical de la famille du Vatican. Mais puisque vous nous présentez le Vatican comme un état, allez donc appliquer les élucubrations des conseils de cet état là-bas, et occupez vous de faire voter des lois au Vatican ! En France, il y a depuis belle lurette séparation de l’église et de l’état, et des lois conçues et pensées sous l’égide de principes religieux ne sauraient être reconnues dans un pays laïque !

L’assistance abonde et fait observer que dans tous les états qui mélangent la république et la religion, les minorités sont persécutées, le droit des femmes escamoté et la liberté de pensée au mieux en garde à vue..

L’invitée Boutin se lance alors dans une longue diatribe sur l’absence de « volet social » dans le programme de l’UMP qu’elle entend infléchir à ses vues, dont elle s’affirme une « filiale » à la tête de son micro-parti, et expose son programme pour le partage des richesses et l’équité devant certains droits comme le droit au logement. On croit un instant entendre Marie-Georges Buffet…

De guerre lasse, Ruquier fait prendre à son émission un virage sur l’aile et la remplace par Bruno Gaccio sur la sellette des invités. On reste sur sa faim… On a ouvert la chasse mais pas donné l’hallali.

Car enfin, l’équité de madame Boutin s’arrête-t-elle donc aux portes de l’église ? Donner aux gays les mêmes droits qu’aux hétéros, si ce n’est pas aussi de l’équité, c’est quoi ?

Elle déclare bien que dans son programme de refus du « PACS » en 99, il y avait des mesures pour « aménager les problèmes d’héritage et les prises en charges sociales des couples gays », mais d’une part – dommage qu’on n’en entende parler que sept ans plus tard, et d’autre part – les petites dérogations sous formes d’alinéas dans une loi ne sont pas de vraies mesures équitables, mais des « niches » qu’un nouveau gouvernement peut rayer d’un coup de plume, et qui, par leur caractère dérogatoire, ne font que renforcer la marginalité de leurs bénéficiaires…

La véritable équité, c’est la même loi pour tout le monde, le droit commun, et cela, madame Boutin ne veut toujours pas, mais après relookage, en entendre parler.

S’imagine-t-elle que tous les gays vont convoler en « justes noces » ? Quelle dérision !. Moins de 10% le feront d’abord parce que le mariage ne correspond pas à l’image que la plupart d’entre eux ont de leur mode de vie, et ensuite parce qu’observée à l’épreuve des hétéros, la formule ne ressemble ni à une réussite ni à une panacée, et n’a vraiment rien de tentant !!!

La revendication du mariage gay et de l’adoption ne m’apparaissent que comme d’indispensables points d’égalité républicaine, d’égalité de tous les citoyens devant la loi. Chacun en fera ce qu’il voudra, mais les bigots qui déclarent que cela va changer la société me font bien rigoler.

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Remake de l’émission dès le lendemain midi sur Canal + dans le Dimanche + de Laurence Ferrari. Mais là, Christine Boutin s’en est sortie à meilleure compte parce que, malgré le remake d’un petit sujet sur sa vie et son œuvre à peu près semblable à celui de la veille, elle a affaire à une Laurence Ferrari qui n’a pas le talent de présentateur ni de journaliste du tandem Ruquier - Polak.

Laurence Ferrari prépare ses émissions comme un conducteur de train. Entre le départ et l’arrivée, ça doit rouler sur des rails. Son truc n’est pas de construire un débat avec son invité, mais de lui faire dire à tout prix un truc qu’elle a en tête, et qu’elle a si possible convenu à l’avance avec lui. La moindre improvisation est pour elle une dangereuse incursion dans un inconnu hostile, et elle n’a de cesse de ramener la conversation à la lettre du script.

Le mois dernier, elle était furieuse après Jack Lang qui s’était fait inviter en lui promettant de révéler à sa table sa candidature à la candidature socialiste, et ne l’avait finalement pas fait… Comment voulez-vous faire de l’audimat avec des invités qui ne tiennent pas leurs promesses ?

Mais c’est justement ça le journalisme, madame Ferrari ! Sinon, faites des variétés ! Il y aura moins d'imprévu! Ne me dites pas qu’avec un monsieur comme Jack Lang, on ne peut pas faire une émission intéressante avec un débat à bâtons rompus !! S’il faut préparer les questions et les réponses, ce n’est plus du journalisme, c’est quelque chose entre la propagande et le people…

Encore que… J’ai appris avec plaisir que l’audimat de Bataille et Fontaine était en chute libre au point que l’existence de leur purulente émission était menacée… Ce qui prouve qu’une préparation minutieuse ne suffit pas à faire une bonne émission quand on n’a rien d’intéressant à dire.

.Donc, pour en revenir à notre Boutin, elle a perdu beaucoup moins de plumes à Dimanche +, grâce au cadre étriqué de l’émission qui ne l’a pas obligée à s’aventurer sur des terrains glissants.

Et en résumé, derrière le relookage de Christine Boutin, il y a toujours le conseil pontifical pour la famille, la morale catho de grand’maman à peine expurgée des bûchers, et l’équité à géométrie variable qui n’étend ses bienfaits qu’aux bénéficiaires dont la liste figure dans l’évangile.

Elle se voudrait « un caillou dans la chaussure de Sarkozy », ce qui ne nous fait ni chaud ni froid, mais elle risque malheureusement davantage d’être une pierre dans le jardin de toute une communauté qui ne demande, - au titre de l’équité - , qu’à se fondre dans le reste de la nation et voudrait bien cesser de n’exister qu’à travers des dérogations.

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