71° Happy Feet : Un film engagé !!!
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Les surprises du cinéma américain, et même très américain, ne sont pas toujours mauvaises.
Comme vous n’ignorez pas que l’auteur de ces lignes est un grand amateur de cinéma et un fondu de comédies musicales en particulier, vous ne vous étonnerez pas d’apprendre qu’il est allé voir les pingouins d’Happy Feet…
Un film que les publicités donnent « pour enfants à partir de 6 ans ». Quelle bonne idée pour un film aussi éducatif ! : Car outre ses qualités techniques éblouissantes pour peu que vous choisissiez un « bon cinéma », Happy Feet est à la fois un documentaire à vocation écologique, un plaidoyer efficace pour le droit à la différence et contre les discriminations, et surtout, surtout, un brûlot incandescent contre la religion !
Et ça, c’est doublement inattendu et drôlement habile dans un film américain dédié aux enfants ! Evidemment, comme chaque fois que c’est un peu malin, les censeurs n’ont rien vu et aucun organe religieux ne s’est avisé de déconseiller le spectacle à nos jeunes têtes blondes.
Ils préfèrent avoir l’air con en s’attaquant au Téléthon, comme ils se sont attaqués depuis Galilée à toutes les manifestations de la science. Lequel Téléthon peut les remercier de cette publicité surprise, puisque si j’en crois ma radio, les records de dons attendus sont atteints et même dépassés.
Il est vrai qu’il ne faut pas une bien grande habileté pour cacher « la merde au chat », ou plus précisément la subversion aux esprits chagrins. Souvenons nous que Diderot, dans son encyclopédie, s’était bien gardé de s’enflammer contre l’église aux chapitres « religion » et « église » et que c’est à la rubrique « capuchon » -- partie du vêtement d’un moine --, que l’on trouvait le développement de ses idées.
Donnons d’abord acte des nombreuses scènes pastichant le documentaire français « La Marche de l’Empereur », dont le succès outre-atlantique a été très grand. Mais les constantes allusions sont manifestement faites avec hommage et respect. Je parlerais plutôt de coup de chapeau.
Dans Happy Feet, le héros Mumble, s’avère incapable de chanter comme tout pingouin bien élevé et bien léché, mais se révèle par contre un prodige de tap-danse, expression artistique qualifiée de « contre nature » par les gardiens du temple de la gent pingouin. Après nous avoir exposé la consternation des parents et la honte auprès des voisins, et après avoir traîné le trublion chez de savants pingouinâtres qui ne parviennent pas à le guérir, le réalisateur nous offre la scène de l’exclusion familiale en photocopie couleur de ce qui se passe dans une famille bien de chez nous quand on découvre que le fiston est un incurable petit pédé. Rien ne manque : l’hostilité dominante du père, les tentatives de conciliation de maman qui n’aboutissent pas, et le rejeton qui relève la tête et part en disant « je vous démontrerai que je suis quelqu’un ».
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C’est l’occasion de la première attaque contre la religion. Le conseil des vieux pingouins, saisi du cas de ce gamin qui veut danser au lieu de chanter, en appelle aux ancestrales écritures, à la bénédiction « du grand pingouin qui est là-haut », aux inviolables traditions, au dogme indiscutable, pour justifier l’exclusion du gamin.
Je me rappelle qu’à l’époque où je sévissais dans une pléthorique presse gay qui envahissait les kiosques avant qu’internet nous permette les économies de papier, j’avais essayé d’inventer un néologisme : puisque les lesbiennes étaient des gouines, pourquoi les pédés ne serait-ils pas des gouins ? L’arrivée du mot « gay » a largement contrarié mon projet, mais reconnaissez que je n’étais pas, phonétiquement, tombé loin. J’aurais aimé être l’initiateur du mot « gouin ».
Revenons aux goins du film. On passe alors au volet écologique. Au terme de nombreuses tribulations que je ne vous raconterai pas, car le film vaut la peine d’être vu si vous n’y êtes pas encore allé, on a droit à quelques scènes de toboggan style « âge de glace », et à une soirée en boite où les lumières psychédéliques sont figurées par des aurores boréales. Petit quart d’heure artistique absolument somptueux.
Les hasards du scénario nous offrent ensuite une violente diatribe contre les animaux enfermés dans les zoos, égratignent les sectes au passage, puis s’attaquent à la pêche industrielle qui provoque la disparition des poissons. Un vrai grand ménage de printemps.
Intervient une scène extraordinaire de dialogue manqué entre le pingouin Mumble et l’homme, chacun parlant sa langue dans un douloureux face à face de totale incompréhension façon tour de Babel.
Seconde attaque contre l’église : le conseil des vieux pingouins est réuni pour débattre de la famine provoquée par la disparition des bancs de poisson qui assuraient la survie de la tribu depuis des générations. La seule solution, d’après le pape des manchots, est de « se réunir dans la fraternité » et de « prier très fort le grand pingouin qui est là haut » pour faire revenir la manne. Suit une superbe scène de catéchisme …
Alors que le jeune « spectateur à partir de 6 ans », qui vient de découvrir que c’est bien la pêche industrielle qui est responsable de la situation, commence à trouver que l’archipingouin pape déraille complètement, le héros du film revient dans sa tribu et assène la démonstration finale pour rassurer ceux qui craignaient encore d’avoir mal compris.
Déconfiture des prêtres qui abandonnent leurs traditions et acceptent un changement de liturgie dans lequel le chant pourra s’agrémenter de danse… Ce qui, quelque part, n’est pas une fin si heureuse que cela : les morpions se cramponnent, mettent un peu d’eau dans leur vin, assouplissent leur dogme, mais continuent à le gérer… On ne dit plus la messe en latin, mais on la dit toujours…
A l’heure où l’édition d’hier de l’Observatore Romano, le journal du Vatican, titre sur « l’attaque en règle contre la famille » qu’il croit déceler derrière le projet de loi d’union civile que les députés de la gauche italienne sont en train de concocter, un peu de subversion ne peut pas faire de mal.
Alors, je ne sais pas si mes démonstrations sont bien claires dans la mesure où j’ai essayé de ne pas vous raconter le film… Mais je vous engage à aller le voir. Ce sera très profitable pour les enfants.
Photos Warner
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