mardi 3 juin 2008

171° Egalité républicaine et laïcité.

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Depuis quelques années, différentes affaires judiciaires provoquent dans l'opinion publique des débats qui ne soulèvent pas le fond du problème, mais se limitent à des querelles de comptoirs qui s'attachent au fait divers au détriment de la vraie question.


Exemples: en 2005, un publicitaire, Girbaut, affiche un pastiche du tableau La Cène de Léonard de Vinci, dont les personnages ont été remplacés par des femmes. Plainte de l'association Croyance et Libertés émanant de la Conférence des évêques de France, qui gagne en première instance le 8 mars 2005 et obtient la suppression de l'affiche au motif « que l'injure faite aux catholiques paraît disproportionnée au but mercantile recherché ».


Pour ma part, j'ai quelques catholiques pratiquants dans mon entourage, qui m'ont affirmé qu'en prenant le métro chaque jour, ils voyaient des publicités bien plus choquantes que celle-là, mais qu'aucune ne leur avait jamais donné l'idée de porter plainte...


Jugement confirmé par la cour d'appel le 8 avril, après que la Ligue des droits de l'homme se soit portée partie civile pour défendre la liberté d'expression. Mais jugement finalement cassé pas la cour de cassation le 14 novembre 2006, qui déboute croyance et libertés de toutes ses demandes.


On avait eu chaud. D'abord, ce serait à la limite Léonard de Vinci ou ses « ayants droits » s'il en a qui auraient pu se déclarer offensés par le pastiche dont le tableau avait été l'objet. Il n'en a rien été. La Cène, elle, appartient à la culture universelle, et chacun doit pouvoir y voir ce qu'il veut. Les catholiques ne sont pas les derniers à prétendre que la bible appartient aussi au patrimoine universel, après tout. Dans la mesure où "ils l'offrent" à l'universalité, ils doivent renoncer à l'exclusivité de sa lecture.


Ensuite, en déclarant que le pastiche du tableau constituait une injure, le tribunal instituait un « délit de blasphème », chose qui n'entre pas dans les compétences de la justice de la république. Cela équivalait à ouvrir la porte aux intégristes de tous poils, et dieu sait à quel point certains en sont pourvus, pour voir des blasphèmes partout et faire interdire tout et n'importe quoi au prétexte qu'ils se sentent injuriés.


Et enfin, dans tous ces débats, la parole n'est jamais donnée aux agnostiques et aux athées, qui sont pourtant les plus nombreux, au corps défendant des instances juridiques reconnaissons le, attendu que les intéressés ne disposent pas d'associations représentatives suffisantes et crédibles. (à preuve les « partenaires » du Conseil de l'Europe désignés dans le billet précédent n° 170.)



Si le Danemark, qui est un royaume, a eu une réaction républicaine forte à l'affaire des caricatures, (qui sont maintenant exposées au Musée des médias d'Odensee!! chuut, faut pas le dire trop fort!) , la France redevient l'otage de convictions personnelles avec cette affaire de divorce à la Lilloise.


Une nouvelle fois, on a oublié que la justice n'était pas là pour appliquer les prescriptions du coran ni de l'évangile, mais pour appliquer la loi de la République. Laquelle ne stipule nullement que la virginité est « une qualité essentielle » pour signer un contrat de mariage.


Et pourquoi ne le stipule-t-elle pas? Parce qu'on ne saurait avoir d'exigence différente suivant que le citoyen est un homme ou une femme. Les citoyens sont égaux: ce qu'on demande à l'un, on doit aussi le demander à l'autre. Stop! Tout est dit, le reste n'est que verbiage et engueulade de comptoir.


On est toujours dans la même démarche avec le mariage homosexuel. La justice doit-elle demander à un citoyen avec qui il couche avant de lui accorder le bénéfice de la loi de la république? Le mariage homosexuel n'est pas un problème de mariage, mais un problème d'égalité républicaine: une seule et même loi appliquée de la même manière à tous les citoyens.


Laissons aux anglo-saxons les affres des pipes de Clinton et des coups de fouets de Mosley. Sinon, on verra revenir les scènes vécues dans les états du sud des USA et en Afrique du Sud jusqu'en 1950 où la police pénétrait nuitamment dans les maisons en fracassant les portes dans l'espoir d'y surprendre deux hommes enlacés dans le même lit.


Lorsqu'on ouvre certaines portes, on a souvent du mal à les refermer. Alors, respectons cette barrière infranchissable entre la vie privée et la vie publique, qui permet de prospérer à un état de droit dont nous pouvons être fiers.


Oui, il faut un minimum de force de caractère pour vivre dans un état de droit. Alors, ne donnons pas le pouvoir aux faibles.






Le divorce de Lille


P.S.: J'ai ce soir des détails sur cette affaire que je donne au conditionnel, même si je considère mes sources comme très sérieuses. Elle changent l'allure du débat:


La justice de la république n'avait pas à entériner une exigence religieuse: soyons rassurés: elle ne l'a pas fait.

Le mari a bien porté plainte comme il a été dit. (conditions substantielles)... Mais... Le mariage était arrangé et la mariée n'était pas consentante.

Elle s'est donc empressée d'acquiescer le jugement pour se délivrer plus vite de la situation.

Dès lors, le juge n'avait plus rien à trancher. Il avait le choix entre renvoyer les parties pour un divorce à l'amiable, ou entériner l'accord qu'on lui présentait.

Le divorce avait l'inconvénient d'être une nouvelle procédure à recommencer du début, il prolongeait le mariage d'autant et exposait les parties à de nouveaux frais.

Aussi, pour arranger tout le monde, le juge a-t-il entériné l'accord des parties. C'est une petite liberté prise avec la déontologie, mais ce n'est pas une faute. C'est là que les choses se compliquent.

L'avocat du mari, sans doute aidé de quelques organisations religieuses, claironne une grande victoire avant que la décision ne soit définitive. (le délai d'appel est d'un mois et aucune des deux parties n'avaient envie d'interjeter appel...)

La presse s'empare de l'affaire dans la forme des déclarations qui lui sont faites, et sert la soupe à l'opinion publique dans le sens de la crainte de l'irruption des préceptes religieux dans la justice laïque. C'est donc un vrai débat basé sur des informations inexactes...


La morale de cette histoire: si on pouvait annuler un mariage pour des promesses non tenues, on devrait aussi pouvoir annuler une élection pour la même raison...
Non?



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