La politique n’est pas l’art de tenir ses promesses, mais l’art de les faire. Doublé d’une compétence particulière à concevoir des paquets-cadeaux dont l’emballage vaut mieux que le contenu.
Depuis son accès de générosité du mois d’août, le président de presque tous les Français avait un peu négligé ses engagements électoraux sur le pouvoir d’achat des braves gens. Il est vrai qu’il avait distribué de larges prébendes à quelques catégories qui n’avaient besoin de rien, -ce qui ne les empêchait pas de réclamer plus fort que les autres-, et terminé son auguste mais très ciblé geste de semeur en redorant son propre pouvoir d’achat dans les proportions que l’on connaît.
Dès lors, il lui était difficile de ne pas faire semblant de penser un peu aux autres. Comment faire quand on a tout donné à ses copains ? La monnaie de singe, mon ami, la monnaie de singe. Il suffit de donner leur propre pognon aux gens en leur faisant croire que c’est un cadeau. Et ça marche.
Par exemple débloquer l’intéressement. Ça ne coûte rien aux patrons, rien à l’état. C’est de l’argent que les travailleurs ont déjà gagné, mais que « pour le plus grand bien de leur âme », comme disaient les bourreaux de l’inquisition, on leur avait fait thésauriser de force. Evidemment, on leur donnait bien un petit intérêt sur les sommes bloquées, mais en se sucrant largement au passage : de tous les placements que j’ai possédés dans ma vie, l’intérêt des sommes bloquées dans l’intéressement à l’entreprise est de loin le plus bas. Je ne me fais aucune illusion sur le chemin discrètement pris par la différence entre le rapport brut et le revenu net.
Par exemple, payer les RTT. Ça ne coûte rien aux patrons, rien à l’état. C’est de l’argent que les travailleurs ont déjà gagné, mais que pour d’habiles raisons, on ne leur a pas encore payé. Maintenant, on va leur payer leur travail au fur et à mesure qu’ils le font. C’est juste un retour à ce que les choses n’auraient jamais du cesser d’être.
Par exemple défiscaliser les heures supplémentaires. Ça rapporte aux patrons, ça ne coûte rien à l’état. Qui va payer ? Les plus pauvres, qui verront leurs prestations sociales se réduire, et les retraités, dont les pensions sont aussi alimentées à cette source.
Par exemple, aligner le coût des loyers sur la hausse des prix globaux (sur laquelle personne n’est d’accord), et non plus sur le coût de la construction. Qui va payer ? Les plus pauvres, les mal logés. Les promoteurs ne sont pas des philanthropes : si le bâtiment rapporte moins, ils investiront ailleurs, et la crise du logement s’aggravera.
Seule mesure positive : l’interdiction des cautions. Mais les organisations de propriétaires ont déjà tellement hurlé pendant le week-end que ce midi, au JT de la 2, on n’en parlait déjà plus : il faudra vérifier si cette mesure, la seule qui fait payer les nantis, figure bien dans la loi lorsqu’elle recevra ses décrets d’application.
Une mesure décisive en matière de pouvoir d’achat, par exemple, serait d’interdire définitivement les marges arrières et autres pratiques relatives à l’exposition des produits dans la grande distribution… Mais ça, ce serait une vraie mesure qui prend de l’argent dans la poche pleine pour le mettre dans la vide. Alors, ce ne sont que de pieuses incantations.
Il est vrai que lorsqu’on voit tourner le monde, on se dit qu’on n’est pas sur le bon chemin pour que ça change. Les trois grandes puissances de la planète ne sont plus des démocraties. Le président des USA a été nommé par un tribunal de Floride, en Chine, on n’ose plus montrer son ministre des droits de l’homme, et en Russie, on jette les opposants en prison dès qu’ils veulent ouvrir la bouche.
En France, notre président copine avec les chaines de télé qui fournissent les jeux du cirque les plus appréciés, et c’est pour ne l’avoir pas compris que le président Chavez vient de se ramasser une veste : pour n’avoir jamais pardonné à la télévision privée RCTV d’avoir soutenu le coup d’état contre lui en 2002 (qui n’avait duré que deux jours) et avoir refusé de proroger sa licence d’émission qui arrivait à échéance en avril 2007, le double Che s’est ramassé hier une défaite électorale dans laquelle l’engouement des citoyens pour leurs émissions bêtifiantes a eu raison de leur goût immodéré pour un che qui résiste aux Américains.
Car la chaîne RCTV, pour les Vénézueliens, c’était celle de toutes les Star-Academy, de tous les Lofts et autres émissions-opium que le « gauchiste » Juvenal, intellectuel Romain anti-décadence au II° siècle après J.C., avait déjà défini comme le carburant du peuple « panem et circenses ». Car rien n’a changé. Les jeux du stade et la télévision populiste, quelle différence ?
Ne nous y trompons pas : c’est avec TF1 et M6 que notre président entretient les meilleures relations. Il sait très bien que ce n’est pas avec Arte et Ciné Classique qu’il va remplir la place de la Concorde de mille colombes et de cent mille pigeons. Ainsi va le monde.
En tout cas, n’ayez aucun scrupule à accepter les petits cadeaux démagogiques de notre prestidigitateur local : on ne fait que vous rendre un peu de ce que vous possédiez déjà.
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