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Chaque fois que je mets mon nez dans l'actualité, j'ai l'impression d'assister à un enterrement.
Je vois les Lumières s'éloigner, les grands idéaux humanistes se momifier, notre philosophie s'éteindre, notre culture s'enfoncer dans le brouillard d'un obscurantisme retrouvé, et même soigneusement recréé, nos idées et jugements s'égarer dans des confusions fabriquées et entretenues avec un soin machiavélique par les nouveaux marionnettistes du monde.
Nos débats de société puent, nos échanges d'idées volent bas, nos édiles sont minables et l'impulsion qu'ils donnent à l'amélioration de la société qu'ils ont promise ressemble plus à un coup de frein qu'à un nouvel élan.
Déjà cette idée paranoïaque de vouloir définir une identité française, comme si cette identité n'était pas précisément la photo du chantier France enrichi chaque matin des pierres des constructeurs de la veille. La graver dans le marbre pour la faire perdurer, c'est l'empêcher à jamais de progresser, de s'enrichir, de s'embellir et surtout de rester dans le concert des autres pays, qui eux, continuent à dérouler leur partition.
Combien des héros de l'Affiche Rouge parlaient français? Et combien de tirailleurs sénégalais sont morts pour la construire, cette identité? Combien allaient à la mosquée? La France dont j'ai l'idée ne se posait pas ces questions idiotes en se grandissant de leurs exploits. Alors quand on voit maintenant le regard nauséabond qu'ont sur ces sujets ceux qui se déclarent aujourd'hui héritiers du gaullisme, on reste pantois. Sommes nous donc tombés si bas?
Au triste musée de la confusion organisée et de l'assimilation dévalorisante, après le juif-escroc, l'arabe-voleur et le pédé-pédo, voici maintenant la burqua-cagoule.
http://www.20minutes.fr/article/372530/France-Loi-sur-la-burqa-Une-question-de-securite-publique.php
Jusqu'à maintenant, le problème de la burqua se limitait à un débat sur les symboles religieux et l'émancipation de la femme. En déclarant aujourd'hui qu'en se voilant la face, ces dames enrobées rechercheraient le même genre d'anonymat que des casseurs encagoulés, le nouveau projet de Coppé éclabousse l'Islam tout entier d'un soupçon d'insécurité et de terrorisme.
Quels sont les signes avant-coureurs d'une dictature? Atteintes à la laïcité qui privilégient certaines religions au détriment d'autres, soupçons et anathèmes dirigés contre certaines communautés, déni de l'expression populaire par l'organisation de nouveaux votes plus encadrés, (Traité de Lisbonne, « erreurs de bouton » récentes), attaques contre la liberté d'expression (Loi Loppsi 1 et 2, proposition de l'UMP Myard de « nationaliser l'internet » à la Chinoise qui date de la semaine dernière).
http://www.clubic.com/actualite-316878-depute-ump-nationaliser-internet-pourri-chine.html
...encadrement de la justice (suppression des juges d'instruction), mise au pas des artistes (le prix Goncourt de littérature rappelé à un « devoir de réserve » par l'UMP Raoult et pas défendu par le ministre)...,
Ce ne sont bien sûr que des petites bulles qui éclatent ici et là à la surface du marais. Des petites bulles. Mais il y en a de plus en plus, sur des sujets de plus en plus variés, et de plus en plus souvent. Suffisamment pour imaginer que dans les profondeurs s'éveille un monstre, et que c'est maintenant qu'il faut prendre les dispositions nécessaires pour l'empêcher de faire surface.
Il me souvient de blogs et d'articles de presse qui, en 2000 et 2001, disaient : « le sarkozisme, ça va être « Ça ». Presse Ô combien prémonitoire. Nous y sommes maintenant. On fait quoi?
Certes, la droite se divise bien autant que la gauche. Nora Berra, Ministre « des aînés », qui vient de claquer la porte du débat UMP sur la « burqagoule » en est un des signes ordinaires.
On ne peut pas impunément faire le grand écart entre le Front National et le centrisme modéré, et qui plus est à la sauce écologique.
A faucher trop large, on récolte avec le grain l'ortie du chemin. (C'est joli, les proverbes bucoliques, hein?, Riches de sens, profondément symboliques...
Travaillons à briser les faux semblants de cohérence du projet sarkozien, qui n'est que la mousseuse expansion d'une eau de bidet trop agitée.
Nationaliser internet, assimiler burqa et cagoule, différencier clocher et minaret, distinguer génuflexion de prosternation résultent du croisement abâtardi d'une incompétence crasse, d'une mauvaise foi cynique et d'une culture forcenée du populisme.
Néanmoins, si on ne fait pas un feu d'artifice en mettant le feu aux caisses de munitions, on provoque néanmoins un furieux incendie. Il serait urgent de verser de l'eau sur les élucubrations d'apprenti-sorciers de cette nouvelle race d'imposteurs politiques.
De toute façon, tant vaut nous préparer à ce que ça pète: la fracture sociale commence à ressembler à un océan:
3,1 millions de Français vont bénéficier du RSA alors qu'ils sont 8 millions à vivre en dessous du seuil de pauvreté de 800€.
Que vont devenir les cinq millions d'oubliés?
Huit Français sur dix ont les meilleures raisons matérielles de voter à gauche, voire à l'extrême gauche. Et le pouvoir appartient aux 2 autres. Cherchez l'erreur, et imaginez combien de temps on va encore pouvoir fonctionner comme ça...
P.S.:
A peine avais-je mis cet article en ligne qu'en regardant le 13h de France 2, je découvre qu'on prêtre anglican de York a incité ses ouailles frappés de grande pauvreté à voler aux étalages les plus riches.
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gsXlYQLhAN-75LI_z5znlYeLLCPA
L'argument du prêtre, ancien aumônier des prisons, qui connaît donc son sujet, et qui officie dans une ville économiquement sinistrée et à très fort taux de chômage consiste à dire que de petits larcins alimentaires, s'ils permettent de survivre, sont à même de dissuader leurs auteurs de verser dans une délinquance lourde et de vivre dans une économie souterraine, et que c'est donc moindre mal.
Certes, sa hiérarchie ne l'a pas suivi. Mais elle vit dans des palais dorés...
Il n'y a pas que le climat qui a des dérèglements. L'ordre social aussi. Demandons nous objectivement pourquoi...
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