vendredi 26 janvier 2007

80° L’Abbé Pierre.

Le grand petit bonhomme s’en est allé. Dernière méchanceté de ce monde cruel, s’il avait été dispensé d’obsèques nationales, il n’a pas été mieux loti. Sa modestie aura du endurer le passage par la case Notre-Dame, avec trois archevêques, le président de la république et un échantillon représentatif du gouvernement, le tout retransmis en direct sur les principales télévisions.

Mais s’il na pas pu donner son corps usé à la science, je sais qu’il aurait volontiers prêté sa dépouille à cette débauche de célébrité. Car l’abbé était un visionnaire, un précurseur. Dès l’hiver 1954, il avait compris que la condition d'existence des grandes causes était médiatique, qu’il fallait poser les problèmes sur la place publique pour les faire avancer, et surtout ne pas compter sur les consciences –surtout dirigeantes- pour les voir dépasser le stade de promesses même pas pieuses.

Evidemment, visionnaire et précurseur, chez Roman Catholic & Cie, comme chez nombre des firmes concurrentes, ce n’est pas un gage d’avancement. C’est plutôt mal vu par les DRH. Il tombe bien que l’abbé n’aurait pas voulu changer son béret pour une mitre, car c’est sans doute là le seul point avec lequel il était en accord avec sa maison mère.

Le très chaste organe du Vatican, l’Osservatore Romano, n’a pas dit un mot de son décès pendant trois jours, alors que la nouvelle a occupé la une de tous les médias français et est parue en bonne place dans un grand nombre d’autres pays. Ce n’est que devant l’évidence que monsieur le pape s’est fendu d’un communiqué qui a été lu aux obsèques dans une quasi indifférence, considérant que ni lui ni aucun de ses prédécesseurs n’avait levé son petit doigt bagué pour éclairer la communauté d’Emmaüs d’une reconnaissance dont elle s’est d’ailleurs fort bien passée.

.
Dans une multinationale dont les objectifs sont recherchés au plus profond de traditions obsolètes et les règles de fonctionnement dictées par un dogme qui échappe à toute tentative de raisonnement, voire simplement de compréhension, il n’y a pas de place pour les visionnaires. Et encore l’église romaine fait-elle un concile tous les mille ans pour essayer de remettre ses pendules à l’heure, ce que ses concurrentes ne font pas ! Alors, le « santo subito » (béatification immédiate) issu de la foule en transe lors des obsèques du précédent PDG n’a pas retenti au bénéfice de notre petit grand abbé. Au contraire, l’institution s’est fendue d’un communiqué aussi laconique qu’anonyme précisant que la chose n’était pas à l’ordre du jour.

Dans mon article N°15, on pouvait lire à ce sujet :

Le jour même de la mort du pape, des panneaux brandis place Saint Pierre dans le plus pur style CGT réclamaient sa canonisation immédiate. Feu !

Le nouveau pape, au deuxième jour de son pontificat, a affirmé avoir entendu cet appel populaire (il est moins sourd que l’autre) et considéré cette accélération d’un œil favorable.

Un archiprêtre a donc été nommé président de la Commission d’enquête en vue de la canonisation expresse du défunt. Pour éviter les problèmes de langue et de susceptibilité, on a choisi un polonais, le père Slavomir Oder. Cette fonction administrative très particulière a un nom : le père Oder est « pater postulator ».

Soucieux de modernité, le postulator a donc ouvert un site internet destiné à recueillir les témoignages et éléments favorables à l’accomplissement de sa mission. Comme je ne suis pas sectaire, je vous en donne l’adresse :

www.vicariatusurbis.org/beatificazione

Vous avez peut-être un miracle à y soumettre ?

Pourquoi ne pas se servir de ce site pour forcer l’église à se mettre en conformité avec son image de marque ? Encore que cela demande réflexion. L’abbé était si modeste que je me demande si on ne l’aurait pas fait rougir sous sa barbe en exigeant qu’il soit béatifié.

Car les vrais saints sont souvent laïques, et notre ami avait une foi inébranlable en un Dieu personnel qui s’accommodait mal de la version vaticanesque en technicolor, et faisait appel à la mansuétude de son bon dieu pour demander un petit pardon lorsque l’homme sous la soutane se laissait aller à quelques ouvres de la chair dont il n’a jamais oublié qu’il était fait.

Pas plus qu’il n’aurait été dérangé par le mariage des prêtres ou la reconnaissance de couples homosexuels. Il l’a dit et écrit, et Odon Vallet, docteur en sciences et professeur à Panthéon-Sorbonne ne rate pas l’occasion d’une interview pour déclarer qu’il y a goûté et qu’une des grandes expériences de sa vie fut un amour éperdu et déçu pour un de ses camarades de classe lorsqu’il avait 15 ans…

Pour moi, ce qui fait un grand homme, c’est avant tout de ne pas se prendre pour tel. C’est de se rappeler que l’homme est toujours petit, et que seule sa lumière intérieure peut devenir grande. C’est de montrer ses idées par ses actes et non par ses promesses, c’est d’éclairer les autres au lieu de s’éclairer lui-même.

Si on pouvait former un vœu pour la paix du monde, ce serait que les religions comptent beaucoup d’abbé Pierre, de gens qui tendent la main, ouvrent leur cœur, vivent pour les autres et se dépensent à mettre en pratique le sens même du mot religion, qui en latin, je le rappelle, signifie « relier ».

Si d’aucuns avaient pu penser que j’étais un ennemi aveugle des religions, ce discours les détrompera. Je suis juste ennemi des cons. J’aime les garçons chez moi, et peu m’importe que d’autres prient un dieu chez eux. Dans la mesure où je ne leur impose pas mon style de vie, je leur demande juste de ne pas m’imposer le leur. Se voir dicter une morale sexuelle et générale par des hypocrites qui vivent en robe et ont fait vœu de chasteté est quelque chose que je ne supporte pas. D’autant plus que je suis sincère jusqu’au bout de ce que j’écris, et pas eux, si j’en juge à la brochette de dignitaires qui viennent de se faire pincer en flagrant délit de zizipanpan. (article n° 65). Moi, on ne m’a pas encore chopé à aller mendier la communion en cachette ou sous couvert « d’expériences thérapeutiques » !

.
Tiens, à propos de sincérité, on se souvient d’un certain Pierre Lelouche, Député de Paris 4°, accusé d’avoir crié « qu’on les stérilise » lors du vote du PACS en 1999. Interrogé sur ce fait d’armes lors d’une conférence à laquelle j’ai assisté, l’intéressé se défend vigoureusement d’être l’auteur de cette invective, pourtant dûment portée au journal des débats de l’assemblée.

En présentant sa candidature aux prochaines municipales parisiennes, il a pourtant récidivé, déclarant qu’une candidature comme la sienne « rendrait à Paris l’habitude d’avoir un maire marié et père de famille ». J’ignore s’il a à nouveau nié ce second dérapage, mais sa nature machiste a encore repris le dessus la semaine dernière, puisque le Canard Enchaîné nous apprend que lors du débat à l’assemblée sur les mesures qu’il conviendrait de prendre pour « inciter les femmes à avoir un troisième enfant » suscité par Christine Boutin, qui doit trouver qu’on manque de chômeurs, alors que Nadine Morano a suggéré de « provoquer une gigantesque panne de courant comme à New York il y a dix ans, avec plus de télé ni d’ordinateur », Lellouche a lancé une vanne à la mesure de son esprit, déclarant que « c’était un problème de 25 centimètres ». Prétentieux, en plus !

Pour en revenir à notre brave abbé Pierre, si tous les religieux étaient aussi laïques que lui, on ne serait pas obligé de dénoncer à longueur d’articles les dernières discriminations des cathos polonais, des popes russes, et des prêchouillards d’ici et d’ailleurs. On n’aurait pas de guerre au Moyen Orient, ni entre communautés, ni au sein des communautés, la moitié des Irakiens ne se démènerait pas pour massacrer l’autre, l’Afghanistan vivrait en paix, tout comme le Pakistan avec son grand voisin indien.

Le mot communauté n’est pas à exclure comme certains le prétendent. Il ne prend simplement sa valeur que lorsque les portes en restent ouvertes, et que le feu qui y brille est prêt à réchauffer le voyageur.

Aux Etats-Unis, les démocrates ont deux candidats qu’un « caucus » va devoir départager. Hillary Clinton, et un certain Barrack Obama qui a aussi peu à faire chez les démocrates que Roselyne Bachelot à l’UMP. Il s’est trompé de parti en commençant sa carrière politique, et comme la carrière politique –surtout aux USA- est faite de tout sauf de convictions personnelles et de sincérité sous peine d’assassinat, personne ne s’en est aperçu ! Voilà donc les démocrates qui risquent de se donner un candidat homophobe, grand défenseur de la notion de famille qui n’existe plus, le divorce étant plus répandu là-bas qu’ici, ce n’est pas peu dire, et grand gesticulateur de signes de croix et d’invocations à un « dieu sur mesure » qui font des USA une communauté aux portes résolument fermées. Croisons les doigts et espérons sa défaite. C’est vrai que notre Ségolène n’est pas non plus une grande amie des libertés individuelles non reconnues par la bourgeoisie bien-pensante, mais au moins, le parti socialiste s’est doté d’un programme qui les inclut, et qu’elle devra appliquer bon gré mal gré. Au moins, elle ne nous fait pas du « Dieu avec nous » et du signe de croix à longueur de discours. Et quand on la voit dans une église, elle semble s’y faire chier au moins autant que Chirac. C’est à des petits détails comme ça qu’on trouve les gens sympathiques.

Aucun commentaire: