mercredi 18 janvier 2006



12° L’art, l’enseignement et la pornographie.



Un proviseur de l'académie de Montpellier a été sanctionné par le ministère pour «photos et écrits à caractère pornographique».

Il tenait un blog dans lequel il relatait sa vie professionnelle et personnelle, certes sous un pseudonyme mais avec une photo qui permettait de l'identifier et la mention de sa fonction dans un lycée de Lozère.

Une commission paritaire nationale disciplinaire s'est tenue le 9 décembre et a jugé que le chef d'établissement devait être révoqué, qualifiant notamment le journal intime de «pornographique et obscène».

Si l'on prenait à la lettre la nouvelle telle qu'il est trop brièvement publiée dans certains médias, l'événement passerait sans doute inaperçu. Mais d'autres sources d'information donnent des détails plus précis, à la lumière desquels les choses ne sont pas si simples…

D'abord, le ministère pourrait commencer par vérifier dans les dictionnaires le sens des mots qu'il emploie : la « pornographie » est « la représentation d'actes sexuels ». Or il semble que dans le blog en question ne figurait aucune photo correspondant à cette définition, mais seulement quelques nus tels qu'on peut en voir dans les musées, et la photo du proviseur lui-même, couché sur le ventre, laissant apparaître son visage, ses épaules et ses fesses. Autant dire beaucoup moins que ne peuvent en voir des milliers d'enfants séjournant en famille sur une plage naturiste. Si une famille d’élèves avait rencontré son proviseur sur une plage nudiste, aurait-il été révoqué ?

La photo ci-contre représente-t-elle une œuvre d’art ? Comment ? De mauvais goût ? Parce que vous pensez que tous les goûts ne sont pas égaux dans la nature, qu’il en existe de bons et de mauvais, et que le vôtre est forcément le bon ? J’oubliais que vous être le meilleur conducteur, que vous possédez la meilleure voiture, que vous ne vous fournissez que dans les meilleurs magasins, et que vous souffrez de l’indifférence que vos semblables s’obstinent à témoigner à l’encontre de votre génie, de votre radieuse lumière et de votre immanente perfection…

Le proviseur, qui semble s'expliquer très volontiers et ne pas chercher à se cacher, affirme qu'il ne racontait nullement sa vie sexuelle, mais bien davantage son vécu quotidien de chef d'établissement, ses débats intérieurs face à certaines décisions difficiles à prendre, et d'autres sujets d'intérêt général qui, objectivement, élevaient son blog bien au-dessus de la moyenne de ce genre de publication dont la portée ne va généralement pas au-delà de l'exhibition de la voiture de leur auteur et de la multiplication des photos de leur chanteuse favorite….

Cela nous pose deux questions :

: Peut on être homosexuel et enseignant ?

2. : L'éducation nationale a-t-elle mesuré toute la portée d'Internet, prépare-t-elle réellement les élèves à vivre au siècle de la communication ?

Concernant la première question, on se retrouve face aux problèmes mal posés qui tourmentent les esprits moyenâgeux quant à la confrontation de la vie personnelle des enseignants avec leurs fonctions. Pendant longtemps, la fonction d'enseignant avait été exclusivement dévolue à des religieux, dont on faisait semblant de reconnaître l'absence de vie sexuelle.

La vie moderne nous a démontré qu'il n'en était rien. Tout homme a une vie sexuelle, et les religieux comme les autres. C'est là qu'on a vu intervenir l'homophobie latente de notre société judéo-chrétienne, qui ne considère pas l'homosexualité et l'hétérosexualité sur un pied d'égalité. La récente décision du Vatican d'écarter les homosexuels de l'entrée des séminaires en est l'ultime et regrettable manifestation.

Plus grave : pour mieux bannir l'homosexualité, on entretient avec une parfaite mauvaise foi l'amalgame entre l'homosexualité et la pédophilie. Pourquoi devrait-on considérer qu'un enseignant homosexuel serait plus attiré par les petits garçons qu'un enseignant hétérosexuel par les petites filles ? C'est ridicule, mais le ridicule ne fait pas peur aux pudibonds. Par contre, il tue les enseignants… Nous avons plusieurs exemples d'instituteurs qui se sont suicidés avant la fin de l'enquête parce qu'on les accusait de pédophilie, alors que précisément l'enquête a démontré après leur mort que ces accusations étaient mensongères…

La pédophilie est devenue l'accusation à la mode. Nous vivons une sorte de maccarthysme anti-pédophile, une véritable hystérie collective. On voit des pédophiles partout. Un pédopsychiatre anglais a vu sa maison incendiée parce que la plaque à côté de la sonnette indiquait : « pédo quelque chose »… Il y a des analphabètes partout…

On voit maintenant intervenir des accusations de pédophilie dans près de 40 % des divorces, contre moins d'1 % avant cette mode regrettable. Le nombre des cas avérés, lui, est resté inchangé à moins de 0,5 %... Sauf à Outreau..

A Outreau où un juge d’instruction qui proclamait à l’époque « qu’il tenait l’affaire du siècle » déclare aujourd’hui avec le soutien de ses pairs qu’il a fait son devoir avec objectivité…alors qu’avec le recul, l’affaire apparaît de plus en plus –même au grand public-, comme le remake d’un procès de sorcellerie quasi inquisitorial.

Venons-en à notre seconde question : l'éducation nationale a-t-elle réellement intégré le contenu et la puissance d'Internet ? Avec cette espèce d'angélisme qui a déjà coûté si cher aux forces de progrès de notre pays, elle persiste à limiter sa perception de la toile à une sorte de gigantesque dictionnaire qui livre l'ambroisie du savoir à nos chères têtes blondes.

C'est vrai, mais seules les autruches pensent que ce qu'elles ne veulent pas voir pas n'existe pas. À partir du moment où on transporte de l'information, on transporte toutes les informations. Dommage que ceux qui sont en charge de l'éducation des générations futures persistent à ne pas le comprendre, et rêvent d'épurer le Web et d'en censurer le contenu, -- ce qui est un mythe --, alors que la raison commande plutôt de préparer ses futurs utilisateurs à savoir faire le tri dans tout ce qu'il leur apportera.

À vouloir interdire les manifestations sexuelles des braves gens, l'autorité pudibonde n'a réussi qu'à la passer sous silence, à lui faire prendre le maquis. Elle a inventé l'hypocrisie, qui est certainement la pire manière de préparer nos chères têtes blondes à faire face aux réalités.

S'il n’était pas anormal d'être proviseur et homosexuel, s'il n'était pas anormal de tenir un blog, celui de ce brave homme serait passé inaperçu, et n'aurait jamais reçu autant de publicité depuis qu'il n'existe plus et que son auteur a été jeté à la rue. Parce que l'homme a été révoqué, c'est-à-dire viré de la fonction publique, sa carrière a été brisée. Nos institutions n'osent plus reprocher aux gens d'être homosexuels, mais l'homophobie se cramponne dans les esprits faibles, et elles leur reprochent maintenant d'oser le dire.

Un peu comme skyblog qui a censuré sans explication mon blog précédent, -semblable à celui-ci, vivant sans malaise le grand écart démagogique qui consiste à exhorter les gens à s’exprimer, et à les censurer dès qu’ils le font vraiment. (voir article n°1)

C'est la dernière trouvaille des réactionnaires. Pour entrer dans l'Europe, la Pologne a accepté de dépénaliser l'homosexualité, mais elle continue à interdire les Gay Pride. La Slovaquie a épuré ses lois de la même manière, mais a imposé à la présidence de la commission des droits de la femme du Parlement Européen une madame Anna Zaborska, connue dans son pays pour ses positions anti-avortement et ouvertement homophobes. Laquelle présidente de commission s'est empressée de faire condamner le journal français « Libération » qui avait fait d'elle un portrait qu'elle estimait insupportable…

Pour se recentrer sur notre sujet, il faudrait que les instances de notre éducation nationale se persuadent qu'elles ont à préparer nos chères têtes blondes à une vie de communication et d'échanges de données sans commune mesure avec aucune période de l'histoire. Les vieilles recettes seront impuissantes et il va falloir innover.

Alors, au lieu de se focaliser sur quelques épines et d'y rester accroché, ne pourrait-on pas considérer la fleur dans son ensemble, et surtout dans toute sa beauté ?

Ne pourrait-on une fois pour toutes faire triompher l'idée qui veut que seule la différence enrichit, que l'on apprend rien de ses semblables de même que l’on n’est pas prophète en son pays, et qu'il faut aller se frotter aux autres pour construire sa personnalité d'éléments assez variés pour se faire une propre opinion ?

Le temps n'est-il pas venu de dénoncer ces systèmes éducatifs autarciques, prisonniers d'un dogme, qui fabriquent à la chaîne des clones de leurs pères fondateurs, coupent les ailes de tout ceux qui veulent vivre autrement, et deviennent en se sclérosant des foyers d'obscurantisme rétrograde, des nids d'intégrisme, voire de véritables centres de formation de terroristes ?

Les parents ne pourraient-ils enfin imaginer que « se reproduire » ne consiste pas à fabriquer un clone, que leur fils ou leur fille n'est pas forcément fait pour ressembler à leur père ou à leur mère, qu’ils les blessent en les forçant à entrer dans un moule qui n'est pas fait pour eux, et que s'ils veulent vraiment faire leur bonheur comme ils le prétendent, leur devoir consiste à leur permettre de s'épanouir et non pas à leur couper les ailes ?

Un monde où toutes les catégories sociales, géographiques, religieuses, ethniques pourront converser ensemble dans un forum de taille planétaire, où chacun apportera sa richesse et ses valeurs, se perfectionnera au contact de celles des autres, n'est-il pas le monde de paix dont nous rêvons tous ?

Vouloir élever ses enfants au modèle de ce qu'on est soi-même est certainement la manière la plus sûre de bâtir la pire sorte de communautarisme. Si tout le monde s'accorde à dire que le communautarisme est source de rivalités, d'oppositions et de conflits, combien de familles sont capable de franchir le pas qui consiste à admettre que leur communauté n’est pas plus un modèle que celle des autres, et que la paix et la concorde ne peuvent venir que de la fusion des communautés, et non pas de la suprématie d'une sur les autres ?

Alors, arrêtons de prendre les enfants pour des imbéciles. À l'école maternelle, le racisme n'existe pas, et chaque enfant accepte ses petits camarades sans considération de sa couleur ou de son rang. Ce sont les parents qui, après ce début pourtant prometteur, inoculent le ver dans le fruit.

Combien de temps faudra-t-il pour expliquer aux paranoïaques qu'il n'y a pas plus attirant que l'interdit, que les jeunes n'accepteront des choix que lorsqu'ils les auront compris, -- ce qui supposerait que lesdits choix soient explicables --, et que l’inégalité, la pensée unique, le dogme et la vérité imposée sont des leurres qui nourrissent l’esprit de révolte, et qui favorisent la marginalisation, l’échec personnel et la délinquance.

Alors, communiquez, partagez vos expériences, échangez, sachez tirer d’internet la « substantificque moëlle », exorcisez l’expression personnelle et l’art des interdits moyenâgeux qui les confinent dans l’obscurantisme, n’ayez de maître que la construction de votre personnalité dans le respect des autres et l’enrichissement mutuel.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ou est la tolérence,les articles de fond mis en avant sur le blog,sont on ne peut plus explicites......bravo pour ce travail de recherche et de toute l'énergie positive employée afin de nous sensibiliser et d'éviter de ronronner dans notre retraite.j'ai inscrit le blog dans mes favoris.enfin un blog intelligent et serieux.pourquoi ne vois t'on que le coté superficiel du milieu gay??merci.

http://spaces.msn.com/members/chezmoijacky