jeudi 15 décembre 2005



2° Raison et parti pris...



Le député Christian Vaneste est donc passé aujourd'hui devant ses juges. La justice a pris très au sérieux le caractère injurieux de ses déclarations, le procureur a estimé que « de toute évidence, les propos du sieur Vaneste tombaient sous le coup de la loi », la presse spécialisée et notre cher et irremplaçable « illico » nous racontent par le menu les détails de l'audience.

Avant tout commentaire, je suis stupéfait d'apprendre que cette audience a duré six heures, et que le délibéré ne permettra pas de connaître le résultat des courses avant le 24 janvier… J'établis malgré moi un parallèle avec certaines audiences de correctionnelle auxquelles j’ai assisté, et où de pauvres garçons qui avaient fait racaille à l'insu de leur plein gré s'étaient retrouvés en prison après 10 minutes d'audience et 12 minutes de délibéré… Mais enfin bon, tout viendra en son temps. La justice fonctionne de plus en plus convenablement en matière d'homophobie, et nous ne pouvons que nous en réjouir.


Ce spectacle suscite une allégresse bien plus grande chez ceux dont, comme moi, l'adolescence a été un long chemin semé d'injures, de cassage de gueule, de bagarres et de poursuites à la sortie du lycée, d'échauffourées de toutes sortes, de crachats et d'humiliations. J’ai vu deux de mes camarades se suicider à 15 et 17 ans parce que l’homophobie ambiante leur était trop lourde à supporter.

À l'époque, on ne pouvait même pas se plaindre. L'aurions-nous fait que nous serions vu répondre que nous avions bien mérité le triste sort qui était le nôtre… Les seules mentions d'homosexualité dans la presse étaient à la rubrique faits divers, le signalement de l'assassinat d'un pauvre pédé dans une pissotière, et encore l'article était-il rédigé de manière qu'on puisse clairement lire entre les lignes que c'était bien fait pour sa gueule.

Et voilà qu'aujourd'hui, après 40 ans de lutte acharnée, de débats, de batailles physiques et juridiques, d'injures essuyées, mais de tête toujours relevée bien haut face à l’intolérance, on parlait de ce procès, de « notre procès » à la télévision, que le prévenu, -- tout notable qu'il fût --, y était présenté comme un coupable potentiel, et que le procureur n'avait pas l'impression de salir la noblesse de sa magistrature en demandant que soient condamnés des déclarations diffamatoires à l'égard de l'homosexualité.

Certes, le député Vaneste aura usé de toutes les contorsions que permet la mauvaise foi pour échapper aux mâchoires du bon droit qui se referment sur lui. En disant d'abord que ce n'était pas les homosexuels qu'il avait qualifiés d'inférieurs, mais la pratique homosexuelle, par rapport à la pratique hétérosexuelle. En affirmant ensuite qu'il ne faisait que répéter tout haut le langage le plus ordinaire qu’il pouvait entendre dans les chaumières où vivaient ses électeurs.

Le coup du « je dis tout haut ce que les autres pensent tout bas », non seulement on nous l’a déjà fait, mais il me semble peu glorieux de se réclamer de son auteur ! (Non non, Le Pen n’est pas l’auteur de cette expression ! C’est Philippe Henriot, ministre de Pétain, qui la plaça le premier dans le discours qu’il fit lors de l’inauguration de l’exposition antisémite « Le Juif et la France » le 12 septembre 1941 au palais Berlitz.)

Ensuite, souvenons-nous que dans bon nombre de chaumières de France et d'Allemagne, il y bientôt 70 ans, on disait tout haut « Maréchal nous voilà ! » et « Heil Hittler !" Heureusement qu'on n'a pas continué à le dire tout haut ! Les choses ont changé, et il faudrait tourner la page une fois pour toutes.

M. Vaneste devrait prendre plus à coeur sa responsabilité d'élu, de cadre de la nation, qui lui commande d'oeuvrer au progrès, de répandre la culture, la civilisation et l'humanisme, de travailler à l'amélioration du civisme, à l'intégration des minorités de toutes sortes et à l'harmonisation du peuple français au lieu de cultiver son petit carriérisme en se faisant le chantre d'idéologies d'exclusion et de discrimination que l'histoire nous a permis jadis de voir à l'oeuvre grandeur nature.

Parce qu'honnêtement, qu'est-ce que ça peut bien lui foutre le pourquoi et le comment des pratiques homosexuelles, dès lors qu'aucun de nos ébats, aussi aventureux qu'il soit, n'a jamais à ma connaissance terminé dans son lit ? S’ennuie-t-il à ce point sous ses draps qu’il lui faille venir regarder sous les nôtres pour disserter de pratique sexuelle ?

Quant au « caractère dangereux de l'homosexualité pour la survie de l'humanité », excusez-moi du peu, mais dans un monde où deux hommes sur trois meurent de faim, et dans une France où deux actifs sur dix sont hors course, l'un à l'ASSEDIC et l'autre au RMI, il n'est peut-être pas de la première urgence de se reproduire comme des lapins….


Des commentaires de l'intéressé à la sortie de d'audience, il résulte que le député Vaneste n'a toujours pas changé son fusil d'épaule : peu lui importent l'égalité des citoyens, la non-discrimination des minorités et le sort des homosexuels, il garde le cap qu'il a adopté depuis le début, cultivant le chaos et l'obscurantisme pour faire bouillir sa marmite.

Affaire à suivre donc, car comme je l'ai dit plus haut à propos de l'acte de censure dont j'ai été la victime, on ne fait pas avancer ses idées en imposant le silence à son adversaire.

Que la justice se contente de faire taire les irréductibles et de réduire les mal embouchés. Avec les gens doués d’esprit, on pourra toujours débattre de manière républicaine, ouverte et respectueuse. J'attends de la décision de la justice qu'elle fasse comprendre au député Vaneste les voies de l'humanisme, de l'égalité des citoyens et de leurs pratiques, et les principes fondamentaux de la tolérance. Suivant le résultat, on saura à qui on a affaire.

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