Ce n’est pas parce que quelque chose se pratique couramment dans d’autres pays qu’il faut le présenter en modèle et vouloir l’imposer à la France. C’est pourtant le raisonnement tenu par François Fillon pour faire avaler son histoire de test ADN qui seraient perpétrés sur les candidats au regroupent familial.
A ce titre, il faudrait envisager à nouveau la peine de mort, la liberté de port d’armes, la répudiation et la polygamie au prétexte que d’autres continuent à trouver ça bien.
Et puis, l’esprit même de la loi, qui fait appel à la définition biblique de la famille, -deux partenaires pour la vie- la transforme en épreuve qu’aucune famille recomposée du XXI° siècle ne saurait franchir sans encombre, y compris, je pense, la très recomposée famille de notre président de la république.
Il faut une fois pour toutes remettre à plat la définition de la famille avant de l’utiliser dans toutes sortes d’applications qui vont du regroupement familial des immigrés au mariage homosexuel en passant par l’homoparentalité.
La définition « d’un homme et une femme pour la vie » nous vient de la bible, et même de l’ancien testament. Elle date d’une époque où l’espérance de vie n’excédait pas 25 ans, et où les quarantenaires passaient pour de respectables vieillards. Et déjà elle posait des problèmes si on s’en réfère à la vie tumultueuse des couples antiques dont l’histoire est parvenue jusqu’à nous. Et déjà aussi, les cadres, patriarches et autres hiérarques vivaient plus longtemps que le petit peuple laborieux…
N’oublions pas que les pires oppositions auxquels la défense des droits des gays a du faire face au cours de son histoire viennent d’organisations articulées autour de la famille : associations des familles chrétiennes, des familles de France, des familles de ci et de ça.
La famille est le creuset où se mitonne le conservatisme le plus endurci, l’intolérance la plus abrupte, l’immobilisme le mieux boulonné. C’est aussi le lieu de tous les scandales, des pires violences et de 90% des gestes obscènes, mais ça, chut ! : il ne faut pas le dire.
Alors, un partenaire pour la vie dans une vie de 25 ans, ça peut aller, mais dans une vie de 80 comme nous avons maintenant, c’est parfaitement anachronique.
Les immigrés sont des gens comme nous, et plus d’une famille sur deux doit y être recomposée, tout comme chez nous. Le filtre de la filiation génétique est donc capable d’éliminer à tort plus la moitié de la progéniture, et c’est bien ce que ses concepteurs attendent de lui : une embûche supplémentaire, aussi arbitraire qu’injuste, mais affublée d’un alibi scientifique.
Embûche sournoisement doublée par une mesure à double tranchant supposée l’adoucir, mais dont les effets seront en réalité aggravants : seul l’ADN de la mère serait utilisé ? Et hop, encore 30% d’enfants exclus parce que c’est par leur père qu’ils sont arrivés dans la famille.
A introduire la génétique dans la gestion de la démographie, on jongle avec des jouets dangereux qui ont déjà fait bien des dégâts dans l’histoire. Est-ce bien utile de commenter ?
Il suffit de comparer la liste des personnalités présentes à la soirée du Zénith pour protester contre cet amendement avec celle des rares people qui se montrèrent place de la Concorde un soir de 6 mai où une escadrille de colombes vola si bas. Ça parle plus que les arguments de bistrot avec lesquels ferraillent les zélateurs du tri génétique.
Sans compter que la politique qui consiste à désigner des boucs émissaires, l’histoire en compte déjà à vomir, et je voudrais qu’on épargne ça aux immigrés. Depuis les esclaves prises de guerre en passant par les roux, les harems, les Juifs qui y ont eu droit plus souvent qu’à leur tour, les protestants un jour de Saint Barthélémy, les aristos, (fallait-il les massacrer ?), les Cathares, les Templiers, j’en oublie. Ben oui, j’oublie les sodomites !
Le collimateur actuel vise aussi les pédophiles. Je ne dis pas que ce qu’ils font est bien, mais l’hystérie dont ils sont la cible est-elle proportionnée à la soi-disante horreur de leurs méfaits ? Ils sont traités quasiment comme des terroristes, ce qui semble quelque peu exagéré. Le dernier en date a eu droit à une campagne planétaire de recherche avec sa tronche sur internet. Ben Laden n’a pas été mieux servi.
Et si on ne le trouve pas dans son village vietnamien, qu’est ce qu’on fait, chef ? On envoie les F16 et on bombarde ? Les conséquences néfastes des délits seraient mieux comprises s’ils faisaient l’objet d’une répression proportionnelle à leur gravité. C’est comme quatre ans de prison peine plancher pour une barrette de shit, ça paraît si ubuesque qu’il faut vite s’en rouler un pour supporter le monde où on vit.
Puisque nous parlons d’escalade, il se passe des choses intéressantes au Bush bazar outre-atlantique. Là-bas, la succession du grand timonier est ouverte, et l’innovation va bon train. Chaque parti est déchiré par une querelle des anciens et des modernes.
Commençons par les moins méchants, les démocrates. Deux candidats en lice : Hilary Clinton, qui vit avec son temps, ne s’effarouche pas des couples recomposés et voit d’un bon œil le mariage gay et même l’homoparentalité.
Face à elle, Barrack Obama, « l’avatar religieux » de gauche, qui n’a plus de gauche que l’innovation qui consiste à être noir et présidentiable. Né à Hawaï d’un père musulman et d’une mère sang-mêlé cherokee, Obama se convertit au christianisme dans les années 80, et poursuit une brillante carrière vers un poste de sénateur de l’Illinois où il est élu en
Mais la religion le rattrape, et carrière oblige, il est obligé de mettre de l’eau dans son vin. La droit des gays ne figure plus dans son programme, il élude toutes les questions sur le mariage homo et vante les vertus du « couple biblique voulu par Dieu pour la grandeur des Etats-Unis ». Les gays américains ne comptent plus que sur Hilary Clinton pour faire avancer leur pion.
Comme il existe un fonds religieux dans toute la pensée américaine, que la population noire y est particulièrement encline à fréquenter les églises et que la phallocratie y survit contre vents et marées, le vote noir pourrait bien porter Obama vers la candidature démocrate.
Chez les républicains, la notion de famille biblique divise aussi les courants en présence. D’un côté, on trouve Rudolph Giuliani, maire de New York le 11 septembre 2001, multi-divorcé, grand séducteur célèbre pour ses frasques et ses conquêtes féminines. Il a dû son élection à la mairie de New-York en partie au vote de l’importante communauté gay, artistique et métrosexuelle locale, et sa défaite en 2002 à l’hyper-médiatisation de ses frasques par l’équipe de son charmant camarade républicain Bloomberg.
Face à lui, Mitt Romney. Là, danger : épouvantail ! Romney est mormon, un machin dont le statut passe de la secte à la religion suivant les pays, et qui est aux USA une religion riche, puissante et fortement rétrograde.
A ses origines, cette secte était polygame, ce qui valut aux ancêtres de Romney de s’exiler au Mexique pour faire harem tranquille et échapper aux lois anti-polygamie promulguée par la Cour Suprême en 1879, qui visait précisément des pratiques sectaires dont celles des mormons. Son père naquit donc à Chihuahua, au Mexique, et ne revint aux USA qu’en 1913.
Cela n’empêche pas les Romney d’être brillants à leur manière. Etudes à Harvard et sénateurs de père en fils, ils bâtissent une fortune dans la finance.
Mormon pur jus, Mitt Romney ne badine pas avec la famille biblique et la sexualité. Il professe la chasteté jusqu’au mariage, et à l’instar de sa secte, promet aux homosexuels les flammes de l’enfer les plus cruelles. Il faut dire que « l’église des saints des derniers jours », comme elle s’intitule, ne badine pas avec grand’chose : elle a interdit la prêtrise aux noirs jusque dans les années 70, et impose à ses adeptes un « service missionnaire » de deux ans dans un pays étranger. C’est d’ailleurs en France que le jeune Romney est venu tirer les sonnettes pour apporter la lumière à des gens qui avaient pourtant déjà l’électricité.
Ultra-religieux, super rétrograde, archi homophobe, prosélyte motivé et infatigable va-t-en guerre, le bonhomme pense encore qu’il vaut mieux laisser faire dieu que les écologistes pour prendre soin de l’avenir de la planète.
Si Romney est élu, on risque de regretter Bush. Ce qui n’est pas peu dire.
Voilà pour l’avenir de la notion de famille et des droits des gays outre-atlantique. Ce n’est plus une épée de Damoclès, mais tout un arsenal qui pend au-dessus de la tête de nos cousins américains, qui vivent dans un pays où, je le rappelle, la liberté d’expression est cultivée à l’excès au point que toute mesure anti-discriminatoire passe pour de la censure.
En France, on continue à cultiver le paradoxe avec enthousiasme. Fort de l’expérience de la grève Juppé de 1995, le gouvernement clame à tous vents qu’il veut négocier avant de passer sa loi.
Alors, la négociation, vue par Sarkofillon, qu’est-ce que c’est ? C’est une palabre aussi sérieuse que possible mais parfaitement inutile puisque les deux compères ont annoncé la couleur : quoi qu’il arrive, la loi passera par décret dans moins de pas longtemps.
Le « couloir de la négociation » est un couloir avec une seule porte au fond : celle des fourches caudines. D’habitude, il y a d’autres portes accessibles quand on négocie, la place pour des idées, voire des refus. Là non. La négociation est réduite à une formalité. Hop on a négocié, pouf ! on décrète. Juppé était droit dans ses bottes, Fillon est droit derrière son bureau.
Même le brain-trust médiatique gouvernemental a fait chauffer ses méninges sur la présentation de la grève : la grève sera terrible. C'est le gouvernement qui l'annonce ! ! !
Y aura-t-il plus de manifestants suivant la police que suivant les organisateurs ? Cela permettrait de ne pas avoir l’air dépassé si la contestation prenait bien, et de la minimiser si elle n’atteignait pas une ampleur maximale.
Sarko, c’est plus fort que toi : jusqu’à maintenant, la grève était un message médiatique. Aujourd’hui, c’est l’annonce de la grève qui en est un. On fait poupées russes : La petite grèvounette des fonctionnaires emballée dans la grande grève officielle, technocratiquement repeinte aux couleurs d’une formalité.
Pour notre gouvernement, la grève ne signifie plus rien, c’est une sorte de danse de la pluie que les ouvriers ne manquent jamais d’organiser quand on légifère à leur sujet. Il n’y a qu’à attendre que ça passe puisque c’est inévitable. C’est exactement ce que la junte birmane vient de faire devant le soulèvement populaire. Attendre en faisant chier un peu que le soufflé se dégonfle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire