lundi 18 juin 2007

104° O U F ! !

J’avais de la peine à imaginer que les Français allaient se laisser rouler dans la farine avec une telle facilité. Certes, le sursaut a été tardif, mais il a eu lieu, et la situation parlementaire est finalement plus équilibrée dans notre nouvelle chambre que dans la précédente. 45 sièges passent de droite à gauche, ce qui va peut-être enlever un peu de leur triomphalisme aux fanatiques sarkoziens qui imaginaient déjà qu’ils allaient impunément façonner la société à leur image.

Maintenant, il va falloir discuter un peu, et il faudra qu’ils apprennent. Ils ne pourront plus qualifier d’ouverture l’appel à la bonne soupe proposé à quelques personnages sans idéologie. Ils ne pourront plus essorer le bon peuple à merci par d’injustes augmentations de TVA travesties en je ne sais quelle « contribution sociale ».

Car faire payer les petits contribuables et rien qu’eux pour « le social », ce n’est qu’un tour de passe-passe. Prendre l’argent aux bénéficiaires désignés pour le leur rendre ensuite à grand tapage médiatique, ça ne les enrichit pas ! Ce n’est pas en taxant les pauvres qu’on va améliorer leur sort !

Outre l’encouragement donné à la gauche pour entreprendre sa nécessaire reconstruction, ce retour de manivelle a apporté quelques points de détails assez savoureux : Notamment la défaite d’Alain Juppé, foudroyé sur ses terres et dans ses bottes par une candidate socialiste jusqu’ici inconnue. Avec Juppé, on n’est jamais déçu : allant ce matin inaugurer le salon Vinexpo, il s’en est pris aux journalistes accusés « d’avoir mal compris la TVA sociale ». Et répondant en guise d’adieu à ceux qui s’enquéraient de ses nouvelles :

"Comment voulez-vous que j'aille? Vous aimeriez bien que j'aille mal. Si je pouvais crever, vous seriez contents. Ca vous ferait plaisir que j'aille mal, ça vous exciterait". Je note que le « Si je pouvais crever, vous seriez contents » a été coupé de la séquence que j’ai pu voir à l’instant dans le 13 heures d’Antenne 2.

On accuse toujours les autres de ce qu’on ferait à leur place, et en vertu de ce solide principe hérité de ma grand’mère, j’en déduis que l’encore édile de Bordeaux ne serait pas atterré par l’extermination de quelques journalistes trop objectifs…

Bonne nouvelle aussi que l’effacement de l’arrogant touche-à-tout Klarsfeld junior, renvoyé à son cher barreau avec toute la vitesse de sa planche à roulettes, et une célérité autrement plus grande que celle de la justice.

Et bonne nouvelle toujours la solution finale appliquée au front national, qui n’aura aucun député, et dont la dernière égérie clame que cet anéantissement est une situation propice pour démarrer la reconstruction de son parti. Pour une fois, on sera d’accord avec elle : on fait difficilement mieux comme retour case-départ, attendu que le score général du parti l’exclut des remboursements de campagne et essore sa trésorerie. Ayons une pensée émue pour le milliardaire Le Pen qui passait ce matin le chapeau à la radio et à la télévision pour renflouer les caisses de son parti. Combien y mettra-t-il de ses propres deniers ? Au coin de ma rue, un facétieux a tagué sur une affiche du front national : « la marine a fait naufrage ».

On déplorera pour la bonne marche des droits républicains réclamés par les gays français la fâcheuse réélection de Christine Boutin et de Christian Vanneste, choyés par l’UMP comme des asticots auxquels les intégristes et autres moyenâgeux inquisiteurs sont supposés mordre. Cela entre sans doute dans le programme de protection des espèces en voie de disparition ? Chacun son écologie.

L’état de grâce n’aura pas duré longtemps. Et cela permet de constater un changement de comportement de Nicolas Sarkozy. Il y a encore trois semaines, ses sectateurs l’admiraient en expliquant que contrairement à ses prédécesseurs, il prenait des risques politiques et allait lui-même au charbon sans considérer son premier ministre comme un fusible. (Ce qui est, soit dit en passant, contraire aux règles de la république qui veut que le président soit au-dessus des partis, et délègue précisément à son premier ministre le rôle de chef du gouvernement).

Parce qu’avant la présidentielle, c’était facile : quelques injures racaillesques et quelques pulvérisations de karcher suffisaient à créer et entretenir un courant de pensée. Plus on se rapprochait du second tour, et plus le discours politique abandonnait la démagogie pour se faire plus terre à terre. Et moins on entendait monsieur Sarkozy. Entre les deux tours, on ne l’a plus entendu du tout : depuis qu’il faut mouiller sa chemise et mettre ses mains dans le cambouis, le premier ministre a retrouvé toute son utilité. La hiérarchie est redescendue d’un gros cran : maintenant, lorsque le message n’est pas perçu, Sarkozy se tait et les députés, surtout les battus, accusent les journalistes de n’avoir rien compris. Ce que je comprends, moi, par « n’avoir pas été aux ordres ».

Car je crois que les Français et leurs journalistes en général ont parfaitement compris : ils veulent bien qu’on augmente les impôts, mais à condition que ce soient les riches qui les paient, ce qui me semble une saine et républicaine justice.

Il faut toute la mauvaise foi d’un Nicolas Beytout, ce chroniqueur du Figaro qui sévit tous les matins sur France-Info, et qui, comme Steevy, avait parlé un jour « des Français qui ont « choisi » le chômage » pour dire, comme il l’a fait ce matin, qu’il trouvait incohérent que les électeurs se soient manifestés pour l’augmentation des impôts en élisant Sarkozy, et aient maintenant changé d’avis en battant ses députés au motif de la TVA sociale. Peut-être un jour ce monsieur Beytout comprendra-t-il que ce que veulent vraiment les Français, c’est la justice et l’équité dans la répartition des richesses et des impôts, ce que Laurent Joffrin, le journaliste de Libé qui lui tient la dragée sur l’antenne semble avoir bien du mal à lui faire comprendre. Mais comment faire boire un âne qui n’a pas soif ?

Nous voilà dont de part et d’autre dans un grand chantier. Car au PS aussi, il y a du boulot ! On dit déjà que le périmètre de la Présidence de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale que l’UMP s’apprêterait à confier à l’opposition aurait été réduit au point de vider de leur sens les attributions de ladite commission. A regarder de près. Si le langage démagogique n’est plus de mise pour les généralités, il va maintenant s’appliquer à chaque détail. Il va falloir éplucher. La pince à épiler va remplacer le karcher.

Il va aussi falloir bronzer sans s’endormir : c’est au cours d’une session spéciale qui siègera cet été pendant que les Français sont à la plage que le gouvernement va essayer de faire passer le plus impopulaire des mesures qu’il a concoctées. L’urgence prétextée est en réalité un besoin impérieux de se soustraire à une actualité quotidienne. Vigilance !

Et il faudra aussi, sans s’être endormi pendant la bronzette, se retrouver tout gaillard pour une rentrée qui promet d’être chaude. Le sursaut qui vient de réveiller la gauche augure d’une réactivité dont nous aurons besoin pour ne pas se faire dévorer tout cru par le Shrek néolibéral.

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