samedi 26 mai 2007

98° Le C. U. C.

Le Contrat d’Union Civile spécial gay
proposé par Monsieur Sarkozy
est un cadeau empoisonné.



Jusqu’en mai 68, la situation des droits des gays en France était catastrophique. Les lois de Pétain étaient encore en vigueur, qui élevaient l’âge du consentement sexuel pour les homos par rapport aux hétéros, aggravaient le délit d’attentat à la pudeur et en alourdissaient les peines dans les contextes homosexuels, et interdisaient toute publication sur le sujet hors d’un cercle privé.

Le 18 juillet 1960, un député de Metz, nommé Paul Mirguet, avait fait voter l’assemblée nationale sur le classement de l’homosexualité au nombre des grands fléaux sociaux, dans une liste qui comprenait l’alcoolisme, la tuberculose, la toxicomanie, le proxénétisme et la prostitution. Fort de la docilité de ses amis députés, il avait quelques mois plus tard, énoncé très sérieusement du perchoir de l’assemblée que la résolution du problème de l’homosexualité était fort simple : il suffisait de supprimer les pissotières puisque c’était là le lieu de prédilection du délit.
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Or non seulement aucun des 490 députés de l’époque ne s’est foutu de sa gueule, mais la plupart ont appliqué la mesure avec le plus grand sérieux : N’a-t-on pas assisté dans les années qui ont suivi à l’extermination systématique de toutes les vespasiennes dans les villes de France et de Navarre dont ils étaient les édiles zélés ?

Le 10 mai 1971, à la salle Pleyel, Ménie Grégoire fait une émission en direct sur RTL. « L’homosexualité, ce douloureux problème » en présence d’un prêtre à qui l’assistance avait demandé avant l’ouverture du micro « s’il était venu en connaisseur », d’Armand Lannoux, d’André Baudry, (Arcadie) et de Pierre Hahn, psychologue invité qui va néanmoins se fâcher au bout de dix minutes.

Texte intégral :

http://www.france.qrd.org/media/revue-h/001/probleme.html


L’émission fut brève ! Après quelques quiproquos mémorables, les spectateurs envahissent la scène, Pierre Hahn s’énerve et s’empare du micro, Daniel Guérin grimpe aux rideaux et votre serviteur le jeune de Brethmas se fait une entorse à la cheville en retombant de la scène où il avait voulu monter dans la bousculade. Le FHAR, Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, en gestation depuis l’amphi des Beaux Arts en mai 68, venait de prendre son essor.

Le problème de la normalité posé par mai 68 éclatait au grand jour : le douloureux problème, c’est bien celui des homophobes, et on ne veut ni la charité ni la tolérance.

Tout cela, et bien d’autres comme le célèbre congrès d’Arcadie de 1977 au Palais des Congrès de la Porte Maillot, avec pour thème « le droit à la différence » sur invitation stipulant : « veste et cravate obligatoires, blue jeans interdit. » allaient émailler de gags quarante ans d’un militantisme heureusement plus efficace dans les milieux associatifs.

Car pour y avoir participé au jour le jour pendant ces années de catacombes, avoir essuyé affronts et humiliations la tête haute sous les quolibets et les crachats, fait la première gay pride sous une pluie de détritus, je peux vous résumer en un phrase la recette de la légalisation de l’homosexualité en France (et ailleurs).

Il s’agit simplement d’expurger tous les textes de lois de toutes les mentions, de toutes les références à l’homosexualité, de nettoyer à la pince à épiler tous les alinéas pervers et occultes des lois scélérates qui établissaient une différence entre l’hétéro et l’homosexualité.

Il ne s’agissait surtout pas de se faire concocter des textes sur mesure, des créneaux générateurs de ghettos, des enclaves communautaires, mais au contraire de réclamer l’égalité simple et plénière en se fondant dans la multitude et en réclamant d’être traités comme n’importe lequel des citoyens français.
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C’est d’ailleurs dans cet esprit que le peuple gay réclame le droit au mariage et à l’adoption. Très peu se marieront, très peu auront des enfants, et ceux qui en veulent les ont d’ailleurs déjà. Ce n’est pas tellement pour user de ces droits, mais bien davantage pour les posséder au nom de l’égalité républicaine.

Plus subtile a été la gestion des textes de loi prévoyant une pénalisation de l’homophobie. Là encore, il convenait de se glisser dans le traitement général des discriminations. Ce qui a été fait, puisque c’est la même loi qui vise aujourd’hui les agressions, les injures et les discriminations envers toutes les minorités exposées, englobant pèle mêle les caractères racistes, religieux, ethniques ou de préférences sexuelle des délits qu’elle réprime.

Maintenant que nous sommes redevenus incognito en tant que tels dans les textes de la loi, l’adoption du CUC, mariage spécifique réservé aux homosexuels nous réintroduirait en tant qu’exceptions, nous sortirait de notre transparence républicaine pour nous stigmatiser à nouveau comme une minorité passible d’un traitement particulier.

Ce CUC apparaît donc comme une régression manifeste sur le chemin de l’égalité républicaine pour laquelle les gays se battent depuis des décennies.
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C’est un retour en arrière tels que peuvent le souhaiter quelques esprits chagrins et rétrogrades proches du pouvoir, dont les discours homophobes sont encore aujourd’hui condamnés à ce titre par la justice, et qui ne rêvent que de mesures propres à nous stigmatiser, nous renvoyer dans nos ghettos, nos parcs à bestiaux et nos catacombes.

Sans compter que cela permettrait de recréer l’air de rien un fichier des homosexuels, supprimé en 1981, mais dont le rétablissement motive encore quelques nostalgiques du triangle rose qui rêvent toujours d’une société expurgée de tout ce qui ne leur ressemble pas.

Alors, que ce gouvernement nous donne le mariage et l’adoption de plein droit républicain, je ne l’en crois pas capable. D’ailleurs, il nous le refuse. Il est trop hanté de vieux démons réactionnaires et de religieux intégristes et/ou eugénistes. Qu’il améliore le PACS jusqu’à donner l’égalité matérielle, cela lui sera déjà difficile : 261 députés ne viennent-ils pas de signer une pétition s’opposant à toute extension des droits des gays et visant même à leur régression ?. La plupart d’entre eux sont considérés comme facilement rééligibles. La nouvelle représentation nationale ne sera pas progressiste.

Mais qu’il nous recolle un triangle rose version UMP en réintroduisant un texte spécifique aux homos alors qu’on a travaillé 40 ans à en purger les lois de ce pays, Non merci.



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