La télévision de
l'été est, comme d'habitude, une longue litanie de « best
of » et de rediffusions. Il n'y a que la redevance qui est
faite d'argent frais chaque mois avec les prélèvements sur nos comptes. Les
programmes, eux, sont trop souvent des vieux machins décongelés et
recongelés trente six fois, au plus grand mépris des règles
élémentaires de l'hygiène mentale.
Les gens de la télé,
eux, se paient couramment trois mois de vacances, interrompant leurs
émissions courant juin pour ne les reprendre que fin septembre.
C'est un peu comme au football : plus la saison est courte,
mieux les protagonistes sont payés.
De plus, il va
falloir maintenant vivre sans les Guignols de l'Info. Car on a beau
faire : les Guignols constituaient, par leur regard iconoclaste
sur la société et ceux qui la conduisent, une source de
« réinformation » quasiment indispensable aux foules
endormies par la cuisine anesthésiante des journaux télévisés.
Il y a
l'information. Les journaux télévisés nous ont apporté la
désinformation, les Guignols nous gratifiaient de « réinformation »,
appelant notre attention sur les coulisses des événements et les us
et abus de ceux qui les conçoivent. Cette nécessité a été tuée
dans l’œuf par ce monsieur Bolloré, sans doute une sorte de
Picsou qui, non content de se baigner dans le grisbi, trouve son
bien-être dans je ne sais quel pouvoir absolu assorti de perception
de dividendes, au contraire du commun des mortels pour qui le rire et
l'humour sont des remèdes indispensables.
Les quelques
censeurs qui approuvent ce massacre essaient d'expliquer qu'on pourra
toujours les regarder en clair sur internet. Oui, mais quels
Guignols, attendu qu'on a viré avec des pincettes les quatre auteurs, Lionel Dutemple, Julien Hervé, Philippe Mechelen et Benjamin Morgaine, dont la
cuisine irrévérencieuse donnait tout son sel à l'émission ?
Et pas une chaîne
qui a les c… de les recueillir...
Ce sont donc des
Guignols orphelins, recadrés, au cerveau lavé dans des séminaires
de grande bourgeoisie qui continueront ce que beaucoup de Français
regarderont dorénavant comme une imposture. Car il est des domaines
où les vessies restent préférables aux lanternes, c'est plus
drôle, mais ça, monsieur Boloré semble l'ignorer.
Le pire est que ce
grand naïf semble penser que ce recadrage, l'abolition de « l'esprit
Canal » et le licenciement des clowns va ramener à la chaîne
les abonnés disparus dans la nature. Cela commence plutôt mal si
j'en juge par le nombre de témoignages vus sur internet de gens qui
vont, en représailles, mettre fin à leur abonnement.
© Stephane de Sakutin, AFP
Non, ce qui tue les
chaînes payantes, et pas seulement Canal Plus, c'est la
multiplication des circuits médiatiques, le fait qu'on peut voir sur
internet n'importe quel match international dont la chaîne a acheté
les droits à grands frais, -il suffit d'aller sur une chaîne de
télévision du pays concerné. On n'enferme plus le contenu
médiatique dans une cage comme jadis un jeu vidéo dans une
cartouche.
Mais « chez
ces gens-là », on en est encore là : le téléspectateur
est tout à la fois une oie que l'on peut gaver jusqu'à plus soif,
une vache que l'on peut traire à merci et un mouton que l'on peut
tondre jusqu'au sang. Sans parler d'un gogo auquel on croit pouvoir
faire avaler n'importe quel discours de marketing assorti de
n'importe quelle censure dilué dans une bonne cuillerée de langue de
bois.
Certes, la société
se sépare inéluctablement en une petite caste de nantis qui ignore de plus
en plus une grande masse qui s’appauvrit, mais l'intelligence ne fait pas
partie de ces choses que les nantis peuvent accaparer et amonceler
dans les paradis fiscaux : elle reste présente et active des
deux côtés, au moins pour le moment, et avec ce genre de tentative
d’abêtissement comme la censure des Guignols, la ploutocratie ne
fait que précipiter l'insurrection qui vient.
Et il faut espérer
qu'elle viendra avant que Big Brother ait pris le pouvoir. Ce livre,
« L'insurrection qui vient » que la police veut
absolument attribuer au groupe de Tarnac , qui date de 2007, pose
les bases d'une révolte généralisée que chaque événement du
genre assassinat des Guignols contribue à précipiter. Et chaque
réforme de l'information, chaque tentative de censure le rend chaque
jour plus prémonitoire.
Tiens, regardez aux
Indes : on vient de passer une loi contre la pornographie, bloquant une liste de 857 sites dits pornographiques.
Or non seulement il
se trouve dans cette liste une bonne quantité de sites d'information,
de prophylaxie et d'associations pour le droit des femmes, contre l'homophobie, de lutte contre le sida, mais même
des sites qui se demandent ce qu'ils font là, comme celui du journal
français « Le Dauphiné Libéré » !
Plus fort :
Il existe 4,2
millions de sites pornographiques…
200 nouveaux sites
pornographiques sont créés tous les jours.En quatre jours, toute la censure indienne...
Il faut trente
minutes pour créer un « miroir » de site, une copie avec
un autre nom. Plus un site est interdit, plus son propriétaire va en
multiplier les miroirs…
C'est dire à quel
point la censure indienne est un pipi dans l'océan du web…
Tiens, parlons deux
minutes des journaux télévisés de l'été. Pour ma part, je
regarderais plutôt celui de France2, mais il semble maintenant aussi
contaminé que les autres.
Marre de voir la
famille Bidochon en vacances, poireauter dans les bouchons des
autoroutes, manger des sandwiches sur une aire d'autoroute, prendre
possession de son bungalow au camping. Martine à la plage, Martine
fait les courses, Martine donne son avis sur tout.
Ce n'est pas ça,
l'information : on s'en fout, des gens qui veulent passer à la
télé, neuf fois sur dix pour dire une connerie.
Pendant ce temps-là,
il y a la guerre un peu partout, on viole dans le silence des
milliers de femmes dans plein de pays pendant que les actus nous
servent depuis quatre jours le touche-pipi du vilain Comorien sur un
gamin qui, d'après ses propres dires, n'a rien remarqué d'étrange…
Arrêtons ça :
Le type est en prison depuis quatre jours, on en parle encore à
chaque journal, et pendant ce temps, on vend des femmes comme
esclaves, on les viole à qui mieux-mieux dans un consensus local
qu'il ne faut pas dénoncer ni bousculer parce qu'ils ont du pétrole
et achètent des avions…
Revenons à
l'information, la vraie.
Allez, rions un peu
pour finir. Entre deux énormités de Nadine Morano, à qui on consacre maintenant un bêtisier, Valérie
Pécresse compare Nicolas Sarkozy à Jésus. Si ça, ce n'est pas de
la pornographie…
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