Hier dimanche a été
inaugurée sur les Champs Elysées une nouvelle phase de la vision de
madame Hidalgo pour l’avenir de la capitale : la
piétonisation.
Si vous empruntez
aujourd’hui les voies sur berge rive droite entre les Tuileries et
la gare de Lyon, sachez que ce sont vos derniers tours de roue sur
cette voie si moderne et si pratique, qui permet de traverser tout
Paris d’ouest en est sans un seul feu rouge. Du moins qui le
permettait avant que la mairie, dans une crise d’allergie
automobile particulièrement aiguë, n’y installe en 2012 deux feux
rouges aussi coûteux qu’inutiles au niveau du pont Marie.
De tels projets sont
ineptes, et les arguments avancés pour leur mise en place aussi
contradictoires que mensongers.
Au niveau médiatique
d’abord : la télévision va interroger les piétons qui ont
envahi les Champs Elysées pour leur demander s’ils sont contents
d’être là…
Évidemment qu’ils
sont content d’être là, sans quoi ils ne seraient pas venus !
Ah la belle démonstration !
Pourquoi ne pas
interroger tous ceux qui sont restés coincés dans les bouchons aux
abords de ce ghetto piétonnier, et surtout les plus clairvoyants
qui, écœurés par cette discrimination, ne sont pas venus et ne
viendront plus ?
Les commerçants des
Champs Élysées se plaignent d’une baisse de fréquentation de
leurs échoppes…
Pourquoi ne
pose-t-on pas les bonnes questions, qui pourraient d’ailleurs
s’appliquer à bien d’autres quartiers de la capitale ?…
Il n’y a plus sur
cette avenue que des commerces de luxe, des marchands d’oripeaux de
grand prix et d’inutilités à la mode, et les rares terrasses de
café pratiquent des prix inabordables pour le titi parisien.
C’est le choix
desdits commerçants de viser une clientèle haut de gamme, mais il
faut bien qu’ils réalisent qu’il y a moins de riches que de
pauvres, que ce n’est pas la politique menée depuis quelques
décennies qui va redresser ce déséquilibre, et que ce n’est pas
non plus la préférence qu’ils accordent à une minorité de
nantis qui leur assurera la sympathie et le soutien de la population.
Pour avoir travaillé
près de trente ans sur les Champs Élysées avant l’an 2000, je me
souviens qu’il existait des commerces normaux, et que dans les cent
premiers mètres de toutes les rues adjacentes, on trouvait des
bistrots et restaurants tout aussi normaux, où même les salariés
pouvaient prendre leur repas de midi sans se ruiner. J’ai vu ces
commerces fermer un par un, laisser la place à des boutiques de
luxe, des succursales de marchands de fringues internationaux et de
marchands de bouffe industrielle.
Et après cela,
messieurs les commerçants s’étonnent que plus personne ne
fréquente leur Eldorado, et plutôt que de reconnaître leur faute,
rejettent sur l’automobile la responsabilité de cette
désaffection !
Ce qui revient à
dire que non seulement le bon peuple n’a plus les moyens de
s’offrir leurs services mais que bientôt, il ne pourra même plus
y venir de sa banlieue les jours d’ivresse pour claquer son
pécule...
Dans son argumentaire pour justifier la piétonisation des voies sur berge, madame le maire de
Paris avance que 57 % des Parisiens intra-muros, -ses électeurs
donc- sont favorables à ce projet.
Elle oublie de nous
dire que sa ville se dépeuple à toute vitesse, et qu’elle est
passée de 2 900 000 habitants en 1920 à 2 229 000 aujourd’hui.
Or ce ne sont pas
les Parisiens qui font vivre Paris, mais les habitants de la région,
et en piétonnisant sa cité, en cimentant sa tour d’ivoire, la
ville se coupe de la manne qui la fait vivre.
D’ailleurs, cette désaffection a déjà commencé : les grands magasins, les circuits de cinéma ouvrent des succursales en banlieue et Paris ne pourra bientôt plus compter que sur ses touristes pour subsister.
D’ailleurs, cette désaffection a déjà commencé : les grands magasins, les circuits de cinéma ouvrent des succursales en banlieue et Paris ne pourra bientôt plus compter que sur ses touristes pour subsister.
C’est une des
raisons (avec internet, je l’accorde), qui sonne le glas du Marais
comme dernier quartier gay. Et là, malheureusement, la banlieue
n’assure pas la relève…
A l’heure où on
découvre qu’il existe une clientèle gay, où merchandisers et
communicants conçoivent des publicités qui ciblent cette
clientèle, le Marais se désertifie : bars et librairies
ferment en série pour laisser la place à des marchands de fripes
coûteuses et de baskets fabriqués on ne sait où (par on ne sait
qui...), mais pourvu du précieux logo avec lequel il faut se
montrer.
Pour achever de se
convaincre de cette dévastation, regardons de près le nouveau Forum
des Halles dont on a inauguré la « Canopée » la semaine
dernière. J’en ai fait le tour. Au rez-de-chaussée, quelques
établissements de restauration vraiment pas artisanaux, une chaîne
d’articles de sport, des marchands de vêtements industriels et
d’accessoires ménagers haut de gamme… Rien de vraiment parisien…
Les touristes seront venus de loin à grands frais pour voir … la même chose que chez eux. Peut-être pire.
Les touristes seront venus de loin à grands frais pour voir … la même chose que chez eux. Peut-être pire.
Alors certes, une
grande majorité de touristes ne roule pas en voiture et utilisera
les métros plein d’escaliers, les bus aux arrêts introuvables et
les taxis malodorants… Paris deviendra une sorte de Disneyland que
les visiteurs parcourront comme un site archéologique, en
s’extasiant de découvrir qu’ici, jadis, vivaient des gens qui
avaient des métiers, des commerces artisanaux et des rues animées…
Rien n’y fera. Les
commerçants normaux (ceux qui ne font pas dans le luxe et ne vivent
pas de la manne touristique) crient au secours, mais la municipalité
se veut prête à adopter tous les signes de branchitude et à
copier toutes les modes bobos qui font déferler le troupeau de
touristes derrière un guide qui brandit son parapluie-étendard.
Adieu Paris, je
t’aimais bien. J’ai connu saint Germain des Prés, la fin de
l’époque du Flore et des établissements à visage humain, où on
croisait Charles Trenet, Marcel Carné, Hubert Deschamps, Juliette
Gréco, Jean Marais, Michel Foucault, Jean Paul Aron et quelques
autres à une époque où des hordes de sauvages ne se précipitaient
pas sur les artistes pour faire un selfie, également connu
Montparnasse avant les grandes démolitions, bref connu Paris.
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