Depuis deux jours,
radios et télés multiplient des « éditions spéciales »
sur l'accident de car de Puisseguin. Ce qui les oblige à un
insupportable rabâchage de banalités.
Oui, il y a eu un
accident épouvantable, une catastrophe routière. On n'aide sans
doute pas les proches des victimes à faire leur deuil en les
entourant de meutes de photographes crépitants et de journalistes
qui tendent des micros pour écouter leurs sanglots jusqu'à
l'épuisement. Ce n'est pas parce qu'il faut remplir des heures
d'antennes décrétées par « l'édition spéciale »
qu'il faut harceler ces braves gens déjà frappés par le destin.
Pourtant, c'est ce qu'on fait sans vergogne depuis deux jours...
Avant, quand il se
passait quelque chose, on montrait le quelque chose. Maintenant, on
interviewe jusqu'à plus soif le plouc qui a vu le plouc qui connaît
le voisin de celui à qui le ministre a serré la main.
Alors, quand on a
fini de les faire raconter leur misère, essoré la bonnette du micro
pleine de larmes, qu'on a passé trois fois l'allocution du préfet,
quatre fois celle du ministre, et également celles du procureur et
du maire, et du député du coin qui est venu fort opportunément montrer sa binette, que va-t-on dire pour remplir les heures d'antenne qui ne
supportent pas le vide ? Fallait pas faire d'édition spéciale,
mais les concurrents l'ont fait, alors on l'a fait aussi. Maintenant,
faut assumer.
La route ?
D'abord, elle ne parle pas, et elle pleure encore moins. Pas
médiatique. En plus, pas de chance, c'est une route de campagne
comme une autre, plutôt en bon état, bien signalée. Le car ?
Récent, en bon état. Zut…
Si : il y a
bien quelque chose qu'on pourrait dire, un problème qu'on pourrait
creuser, mais c’est défendu : ça pourrait faire de la peine
au lobby des routiers. Parce que les routiers, quand ils ne sont pas
contents, ils bloquent les routes, et que c'est très mauvais
pour les sondages avec les élections qui approchent.
Le car faisait un
trajet local, mais le camion ? Parti des Pyrénées, il
rentrait dans la région d'Alençon. Un parcours de plus de 700
kilomètres… Alors posons la question qui fâche : qu'est-ce
que le camion faisait sur une route de campagne alors qu'il aurait pu
prendre en toute sécurité l'autoroute toute proche ??? Mais
chuut ! L'information doit être rassurante, lénifiante,
fluide. Pas de cactus, pas de mise en cause. On met un lampiste en
cause à la rigueur, on sacrifie un bouc émissaire. Mais pas
l'Institution… Pas le système… Restons convenables, voyons.
Il se pourrait donc bien que
42 personnes aient perdu la vie pour qu'un routier puisse économiser
les deniers du péage….. Voilà, c'est dit, maintenant, on
défriche en cercles concentriques.
D'abord, le principe
même du péage : la sécurité pour les plus riches. N'étant
pas de ceux-là, et possédant une voiture hybride qui consomme très
peu en trajet conventionnel, je prends souvent les routes au lieu des
autoroutes. Et sur ces petites routes campagnardes, que j'aime aussi
pour leur charme, on trouve des cohortes, des colonnes, des armées
de camions étrangers, des machins pleins de roues à long rayon
d'action, portugais, espagnols, allemands, tchèques, lituaniens,
ukrainiens, bulgares, qui roulent à tombeau ouvert pour faire leur
voyage sans payer l'autoroute. Plusieurs fois, je me suis retrouvé
avec deux roues dans l'herbe pour éviter un monstre qui fondait sur
moi en engloutissant la route sur toute sa largeur.
Alors
questions:
Pourquoi la voie
publique n'est-elle pas gratuite partout ? Les camions
emprunteraient l'autoroute par facilité et n'écraseraient plus les
petites autos et les usagers locaux.
Si l'autoroute doit
absolument être payant, pour que les financiers qui nous gouvernent
puissent s'enrichir au-delà du nécessaire, pourquoi son usage
n'est-il pas obligatoire pour les camions « voyageurs »
qui font de longs trajets ? (90 % d'entre eux…).
Interdire les petites routes aux gros camions. Trop logique pour être envisageable? Encore cette allergie de la technocratie pour la logique?
Interdire les petites routes aux gros camions. Trop logique pour être envisageable? Encore cette allergie de la technocratie pour la logique?
Et enfin pourquoi
continue-t-on à tolérer que les camions roulent si vite, alors
qu'on ne peut pas faire un jour de route sans en voir un plié en
portefeuille en travers de la route, ou versé dans le fossé, bien
heureux s'il n'a pas écrasé quelques petits usagers en terminant sa
course ?
Là, il y aurait de
quoi faire une édition spéciale. Mais nos édiles seraient bien
embêtés pour répondre. C'est plus facile de prodiguer des
condoléances que de s'attaquer aux problèmes qui fâchent. Les
routiers, ça bloque les routes, et de plus en plus dans ce pays,
quand on casse et qu'on bloque les routes, on obtient satisfaction.
Au point que parfois, une simple menace…
Circulez braves
gens, il n'y a rien à voir, que des chapelles ardentes, des
cérémonies familiales livrées à la diffusion nationale, des
chagrins privés étalés sur la place publique, des autos
écrabouillées, des discours de circonstance. L'information, quoi.
Les vrais problèmes
ce sera pour une autre fois.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire