Comment ne pas se
sentir mal à l'aise en voyant à la télé ces cohortes de réfugiés,
avec vieillards, femmes et enfants, marcher dans la poussière ou
sous la pluie le long d'improbables routes, à travers champs ou sur
des voies ferrées, poussés en avant par la fureur des
bombardements, coincés entre l'apocalypse qui les talonne et la
haine des gros cons qui les harcèlent tout au long de leur chemin.
Je me sens mal. Je
n'ose plus regarder les informations, me plaindre de mes petits bobos
et des inconvénients de la pluie qui me retient d'aller acheter le
pain. Puis, le malaise laisse la place à la haine, la haine pour
tous ceux qui les persécutent. Pour les Hongrois, dont plus de deux
cent mille se jetèrent pourtant sur les routes de l'exode en
novembre 1956 lorsque les chars russes envahirent Budapest. Ont-ils
déjà oublié ? Nulle part, ils ne furent repoussés. Plus de
cent mille furent accueillis en Autriche, le reste se répartissant
sur toute la planète. Nous, en France, on a hérité des Sarkozy. Je
ne sais pas si on a vraiment fait une affaire, mais on l'a fait.
Même les USA qui
refusèrent dix ans plus tôt d'accueillir les Juifs fuyant le nazisme, acceptèrent
d'héberger les Hongrois qui parvinrent jusque chez eux. Des victimes des
communistes, quelle aubaine pour la propagande de l'Oncle Sam !
L’histoire, - et
c'est là qu'on voit à quel point elle est imprégnée d'américanisme-, nous
enseigne donc qu'il vaut mieux avoir les communistes au cul que les fachos ou les
fous d'allah.
Je me souviens d'un
voyage en Hongrie que j'ai fait, dans les années 70, en voiture, de
ville en ville, en touriste aventureux. A l'époque, le pays était
sous la férule communiste, et cela se sentait. Chaque fois que nous
débarquions dans une auberge de campagne, une berline sombre qui
nous suivait souvent venait stationner au coin de la rue.
L'aubergiste enregistrait nos passeports et nos numéros de visa.
Puis, il téléphonait. Je suis obligé, nous disait-il sans parler,
en nous adressant un regard de chien battu. Ils en chiaient, les
pauvres Hongrois.

Quand je vois
comment ils sont devenus fachos et arrogants aujourd’hui, j'ai du
mal à imaginer que c'est ce peuple qui me réserva hier un accueil
si chaleureux. On oublie vite. J'ai envie de prendre un Slovaque pour
taper sur un Hongrois quand je vois leurs nervis frapper des familles
de réfugiés, les poursuivre dans les champs, les parquer derrière
des barbelés.

Justement, à propos
de Sarkozy et de la légende urbaine qui court à propos de ses
nobles origines, des historiens ont fait des recherches sérieuses,
qu'ils ont publiées dans le Monde.
On apprend que la
saga familiale ressemble plus à du Zola qu'aux chroniques de
l'Olympe, et que son père, avant lui, possédait un talent certain
pour prendre en marche le train des nantis. Mais bon, on médit, on
médit, réveillons-nous : Où ai-je rangé mes pavés de 68 ?
Ce que c'est, tout de même, de vivre sans domestiques, faut tout
faire soi-même.

Là, on se perd en
conjectures. Deux solutions : soit monsieur Dassault croit au
Père Fouettard et prend à la lettre tout ce qu'on lui dit comme un
enfant gâté tancé par sa nounou, soit il n'est pas si naïf qu'il
en a l'air, mais il croit que nous, nous le sommes, et qu'on va
croire à ses terreurs infantiles.
On notera que j'ai
écrit « prend à la lettre » parce que je n'ai pas osé
« prend pour argent comptant » à son propos.
Bon, allez. Ça va
être l'heure du journal télévisé. Je vais aller voir cette foule
de malheureux camper dans la poussière, implorer le plus élémentaire
humanisme, et se heurter aux terminators dont les casques ne
protègent que des têtes vides et aux bureaucrates auxquels les ordinateurs tiennent lieu de cœur et de cerveau.
Avec le sentiment
qu'au delà de cet humanisme que nous devons à tous ces gens comme
nous et qu'on nous empêche de prodiguer suivant notre cœur, les
Allemands font, comme d'habitude quand il s'agit de faire des
affaires, le bon choix : tous ces médecins qui manquent dans
nos campagnes et dans nos hôpitaux, tous ces ingénieurs qui font
défaut dans nos laboratoires, tous ces techniciens que recherchent
notre industrie et nos chantiers, tous ces travailleurs potentiels
qui pourraient payer des impôts et nos retraites, ils sont là-bas,
dans la boue derrière les barbelés, avec leurs femmes et leurs
enfants en pleurs. Les faire venir, c'est au-delà de l’humanisme
le plus élémentaire, une excellente affaire. Et c'est l'Allemagne
qui est en train de faire cette bonne affaire.
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