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L'Amérique est et reste le pays du meilleur et du pire, et aussi souvent de l'incompréhensible. Ainsi pourquoi Harvey Milk, de Gus van Sant a-t-il reçu l'oscar du meilleur scénario alors qu'il n'en possède justement pas? Le film raconte avec une précision d'historien les faits et gestes réels d'un homme peu connu jusqu'ici, mais à qui les gays du monde entier doivent pourtant beaucoup, puisque d'aucuns le surnomment « le Martin Luther King » des homosexuels. Le générique de fin montre d'ailleurs en parallèle le portrait des vrais personnages de l'histoire, confirmant le caractère scrupuleusement historique du récit.
Sean Penn a également reçu pour ce film l'oscar du meilleur acteur, ce que personne ne lui disputera attendu qu'il « vit » son personnage avec une conviction qui transporte le spectateur. On aurait juste aimé qu'il le partage avec les comédiens qui l'entourent. On partage bien les grandes causes, pourquoi pas les hommages qu'on leur fait?
L'homosexualité possédait -et compte encore dans beaucoup de pays et même parfois chez nous-, de nombreux martyres anonymes, mais elle n'avait pas son héros. Justice nous est rendue, en tout cas, par ce film enthousiasmant, construit comme une épopée, qui raconte avec simplicité et modestie la vie et la trajectoire percutante d'un grand bonhomme trop méconnu.
L'histoire de l'homosexualité est étroitement mêlée à celle de sa persécution. Si le mot « homophobie » est récent, la notion et le concept en sont vieux -peut-être pas comme le monde-, mais au moins autant que les religions monothéistes. Le creuset américain offrait les espaces de libertés propices tout à la fois à de scandaleuses persécutions et à une révolte spectaculaire.
On se scandalise aujourd'hui devant les persécutions des homosexuels et leur mises à l'index -voire au pilori physique ou social- qui se pratiquent dans certains pays. C'est oublier que dans la patrie du « gendarme du monde », il y a à peine quarante ans, la police appelait journalistes et caméras pour faire des rafles dans des bars gay, et que c'est sur ces images d'actualités en noir et blanc où des malheureux se cachent le visage pour ne pas être reconnus que s'ouvre le film.
Les auteurs sont magnanimes, ils auraient pu faire plus sévère: au pays du lynchage et des armes à feu, les crimes homophobes étaient et sont encore légion, et on débat encore du caractère aggravant des motivations homophobes...Ils auraient pu montrer bien pire. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Matthew_Shepard)
Brokeback Mountain nous donne un bel exemple de lynchage impuni... et la liberté d'expression mal comprise qui permet là-bas à des Vanneste de dégoiser librement envenime à souhait la défense des droits fondamentaux.
Hymne aux droits de l'homme et ode à la liberté, le film comme son héros font bien la différence entre libertarisme et défense des libertés. Jamais Harvey Milk ne parle de renverser quelque valeur que ce soit. Il se contente d'exiger une place dans la société pour les citoyens différents, simplement au nom de l'article de la Constitution du pays qui garantit les libertés individuelles de chaque citoyen.
C'est cette quête d'intégration réussie qui le conduira aux marches du pouvoir. Le film démonte méticuleusement les alliances et déclics politiques qui le mèneront à la gloire, puis à sa perte. Il dénoncé sans malice particulière les tantes honteuses qui font profession d'homophobie, les arrivistes politiques qui défendent des causes auxquelles ils ne croient pas pour se faire une place au soleil. Paradoxalement, l'homophobie ne semble pas le moteur principal de son meurtrier.
Il y a peu de telmps, dans mon billet n° 231:
http://brethmas.blogspot.com/2009/02/231-le-ton-monte.html
j'ai montré une vidéo d'Anita Bryant, la madone des homophobes, se faisant entarter. J'ignorais alors qu'elle était l'opposante médiatique de Harvey Milk. On la voit beaucoup dans le film débiter ses salades et incarner cette bourgeoisie américaine puritaine qui tire toute les ficelles et manie la langue de bois sans qu'aucun journaliste bien élevé n'ose jamais lui poser les bonnes questions. Comme on entend souvent dire aux interviewés de Religolo:
http://brethmas.blogspot.com/2009/01/228-religolo-religulous-un-film.html
"On ne parle pas contre dieu"... Voilà qui simplifie beaucoup les débats...
Le vent de liberté victorieuse qui souffle dans la salle, les interprétations, pas seulement de Sean Penn, mais de toute son « équipe », le montage stratégique du film en épopée qui enfle au fil des bobines, l'égrégore que le héros tisse autour de lui avec un charisme qui déborde de l'écran transportent un public qui ne m'a pourtant pas paru particulièrement composé d'homosexuels. En attendant derrière la porte de la salle, j'ai entendu applaudir la séance précédente. Le générique de « ma » séance est également apparu sous les applaudissements.
« Ils applaudissent à chaque séance » m'a confirmé le personnel du cinéma.
Les homosexuels ont enfin un héros. Pas un superman ni un turbojusticier. Un homme simple et pétri de convictions qui connaît les souffrances des adolescents, voudrait prévenir leur suicide, - le film en parle avec justesse-, leur garantir un droit au bonheur, consacre sa vie aux droits des citoyens et à la liberté avec la simplicité des grands hommes, veut offrir la joie de vivre à chacun, dégrippe les rouages rouillés de la démocratie pour lui rendre son panache et laisse sa vie dans le cyclone d'intégrité qu'il provoque.
Un vent de liberté, d'humanisme et de démocratie à faire souffler dans les écoles.
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