vendredi 24 août 2007

115° .HAIRSPRAY, divorce dans le cinéma parisien, concert tchèque et quelques sarkonneries d’été.

Après cette pause estivale, la rentrée cinématographique nous apporte mon morceau préféré, une comédie musicale, ou plutôt un remake de comédie musicale, Hairspray.

http://www.hairspraymovie.com/

Pour percevoir ce film au-delà des apparences, il faut faire un peu d’histoire. Retourner dans les banlieues de Baltimore dans les années 60, c’est là que tout commence. Un jeune homme de bonne famille, révolté par une éducation catholique « à l’américaine », claque la porte de chez lui à 16 ans, s’achète une caméra et décide qu’il fera du cinéma. C’est John Waters, né en 1946, dont le premier film, tourné en 16mm, « Pink Flamingos » deviendra un film-culte, le rendra célèbre à l’âge de 23 ans, et sera immédiatement intégré à la cinémathèque du Musée d’Art Moderne de New York !

John Waters a un ami d’enfance et de collège, Harris Glenn Milstead, connu sous le nom de scène de « Divine », énorme travesti qui joue avec « finesse » sur la vulgarité et le trash, avec lequel il tournera « Female Trouble », « Polyester » et « Hairspray » première version.

Pour la petite histoire, Divine fait une carrière appréciable de comédien de théâtre à Broadway, où on lui donne des rôles correspondants à son physique d’exception. Mais c’est l’époque de l’outrance et de l’émergence de l’underground, le travail ne manque pas et la célébrité vient vite. Dans son dernier film, « Trouble in mind » , Divine jouera un rôle d’homme non travesti. Il décède en 1988 d’une apnée dans son sommeil, sans doute due à son obésité.

John Waters, très affecté par le décès de « sa muse » et ami d’enfance, continue une carrière aussi brillante que peu conventionnelle. Cultivant avec talent le mauvais goût le plus exquis et marchant délibérément hors des sentiers conventionnels du cinéma, il change un peu son fusil d’épaule et révèle Johnny Depp dans « Cry Baby » en 1989. En 1990, il devient « hollywoodien », écrit, interprète et réalise différents films dont le dernier "Dirty Shame" (Comédie gonflée) sort en France en juin 2005.

Mais John Waters n’oublie pas sa période hippy, trash et son ami disparu Divine. Lorsque Shankman lui parle d’un remake de « Hairspray », il collabore immédiatement. Refaire de ce film d’ado un grand machin hollywoodien est une gageure : plus question de faire manger à Divine les crottes de son caniche comme dans la première version !

Par contre, Waters exige que les messages et revendications de l’œuvre originale soient sauvegardés : lutte contre le racisme et toutes les discriminations. En particulier le « racisme » « anti gros » qui commençait alors aux USA à une époque où 30% de la population n’était pas obèse, et dont Waters, sans doute au titre de son goût d’homme filiforme pour les partenaires des deux sexes « bien en chair », fait son cheval de bataille.

L’apparente naïveté de Hairspray est donc due à cette plongée dans l’histoire et à ce respect des normes originales. Aussi à l’humour acide de l’auteur qui mélange incongruité et naturel avec une insouciance d’apprenti chimiste.

Nous voilà donc plongés dans les coulisses d’une télévision de Baltimore des années 60, où une émission de variétés qui fait trépider toute la ville est faite par et pour les blancs sveltes et « bcbg », avec une dérogation mensuelle pour le « negro day » , une soirée consacrée aux noirs qui représentent pourtant 40% de la population.

On y voit de manière cinglante le dégoût pour les piscines « mixtes » (comprenez « mixité raciale, et non pas sexuelle », les school bus et pistes de danse divisés en deux par des barrières, et la salle de colle des noirs et la salle de colle des blancs bien distinctes au collège.

Dans ce petit monde tranquille surgit une petite brune grassouillette qui chante et danse mieux que tout le monde et qui, comble du scandale, lutte pour l’intégration. C’est sur les gags simplistes créés par ce trublion que se construit un film qui ne devrait pas être jugé sur sa naïveté. C’est un paradis pour les amateurs de musique des 60, de twist et rock naissants, un festival de chorégraphie de très haut niveau, et une avalanche de dollars recrée les rues de Baltimore de l’époque, avec magasins, voitures et même tramways ressortis de quelque musée.

Le rôle clé de la petite brunette grassouillette qui tient le film à bout de bras mais n’apparaît qu’au quinzième rang du générique est tenu par une « Nicole Blonsky » dont à mon avis, on reparlera. John Travolta reprend le rôle de Divine, la pachydermique maman d’icelle, et c’est sans doute le moins crédible du lot. On y trouve par contre avec plaisir « Queen Latifah » la « matrone » du « Chicago » de Rob Marshall, bien connue pour ses apparitions dans les Scary Movies, et célèbre chanteuse de blues à ses heures.

Pourquoi « Hairspray » qui milite contre le racisme et l’exclusion des gros omet-il de dénoncer l’homophobie ? Sans doute parce que pour son auteur initial, John Waters, elle n’existait pas…. L’homosexualité doit être pour lui si naturelle, (bien que non exclusive) surtout affrontée derrière les 150 kg de Divine…

Puisqu’on est dans la musique, deux mots d’un concert surprenant auquel j’ai assisté à Prague. Prague est une des rares villes du monde, peut-être la seule, où les églises ne servent pas de lieux de culte, mais de salles de concerts. Si on ajoute à cela un bon nombre de salles de concert « spécifiques », Prague, par son offre musicale, est le rendez-vous des mélomanes comme Paris est le rendez-vous des cinéphiles. Si vous circulez en tram ou en métro entre 18 et 23 heures, il faut frayer votre chemin entre les musiciens qui vont d’un concert à l’autre, et dont les étuis à instruments encombrent les wagons. Je me suis déjà trouvé dans un tram avec trois contrebassistes et une volée de violonistes, ça prend de la place !

Ayant déjà goûté à tout Dvorjak et une bonne partie de Mozart, que les musiciens tchèques se sont quasiment appropriés, j’ai décidé de corser la situation, et pris un billet pour un concert de musique américaine du 20° siècle qui se déroule dans la petite salle de la « maison municipale », curiosité architecturale dont les restaurants, les halls et coursives, les décorations de Mucha et surtout la grande salle, le « Smatana hall », valent la visite.

Première surprise : pour un programme qui comprend du Gershwin, du Bernstein et du Kern, la scène ne comporte que six pupitres, et un infâme piano droit, tourné vers le mur, dit déjà qu’il ne servira pas. Entrent effectivement un sextuor, composé d’un trompettiste et d’un quintet à cordes, deux violons, un alto, un violoncelle et une contrebasse.

Avant la première note, je me dis qu’affronter Gershwin sans piano et sans batterie, qui sont les charnières du rythme des années 30 est une bien étrange gageure… Nos « bohémiens » vont s’en accommoder à leur manière. La prestation débute un peu difficilement avec le quintet de West Side Story, morceau musicalement ardu, attaqué sur un tempo trop lent, et dont le rythme marqué par la basse et le violoncelle, a quelques accents bavarois… Pour une adaptation, c’est une adaptation, qui ne me satisfait guère même si les harmonies de l’ensemble sont riches et profondes.

Suit un Américain à Paris, dont le célèbre solo de trompette, malgré la présence du musicien adéquat, est interprété par… le premier violon, une jeune fille de grand talent, et c’est là que tout s’éveille. Ces braves gens avaient besoin de « chauffer » un peu. La partition s’enrichit de quelques guirlandes improvisées de ces délicates fioritures de violon hybrides au jazz et à la musique slave. Le rythme s’accélère, la lourdeur s’envole, et c’est quasiment une version tzigane du Summertime de Porgy and Bess qui est proposée à nos oreilles étonnées. Le « I’ve Got Rythm » paraît bien étrange, mais si on oublie la version cinématographique que nous connaissons le mieux, celle de Sammy Davis Jr, force est de constater que la formidable qualité musicale de l’ensemble rend la chose plus que digeste. Là où les jazzmen se retrouvent sur le rythme, les slaves se rejoignent sur les harmonies et l’orchestration. Ce n’est plus vraiment du jazz, mais c’est une musique qui s’écoute avec grand plaisir.

Smoke gets in your eyes sera le moins réussi du lot. Deux chansons de My Fair Lady seront les morceaux qui passent le mieux, l’orchestration originale laissant plus de place aux cordes qu’aux cuivres, contrairement à « la norme américaine ».

Bref, ce concert est une belle illustration de l’universalité de la musique.

Puisque nous parlons de concert, et que la musique est universelle, mentionnons dans un tout autre domaine celui que Doc Gynéco a voulu donner au bord du Lac de Genève au début du mois. Il a fallu l’interrompre parce que le public conspuait le chanteur pour son adhésion au sarkosystème, le traitant de facho et de collabo. Deux personnes ont été arrêtées pour jet de projectiles, et c’était.. deux Suisses. Il n’y a pas que la musique qui est universelle, certaines valeurs le sont aussi.

La presse s’est gaussée des bouderies de Cécilia lors des vacances américaines de notre président Duracell. Elle n’a pas manqué de mentionner par ailleurs la présence de Rachida Dati lors de ces vacances familiales. Il ne reste plus qu’au lecteur médisant à établir un rapport entre les humeurs de Cécilia et la présence quasi-permanente de la jeune ministre dans le proche entourage du président. Mais nous nous garderons bien d’être des lecteurs médisants…

Et enfin, même en jouant sur les mots, je ne vois pas pourquoi ladite Cécilia aurait participé à l’épisode de la libération des infirmières de Tripoli, mais serait dispensée de répondre à la commission parlementaire constituée sur le sujet. Si son statut de « non élue » l’empêche d’être auditionnée par cette commission, à quel titre a-t-elle bien pu participer aux négociations ? Ce régime est un nid de couleuvres.

Les propriétaires immobiliers sont les grands bénéficiaires d’une série de mesures votées avec tant d’empressement que le Conseil Constitutionnel en a foudroyé une en plein vol. Aussi sec, une « mesure compensatoire » voit le jour.

Et le tour des locataires, il vient quand ?

Dans mon article n° 97, j’exposais le différent qui opposait Europalaces (l’entité cinémas Gaumont – Cinémas Pathé) à MK2 à propos de l’étrange et soudaine attribution de la gestion des cinémas Beaugrenelle à Europalaces, cinémas exploités depuis leur création par MK2.

Le divorce est consommé, mais les dégâts collatéraux sont importants. Il y a eu renversement d’alliances dans les GIE qui gèrent les deux cartes permanentes concurrentes, la Carte Le Pass et la carte UGC. Le « mauvais caractère » d’Europalaces, créé en 2001, commence à « porter ses fruits amers ». Remarqué pour sa sévérité dans différents domaines allant de la gestion du personnel aux accords de programmation, Europalaces semble maintenant rejeté par l'ensemble du cinéma français et ne plus devoir sa crédibilité qu’à ce qui lui reste de poids. Le capital « sympathie corporative » est effondré.

L’ensemble des cinémas parisiens associés à Europalaces dans la Carte « Le Pass », à savoir les 11 salles MK2 et les 26 Cinémas Indépendants divorcent du Pass pour s’allier à l’ennemi héréditaire UGC. Si ces grandes manœuvres ne changent pas grand-chose à la vie du cinéphile de province, elles bouleversent par contre le paysage du cinéphile parisien. Il n’y a en effet plus moyen de voir des films de répertoire et de cinémathèque avec une carte Le Pass.

Seul contre tous, Europalaces offre un parc de salles parisiennes en bon état, certes, mais cantonnées à une programmation standard. A prix égal, l’offre n’est plus concurrentielle au regard de la programmation offerte par la nouvelle entité UGC + MK2 + Cinémas Indépendants..

En effet, si vous voulez voir autre chose que le ruban à grand public, il faut changer de carte et suivre dans leurs pérégrinations MK2 et les Indépendants qui assurent la diffusion des perles rares et satisfont la gourmandise du cinéphile. Si votre carte LePass a plus d’un an, il faut en démissionner par lettre recommandée avec accusé de réception avant le 31 août pour être dispensé du droit d’entrée (30€) à la nouvelle carte UGC élargie accessible dès le 5 septembre. (Il y aura sans doute des arrangements…) Si votre carte Le Pass a moins d’un an, vous ferez cette opération à l’issue de votre période incompressible d’abonnement. (un an je crois). En attendant, si je comprends bien, vous accèderez toujours aux salles MK2 et Indépendants. En tout cas, ne restez pas là sans rien faire. Les cinéphiles quittent le navire Europalaces.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est dans Pink Flamingos, et non dans Hairspray que Divine mange une crotte de chien ("Lorsque Shankman lui parle d’un remake de « Hairspray », il collabore immédiatement. Refaire de ce film d’ado un grand machin hollywoodien est une gageure : plus question de faire manger à Divine les crottes de son caniche comme dans la première version !")

Jacques de Brethmas a dit…

Exact! Comme j'ai vu tout ces films à l'époque réunis dans un festival Waters, et qu'ils ont tous Divine comme "fil" conducteur, je les mélange un peu. Honoré d'être lu par un connaisseur !