jeudi 22 octobre 2020

593° Où va le débat public ?

L’omniprésence des opinions qui se prennent pour de l'érudition a rendu le débat public cacophonique et même nauséabond.

Avant, quand un mal élevé déblatérait sa haine au bistrot du coin, sa logorrhée n’allait pas au delà du bout du comptoir.

Il y avait bien quelques publications intolérantes, mais elles étaient connues comme telles, et leur consultation était le fruit d’une acquisition volontaire et réfléchie.

Aujourd’hui, n’importe quel clampin pourvu de deux doigts et d’un ordinateur, voire d’un téléphone, peut répandre son ignorance et surtout son obscurantisme aux quatre coins de la planète.

Et n’importe quel autre brave type qui ouvre son ordinateur reçoit en pleine figure ces divagations dont certaines ne sont rien d’autre que de l’endoctrinement déguisé.

Nous sommes à l’heure des « experts » : toutes les radios, tous les médias, rivalisent d’imagination pour trouver, selon la cata du jour, des experts en tout, et surtout en rien. On entend le même jour la chose et son contraire sur la religion, le terrorisme, les virus, l’écologie, le social.


Même les bonimenteurs du web et autres influenceurs (le mot est explicite) s’érigent en détenteurs de certitudes et de vérités sur des sujets qui sortent souvent dramatiquement de l’univers des soins du visage, de la fripe à la mode et du détachage des vêtements.

On ne sait plus comment expurger les « réseaux sociaux » des incitations à la haine, des complots loufoques mais dangereux, des mensonges déguisés en information.


Même nos ministres prennent leurs convictions populistes pour de l’érudition, et du haut de je ne sais quelle imposture monarchique, prétendent nous les enseigner, à nous pauvres sujets supposés ignares.

Prenez Darmanin, qui après avoir soutenu la manif pour tous, est devenu par la grâce du dérapage droitiste du président, ministre de l’intérieur…

Et le voilà qui oublie ses origines pour essayer de nous braquer contre celles des autres…

Le voilà qui, hanté par ce qu’il appelle « le séparatisme », voit presque un complot dans l’acharnement  des grandes surfaces à proposer à leurs clients ce qu’ils ont envie d’acheter.

Les rayons halal et cacher l’agacent… Il ne les comprend pas. Il appelle cela « de la cuisine communautaire ».

 

 
Et ce, malgré les explications. Même Richard Ferrand, dont je ne suis pourtant pas un inconditionnel, le reprend sans ménagements au micro de Bourdin, sur BFM TV,  Auchan le mouche en expliquant que proposer des « cuisines spécifiques», cela relève plutôt de l’intégration et lui semble tout le contraire du communautarisme, et Michel-Édouard Leclerc commente d’un tweet très sec que « cela pue la manipulation ».

Pour « Kerets », distributeur de produits casher pour les supermarchés non-casher, « c’est un non-sens, cela communautarise encore plus d’aller dans des épiceries spécialisées ».

Voilà notre ministre rhabillé pour l’hiver. Sortira-t- les LBD pour se faire entendre ?

Car il faut bien le dire, notre débat public devient une cour des miracles puante. Les déclarations vraiment républicaines n’y sont plus que des oasis de salubrité, alors que cela devrait être le contraire.


Les réseaux sociaux sont si bien manipulés par les bonimenteurs de toutes sortes qu’un excité du jihad, avec quelques mensonges et quelques sous-entendus foireux, arrive à transformer un simple d’esprit en tueur à gages…


Le problème d’internet, c’est que solutions et dérives y sont si étroitement mêlées qu’on ne voit pas très bien comment on va séparer le bon grain de l’ivraie. Il est très facile pour un imprécateur ou pour son éditeur de se réfugier à des adresses à l’étranger, voire carrément virtuelles, pour échapper à l’application de la loi républicaine.

C’est comme dans tous les trafics : les petits dealers se font prendre, mais les gros bonnets, réfugiés dans leurs citadelles, restent hors de portée..

Jusqu’où allons nous déraper ? L’exemple venu d’ailleurs ne contribue pas à redresser le tir : entre les délires de Donald Trump institués en information, la contestation systématique de tout ce qui ne convient pas à la propagande, la chasse aux journalistes, -aux vrais – ouverte dans bon nombre de pays, l’avenir n’est pas au beau fixe.

La révolution qui s’impose n’est pas seulement sociale : elle est globale. Et comme on a besoin pour la faire de moyens de communication qui sont de plus en plus gangrenés, voire assujettis au côté obscur, plus elle semble indispensable, et plus elle paraît s’éloigner et nous exposer à des remèdes pires que le mal.


La boîte aux idées est ouverte..




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