mercredi 9 mai 2018

565° Chronique de l’ignominie ordinaire. Chapitre 1







« Le colonel Beltrame, il est mort parce que la France, ce sont des idées, des valeurs, quelque chose d’une guerre qui le dépasse.
Les gens qui pensent que la France, c’est une espèce de syndic de copropriété où il faudrait défendre un modèle social qui ne sale plus, (sic) une République dont on ne connaît plus l’odeur et des principes qu’il fait bien d’évoquer parce qu’on s’est habitué à eux et qu’on invoque la tragédie dès qu’il faut réformer ceci ou cela, et qui pensent que, en quelque sorte, le summum de la lutte, c’est les 50 euros d’APL, ces gens-là ne savent pas ce que c’est que l’histoire de notre pays. L’histoire de notre pays, c’est une histoire d’absolu. »

Emmanuel Macron, France 3, 7 mai 2018



On l’appelait déjà « le président des riches », voire « le méprisant de la république ».
Parce qu’on est poli.

Jusqu’à maintenant, on pensait que l’outrance, l’arrogance et le mépris étaient le fait de quelques chefs d’états étrangers, bien loin de nous, qu’on voyait à la télévision dans la catégorie monstres de foire.

On se disait qu’on avait bien de la chance de vivre dans notre bel hexagone, même si quelques déclarations d’édiles, ça et là, éclataient à la surface du lac comme autant de bulles de pestilence et présageaient d’une possible contamination par la corruption politicienne.

Et puis voilà, la grenouille veut se faire aussi grosse que le bœuf, et en attendant qu’elle n’explose, on doit subir.

On ne sait plus par où commencer pour conjurer l’infâme bricolage idéologique de ce discours, nettoyer le parquet du forum républicain de cette effroyable diarrhée dialectique, et prier l’imprécateur d’aller dorénavant faire ça dans les chiottes avec la porte fermée s’il lui reprend l’envie d’exprimer le fond de sa pensée.

D’abord, l’ignominie qui consiste à mêler l’acte héroïque d’un soldat à la contestation des pauvres qui demandent justice et équité.

Si on pouvait établir un lien logique entre ces faits, ce serait exactement dans le sens inverse de celui où Macron l’a fait. Tel qu’il l’exprime, il salit la mémoire de ce brave colonel et méprise des gens qui ne bouclent plus leurs fins de mois.

Si la pensée présidentielle n’était pas à ce point dévoyée, il aurait compris que si d’héroïques combattants avaient donné leur vie pour le Pays, c’était justement pour que les Français puissent y vivre dans la liberté, l’indépendance et la suffisance de moyens matériels.

Créer une rupture de valeurs entre les hautes vertus républicaines et d’honnêtes - mais pauvres - citoyens qui crient famine, c’est une position scandaleuse qui mérite d’être analysée.

C'est justement au nom des "hautes valeurs républicaines" qu'il faut accéder à la demande de dignité des défavorisés. Ce n'est pas d'une rupture, mais d'un lien dont on a besoin ici.

Deux possibilités :

Soit le président vit dans une bulle dorée et ignore complètement qu’un grand nombre de ses concitoyens est à 50€ près – et même à 10 -, auquel cas il est mal informé et donc inapte à être le président de « tous les Français ».

Soit, -autre option - il est parfaitement conscient et cynique et pose les bases de ce qu’il voudrait voir devenir une nouvelle idéologie "républicaine", un peu comme dans 1984 où Big Brother trie le vocabulaire et réorganise la langue pour qu’une nouvelle forme de pensée devienne la bible d’un pays artificiel.

Vous voyez une troisième solution ? Le débat est ouvert dans les commentaires, que je publie toujours s’ils ne sont pas insultants.

La France n’est pas un pré carré où la finance va organiser la vie autour de ses profits, c’est un peuple lié par des valeurs, - justement -, qui figurent au fronton de ses édifices : « Liberté, égalité, fraternité ».

La liberté, c’est celle de tous, et pas seulement des « premiers de cordée », qui ne sont d’ailleurs premiers de rien du tout s’ils n’emmènent personne à leur suite vers le haut sur la voie du progrès, c’est aussi la France des modestes et des sans-diplômes, qui ne sont pas des « riens » comme l’a déjà proféré le vizir de l’Elysée, ainsi que je l’ai déjà relevé il y a bientôt un an.


 
L’égalité, c’est de reconnaître que la « valeur » d’un citoyen ne se mesure pas à ce qu’il « produit », mais éventuellement à « ce qu’il a produit » (les retraités), et même simplement à ce qu’il apporte en existant, en faisant valoir son simple droit à la dignité. (SDF, chômeurs, migrants)….

Et la fraternité, la grande oubliée de ces dirigeants qui se comportent en « faux frères » et ne s’intéressent qu’à leur caste, il faudrait en brandir les pancartes en tête de tous les défilés.

Même certains chefs d’entreprise commencent à croire qu’il y a « l’entreprise » et eux, à la rigueur quelques collaborateurs dont ils s’assurent à grands frais le dévouement aveugle, et personne d’autre. Les salaires des esclaves diminuent alors même qu’augmentent leurs primes, salaires, dividendes et autre prébendes. 

Et même lorsque, devant un scandale qui enfle trop, ils les réduisent à grand tintamarre médiatique, il leur en reste suffisamment pour ouvrir deux écoles et un hôpital.

Le « summum de la lutte », ce n’est pas, effectivement, les 50€ des APL.
C’est de se débarrasser d’un affameur ploutocrate qui n’écoute personne et veut façonner tout un pays suivant son caprice comme un enfant organise sa table de soldats de plomb.

D’habitude, je commence un article en me disant que je serai bref, et j’en écris des pages que je suis ensuite obligé de couper et d’élaguer.

Là, je me voyais parti dans de longues diatribes, et j’ai soudain l’impression qu’en peu de mots, j’ai tout dit.





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