Il y a dans Tom et
Jerry, ou dans Bip-bip et Vil Coyotte une étude bien plus
approfondie qu'on pourrait imaginer sur la faiblesse des hommes et
leur propension à emballer la machine à perdre.
Les deux saga
mettent en scène un héros qui ne retient jamais les leçons des
déconfitures qu'il endure et retourne sans cesse d'un pas
ragaillardi vers une nouvelle embûche aussi prévisible que la
précédente.
Il y a des années
qu'on dit que l'entre-soi du club trop fermé du monde politique
devient insupportable au pauvre peuple, des années que le-dit pauvre
peuple tente de lui substituer un parti suffisamment marginal (du
moins en apparence) pour lui donner l'illusion que tout va changer,
et des années que ceux qui sont au pouvoir, -les seuls qui
pourraient vraiment changer quelque chose- , rivalisent d'artifices
et d'emplâtres sur des jambes de bois pour prolonger encore un peu
la jouissance de leur petit pré carré.
Ainsi, à peine
trois jours après le dernière convulsion électorale du front
national, notre gouvernement, qui avait l'occasion de changer quelque
chose de très symbolique, -mettre fin à l'évasion fiscale
organisée- fait volte face devant l'urne et renonce à voter un projet de loi que tout le monde appelait de ses vœux.
A peine trois jours
après ce nouveau coup de semonce électoral, les deux opposants
idéologiques marquants du monde politique décident de s'unir dans
leur guerre aux moulins à vent, donnant ainsi crédit à un des slogans les plus productifs du front national : « l'UMPS ».
Alors qu'il
suffirait d'écouter ce que disent les Français, dont on loue
toujours la sagesse lorsqu'ils rattrapent la république au bord du
gouffre comme ils viennent de le faire au deuxième tour, lorsqu'ils
réagissent avec leur courageuse force tranquille après des
attentats sanglants, lorsqu'après un conflit mondial, un conseil
national de la résistance écrit un programme qui pourrait servir de
bible de la république pour les siècles à venir, mais dont on
n'honore plus les principes qu'en déposant des gerbes sur son
mémorial au lieu d'en cultiver et d'en assurer la mise en œuvre et
la pérennité.
Le monde politique
n'est plus qu'un marais de courtisans blablatant jusqu'à son dernier
souffle au lieu d'actionner les leviers qui sont à sa portée, et
que les électeurs ne peuvent plus zapper qu'en s'abstenant ou en
accordant leurs suffrages à deux groupes d'agités aussi désordonnés
l'un que l'autre, un à droite de ce qui est déjà trop la droite,
et un à gauche de ce qui n'est plus la gauche. Autant dire que
l'avion est en piqué, que les pilotes ne pilotent plus et que les
pirates ne savent pas piloter.
Lorsqu'il y a
panique à bord, ce qui est un peu le cas : les chômeurs se
multiplient et sont menacés d'exclusion sociale, les SDF hantent nos
rues, les réfugiés meurent dans la boue de nos frontières ou au
pied de nos immeubles vides, est-ce vraiment le moment de courir dans
tous les sens et de laisser quelques aventuriers politiques genre
famille Le Pen devenir chef de bande et empocher les prébendes que
tous les dictateurs tirent toujours des désordres sociaux ?
L'urgence me semble
dicter une refondation de la gauche, d'une vraie gauche qui réponde
aux aspirations populaires, raccroche la déclaration des droits de
l'homme au-dessus du bureau, rétablisse l'égalité des chances,
remette en ordre un enseignement qui ait des visées civiques aussi
bien que culturelles et technologiques, pratique et enseigne le
vivre-ensemble, restaure les prérogatives et l'exercice d'une
justice qui serait d'autant plus crédible que la classe dirigeante
serait exemplaire et lui serait soumise sans exemption.
Puisque nous parlons
de « classe dirigeante », qu'elle organise la succession
de ses édiles pour que la politique ne soit plus une carrière, mais
une fonction très temporelle à laquelle tout un chacun puisse
prétendre en se faisant élire, non plus assis sur l'appareil d'un
parti, mais sur la foi de ses valeurs personnelles et de son
dévouement.
On peut rêver, me
direz-vous ?
Le problème est que
si nous ne travaillons pas très dur à réaliser ce rêve, c'est un
cauchemar qui va prendre sa place, et lui, il viendra tout seul.
Notre inaction nous tient lieu de sommeil, et c'est la réalité du
cauchemar qui nous réveillera…
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