jeudi 19 novembre 2015

519° Et si on parlait enfin de la « secte daesh » ?



Un blog sur les inégalités et les libertés LGBT n'est pas forcément un endroit où il faille réagir à chaud, d'autant plus que l'actualité nous montre par ailleurs que les réactions à chaud conduisent souvent à de désastreux égarements. La mode des « éditions spéciales » des médias nous a déjà fourni non seulement tout l'utile, mais surtout l'inutile jusqu'à plus soif. Nous avons un problème avec notre information.

 Lorsque j'étais au collège, nous passions parfois deux heures « d'explication de texte », deux longues heures à gloser dans tous les sens à propos d'un morceau choisi d'une dizaine de lignes extraits avec malignité par notre professeur d'un livre d'un « grand auteur ». Je me suis fait détester par le prof lorsqu'à la fin d'un de ces échanges migraineux, quelques minutes avant la sonnerie qui allait enfin nous ouvrir les portes vers le soleil de la récré, je lui ai demandé : « Mais, M'sieur, vous pensez vraiment que l'auteur, qui a du mettre deux minutes à écrire ces dix lignes parmi des milliers d'autres a vraiment pensé, en le faisant, à tout ce que trente élèves et vous-même ont pu raconter sur le sujet pendant deux heures ? »

 Il s'est fait un grand silence dans la classe, à peine troublé par les premiers frémissements que l'appel de la récré toute proche infligeait à nos muscles ankylosés. Et aussi à l'impatience de nos cerveaux surchauffés qui avaient besoin d'aller hurler des conneries sous les platanes pour exorciser la tension résultant de deux heures de questionnements trop ardus. Mais on sentait aussi planer dans la classe électrisée la joie, l'exultation, de voir le prof sans réponse face à une question qui ne jouait pas le jeu.


Collé, le prof. Il nous avait assommé de questionnements pendant deux heures, transformé chacun de nous en sbire de garde à vue pour poser aux autres des questions dans les questions et autres interrogations parfaitement irréalistes, et là, par le miracle d'une seule question sur le pourquoi du comment, je pulvérisais tout l'édifice de sa pédagogie supposée, je plantais un brutal rappel à l'ordre du jour : Pourquoi avons nous oublié le livre dans son ensemble au profit de quelques élucubrations qui ont sans aucun doute infiniment dépassé la pensée et les intentions de l'auteur ?

Il en est un peu de même avec les analyses des attentats. Maintenant qu'on a tout entendu, la chose et son contraire, l'analyse et la contre-analyse, l'exégèse et la contre-exegèse, que le plus dur de l'émotion est passé, on peut réfléchir plus posément. On a du mal à imaginer que des gens qui nous paraissent si différents, ne parlent pas notre langue, ont d'autres civilisations et d'autres religions aient une analyse pertinente des points faibles de nos routines et de nos modes de vie. C'est oublier que la plupart d'entre eux viennent de chez nous, ont été élevé au MacDo et au cornet de frites, et que s'ils veulent aujourd'hui nous apparaître si différents, c'est justement pour marquer la profondeur du fossé qu'ils veulent creuser entre eux et nous.

C'est aussi oublier que toutes les grandes nuisances humaines sont organisées par quelques mauvais génies très isolés qui, bien à l’abri dans leurs palais ou leurs casemates, envoient au casse-pipe des hordes de jeunes gens endoctrinés et aveuglés par une propagande bien pensées. Le stalinisme et le nazisme n'ont pas fonctionné autrement. Rares sont les généraux nazis morts dans les massacres qu'ils ont organisé au front : la plupart de ceux qui n'ont pas été pendus à Nüremberg ont fui en Argentine… Staline est mort saoûl dans sa datcha, pas dans une émeute révolutionnaire.



Rien n'est plus efficace pour transformer un pauvre con en tortionnaire que de lui confier des responsabilités qui le dépassent et une autorité trop lourde pour sa comprenette. Alors, le coup de la secte de fanatiques religieux, pour lever une armée de chair à canon, c'est quasiment un coup de génie. Vendre la mort et le sacrifice suprême comme une récompense, toutes les religions ont plus ou moins essayé, fait miroiter des paradis et exhibé des enfers, mais en matière de promesses électorales intenables, l'intégrisme musulman a pulvérisé la concurrence : 70 vierges… Personne ne se pose la question de savoir quel plaisir elles peuvent procurer à un pur esprit… Comme disait Chirac : plus c'est gros, mieux ça marche…

Il n'y a plus qu'à leur apprendre la leçon, programmer le logiciel, et les petits robots foncent à l'attaque. Ceci dit, constatons qu'il faut, chez les auteurs du système, une sacrée couche de frustration et de malaise pour refuser le droit d'exister à des peuples entiers sous prétexte qu'ils s'accordent des plaisirs qu'on se refuse. Toutes les religions basent leur adhésion sur l'ascèse et la privation, mais on atteint là des sommets d'invraisemblance… Ils s'attaquent à la musique, aux lieux où hommes et femmes boivent et s'amusent ensemble avec d'autant plus de rage qu'ils sont eux-mêmes privés de ces menus plaisirs terrestres que nous osons nous octroyer...



Notons au passage qu'ils seraient peut-être moins nombreux à s'embarquer pour des pays de frustrations si notre société qui prétend les intégrer avait tenu ses promesses, leur avait donné les moyens, -la formation et l'éducation- de s'adonner à quelques plaisirs culturels, gastronomiques ou musicaux… Il ne reste plus qu'à leur marionnettistes qu'à s'emparer des ficelles de leurs frustrations pour les contrôler comme autant d'esclaves de leurs petites affaires.

Alors, bien sûr, on nous attaque, il faut se défendre et réagir. Dans un premier temps sur le terrain comme nous le faisons, avec des mesures d'urgence, des enquêtes et des interventions policières .. Mais à long terme, il faut impérativement couper le lien entre les clones et leur big brother. Et cela, c'est par l'enseignement, la culture et l'éducation que nous y parviendrons. Il faut reprendre en main très vite les territoires où nos valeurs ne sont plus cultivées, reprogrammer les clones pour les rendre hermétiques aux dogmes et croyance qui les infectent, et en refaire des citoyens libres et éclairés.

Refaire fonctionner la machine de l'intégration, qui est en panne depuis des décennies. Travail de longue haleine, mais personne n'en parle vraiment, même si on sait depuis longtemps que c'est la seule voie possible pour s'aménager des lendemains tranquilles.

Le gouvernement va recréer les postes de policiers, de soldat et de juges supprimés par ses prédécesseurs, c'est fort bien. Mais personne n'a parlé de créer les postes d'enseignants de toutes sortes dont nous avons besoin…De prendre les mesures sociales et éducatives pour rassembler le troupeau, de restaurer le tissu républicain, d'abolir les communautarismes et de remettre tous les Français en marche dans le même sens. Certains en parlent bien un peu, mais il n'y a pas un sou pour mettre en route un embryon de programme.

On pourra aussi longuement discuter des effets néfastes des « éditions spéciales » par lesquelles nos médias radio et télé se croient obligés de rabâcher les événements les plus tragiques jusqu'à plus soif, d'exposer les détresses les plus déchirantes, et d'appeler à la rescousses pour remplir les longues heures d'antenne forcée des cohortes de psychologues, de traumatologues, d'espions à la retraite, de spécialistes et de théoriciens de toutes sortes.

Il y a des scènes qu'on a vu dix fois, des malheureux qui racontent leur détresse dont on nous a repassé cent fois l'interview, sans parler de ceux qui n'ont rien vu mais tout entendu, de ceux qui habitent à côté, pas loin, de ceux qui n'osent plus sortir pour acheter le pain… Il y en a marre… Un peu de dignité. On nous appelle à la dignité en nous baignant de flots de rubriques people… En nous maintenant en permanence dans cette ambiance délétère de flottement et d'incertitude, les médias se font presque les alliés objectifs de ceux qui veulent désorganiser nos sociétés… Le reste du monde ne s'est tout de même pas arrêté d'exister depuis que les attentats ont eu lieu… Arrêtons de vivre en vase clos… Ouvrons les fenêtres à nouveau.

Il y a aussi les politiques. Ah, les politiques… On sait que je ne suis pas toujours d'accord avec Hollande, et surtout avec Valls, notamment à cause de leur petit protégé Macron. Mais dans ces circonstances difficiles, ils sont parfaits. Autant ils n'ont pas compris ce pourquoi ils avaient été élus, autant ils se révèlent d'excellents gardiens du temple de la République et de parfaits garants de la cohésion nationale. Je trouve au-delà de l'inadmissible et du méprisable tous les opposants qui ont tenté d'instrumenter ces événements pour essayer de mousser un peu, d'exister misérablement et de conquérir quelques points de sondage.

Et au-delà de toute ignominie cet abominable petit hargneux de Sarkozy, qui vient reprocher aujourd'hui à la police et à la justice de ne pas être à la hauteur alors que c'est lui qui, durant sa mandature, a décimé leurs effectifs, ourdi pour rogner leurs prérogatives jusqu'à concevoir le complot -heureusement non abouti- de supprimer les juges d'instructions. Ce sont tous ces faux jetons qui ont tout fait pour déshabiller la fonction publique, proclamé et argumenté qu'ils y avait trop de fonctionnaires, qui viennent nous dire aujourd’hui que les prestations des policiers, des militaires, des magistrats et des services de santé sont insuffisants ?

Un carton rouge aussi pour les imbéciles qui alimentent les conversations de bistrot en laissant croire que la déchéance de nationalité – voire le retour de la peine de mort- pourraient faire changer d'avis des gens endoctrinés au point de regarder la mort comme une récompense. Il faut être con pour le croire et salaud pour le faire croire.

Heureusement, la vrais sagesse est dans le peuple. Et les sondages ont un peu calmé ces agités de l'interview politicien et du conseil avisé de l'expert. Ils ont du mettre une sourdine sur leurs critiques, moucheter leurs fleurets et surtout fermer leur gueule d'imprécateurs.


Terminons toutes ces considérations par une proposition : que tous les médias et le monde politique se décide à ne plus appeler daesh que « la secte daesh ». Je n'y vois que des avantages. Le mot « secte » est dans l'opinion publique, synonyme de piège et d'organisation nuisible. En qualifiant systématiquement « daesh » de secte, on lui retire ce statut de religion. Au cas où certains hésiteraient encore...


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