L’Eurovision a
toujours été un terrain politique, et surtout un porte-voix pour
les libertés trop difficilement partagées par certains pays.
L’occasion est
trop belle de faire passer par le biais du spectacle un message de
liberté qui se heurte dans tous les autres domaines aux censures et
aux restrictions des pouvoirs autoritaires.
En 1997, l’islandais Paul Oscar est le premier chanteur ouvertement homosexuel à concourir en finale.
En 1998, la trans
israélienne Dana International remporte la finale. Israël est très
partagé sur la diversité des sexualités, mais les progressistes
comptent bien sur ce pavé dans la mare à la fois pour faire avancer
les idées et pour développer le tourisme dans leur pays.
En 2002, un trio de
drag-queens slovènes, Sestre 3 se fait plus remarquer par son
accoutrement que par sa prestation musicale, médiocre. Sa sélection
en finale semble tenir d’un double miracle, mais ils sont là, loin
dans le classement, mais présents...
En 2007, la Serbe
Marija Serifovic, qui n’a pas pourtant pas encore fait son
coming-out, - ça viendra l’année suivante - chante « Molitva »,
un ode à la tolérance, un clin d’œil appuyé aux amours
lesbiennes...
Puis, pendant
quelques années, rien de bien militant, jusqu’à Conchita Wurst,
en 2015, dont le triomphe déborde du cadre de l’Eurovision pour
devenir un succès international.
Les réactions sont nombreuses, et parfois désolantes. On se demande souvent s'il vaut mieux pouffer de rire ou rire jaune :
La Russie déclare ne plus vouloir présenter de candidat à l’Eurovision. Elle y reviendra, mais sans grand succès, puisque l’aval obligatoire du pouvoir et les lois « anti-propagande » éliminent les candidats un brin originaux…
La Chine, qui
retransmet l’évènement sans y participer, censure des passages
entiers du concours. Tout y est passé au peigne fin par Mango-TV, la
chaîne spécialiste des événements culturels internationaux. Par
exemple, lors de la cérémonie des Oscars, le mot « gay »
avait été sous-titré par « original »
La Turquie parle de
se retirer aussi…
Cette année, en
2019, le groupe autour de la chanteuse ukrainienne très célèbre,
Maruv, remporte les sélections de son pays, mais le pouvoir
ukrainien veut imposer à la chanteuse un contrat l’enjoignant
à modifier le texte de sa chanson pour y inclure des slogans
anti-russes, les deux pays étant en conflit, notamment à propos de
la Crimée.
Elle refuse de signer. Elle ne pouvait pas le faire, de toute manière, son producteur, la chaîne de télévision PBC, filiale de Warner Music Russia, étant pro-russe.
La chanteuse, qui n'est pas que chanteuse, mais aussi polytechnicienne, fait une conférence de presse pour dire que la politique ne doit pas s’ingérer dans l’art, et que si son pays ne veut pas d’elle, elle s’en va. Les autorités ukrainiennes proposent alors aux seconds et troisièmes des éliminatoires de représenter le pays : tous refusent.
L’Ukraine n’a
plus de candidat à l’Eurovision.
En
France, des éliminatoires indépendants et bien réguliers désignent
le jeune chanteur d’origine marocaine, Bilal Hassani, comme
finaliste pour représenter le pays.
Notons que deux homosexuels militants participaient à la sélection. Bilal Hassani n’est en effet pas tout seul : il y a aussi Emmanuel Moire, dont la chanson « La promesse », est une ode émouvante à l’amour des garçons. :
Je me fais la promesse, je me fais la promesseDe vivre enfin quand mon cœur bat pour un hommePour un homme,...
Bilal
Hassani a une chanson tout aussi engagée, « Roi », avec
du charme, un brin de mystère et de paillettes en plus.
Ne me demandez pas qui je suis,Je suis pas dans les codesÇa dérange beaucoup
Il l’emporte. Il va prendre très cher… Des tombereaux d’injures
vont se déverser sur lui. Il va devenir la cible de tous les réacs
de France et de Navarre.
Catherine Rambert, chroniqueuse à Téléstar :
. "Est-ce qu'on peut rappeler quand même que l'Eurovision c'est quand même un concours de chansons au départ ? Et là, on dirait un concours de déguisements et de travestis. Je n'ai rien contre ce garçon qui a l'air très sympathique, mais on juge des chanteurs en principe"...
« Touche pas à mon pote » « people » laisse
entendre qu’il y a derrière cette victoire un travail de comm’
pour le faire avancer. On n’y prononce pas le mot « lobby »,
mais on sent que c’est le fond de la pensée du chroniqueur…
Pourtant, « Touche pas à mon poste » finira par inviter
Bilal le 4 février, -difficile d’ignorer le succès sur une chaîne
commerciale -, et tente de le coincer à propos de ses tweets de
jeunesse où les homophobes et des Juifs intégristes avaient trouvé matière à polémique.
Le garçon s’est très bien sorti de l’épreuve :
« Je suis surtout très heureux de faire l'Eurovision avec cette chanson. C'est un morceau qui a un message très fort, contre toutes les discriminations. Donc, voilà. C'est dans mes convictions. Je suis moi-même discriminé, je serai toujours contre toute violence. J'ai beaucoup d'amour à offrir à tout le monde et je vais tout donner pour pouvoir représenter la France du mieux que je peux »
Même Philippe Manœuvre, sur RTL, dont on pourrait croire qu’il
aime les artistes originaux et innovateurs, y va de sa diatribe :
"C'est la fête à Neuneu, l'Eurovision ! Faut y aller avec des transsexuels barbus, avec des bonnes femmes qui ont de l'abattage !", avait-il lancé, ajoutant que Cindy Sanders aurait mieux fait l'affaire. "Elle aurait été une parfaite candidate à l'Eurovision parce qu'elle envoie comme un poids lourd et qu'il faut avoir un côté Dalida".
La droite bien franchouillarde est furieuse, et en avale son dentier.
Une chroniqueuse parle de « baissage de culotte »,
de chanteur maghrébin qui représente la France avec des paroles à
moitié en anglais, et d’Eurovision qui fait déborder le vase :
« L’an dernier, nos représentants, avec « Merci », nous chantaient une ode aux migrants, cette année, c’est un travesti qui nous représente avec une apologie de l’homosexualité »…..
Je vous passe la suite.
Merci, Bilal, de faire chier les gros cons. Un peu de lumière, de
joie, et de courage dans ce mode de brutes.
Bilal Hassani a besoin d’être défendu. Heureusement, il a des
fans. Nombreux et enthousiastes.
Lesquels ont décidé de fêter la sortie de son nouvel album avec
une fan-party qui aura lieu à Paris le 26 avril prochain.
Ce n’est pas un évènement « mondain », c’est un
évènement quasi associatif, l’entrée est à 10€.
Quasiment un acte militant. Je vous ai donc publié l’affiche
ci-dessus.
Bilal Hassani « in person » pourrait bien s’y trouver…
Réservations billettrie :
A bon entendeur...
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