mercredi 26 mai 2010

330° Incompétence et parano




Pourquoi avoir peur de la liberté d'expression quand on n'a rien à cacher ?


C'est la question qu'on a envie de poser au sénateur non-inscrit Masson, qui, sans doute à la suite d'une algarade virtuelle au cours de laquelle il aurait été injurié, voudrait mettre au pas toute la blogosphère.


Quand serons-nous débarrassés de cette génération d'hommes politiques qui prennent fondamentalement les citoyens pour des enfants, -pour ne pas dire des imbéciles-, les estiment incapables de se faire une opinion par eux-mêmes et croient devoir leur prémâcher l'information avec un espèce de contrôle parental aussi désuet que contreproductif?


Bien sûr, il y a des sites qui disent des conneries, des malveillants pour les écrire et des cons pour les croire. Bien sûr il existe des sites de haine, qui prônent la violence, l'asservissement, la discrimination, se font les chantres de la théorie du complot à tout propos, voyant tantôt chez les juifs, tantôt chez les pédés, tantôt chez les franc-maçons, et même dans les théories de Darwin des entreprises propres à « s'emparer du monde » comme dans un vulgaire mauvais roman de science fiction.


Mais les prendre au sérieux ne revient-il pas, d'une part, à leur accorder un crédit qu'ils ne méritent pas, et d'autre part à se prendre pour le sauveur du monde, seul capable de discerner la bonne parole de l'œuvre de satan, ce qui n'est que le revers de la même médaille d'infantilisme....


Sans parler de l'attrait de l'interdit. Car je ne pense pas que les enfants, par exemple, passeraient leur vie sur des sites pornographiques s'ils y avaient libre accès. Certes, ils les verraient, -ce qu'aucun contrôle parental ne peut d'ailleurs empêcher-, mais comme ce n'est pas cela qu'ils recherchent, ils passeraient très vite à autre chose. Par contre, en installant sur l'ordinateur de lourds dispositifs supposés interdire ces accès, on donne à ces sites une importance qu'ils n'ont pas. Y accéder devient une gageure, un acte de révolte, une victoire sur l'oppression qui valorise l'exploit. D'autant plus que ces systèmes sont peu discriminants, laissent passer des sites critiques habilement travestis et en interdisent d'autres qui n'auraient pas lieu d'être inaccessibles. Tout cela ajoute aux motivations de transgresser l'interdit, et indirectement, valorise son contenu.

Il me semble bien plus judicieux de préparer ses enfants à faire face aux choses de la vie que de fabriquer dans des cocons artificiels des oies blanches qui se feront avoir sitôt qu'ils mettront le nez dehors.


De plus, on trouve, dans toutes les bonnes cours de récréation, et pour un prix modique, une clé USB qui permet d'entrer dans tous les ordinateurs sous Mac ou Windows en mode administrateur. Ne possédant que Linux, je n'ai pas eu le loisir d'essayer, mais il faudrait un papa informaticien professionnel pour empêcher une telle intrusion, ce qui est rarement la cas. En général, c'est plus souvent les enfants qui enseignent aux parents les mystères de l'informatique...

Quant aux diffamations sur internet, car c'est, d'après l'interview du sénateur Masson, ce qui semble le déranger au fond, et ne lui en déplaise, elles sont moins anonymes qu'une bon collage de tracts, surtout depuis qu'avec les imprimantes, chacun possède une petite imprimerie chez lui...


Comme lui répond avec beaucoup de patience le site Overblog, un blogueur anonyme n'est pas du tout anonyme. Pour ouvrir son blog, il faut qu'il s'inscrive avec une identité et une adresse. Bien sûr, il peut en donner des fausses, mais faute d'ouvrir un guichet à la préfecture où les candidats blogueurs devront se présenter trois mois avant de publier avec leurs papiers et leur livret de famille -en encore-, rien ne prouve au sénateur Masson que la déclaration de nom et d'adresse qui figurerait sur les blogs serait authentique. Et il ne nous dit pas comment il va gérer les hébergeurs étrangers... Finalement, le vrai problème est de savoir si tous les auteurs de lois sont vraiment compétents sur les sujets qu'ils prétendent réglementer.


La meilleure identification possible, elle existe déjà : c'est l'IP qui identifie l'ordinateur à partir duquel le blog est publié, et que les prestataires de service doivent conserver plusieurs mois. Quant aux falsificateurs d'IP, ça marche... ou pas. Car souvent, ils sont en sens unique et ne répondent pas aux requêtes que les hébergeurs demandent avant la publication définitive.


Ce que craignent, inconsciemment ou non, les auteurs de ce genre de lois, ainsi que tous les gouvernements qui nous concoctent des lois Loopsi ou Acta, c'est de ne plus être les dépositaires exclusifs de la communication, de ne plus pouvoir la maîtriser et la mettre à la botte.


C'est bien pour cela que leur dernier rempart, quand le flot d'information submerge leurs digues et leurs barrières, consiste à considérer le grand public comme un tas de demeurés incapables de discernement, et à prétendre agir pour « sa protection » en pratiquant la censure et en éliminant les libres penseurs. Les dictateurs parlent plus souvent du « bien de l'humanité » au nom duquel ils prétendent agir que les vrais humanistes, qui, eux, y travaillent vraiment.


S'il est un sujet sur lequel je suis chatouilleux, c'est bien la défense des droits LGBT et la lutte contre l'homophobie. La France possède des lois qui font du caractère homophobe des publications, des injures ou des agressions une circonstance aggravante, et c'est très bien ainsi. Mais je ne demande pas pour autant que les nazillons qui se livrent à ce genre de plaisanterie aient à décliner une identité qui, de toute façon, serait truquée. Les sites qui se livrent à ce genre de pratique sont poursuivis s'ils se trouvent sur le territoire national, autant dire qu'il n'y en a pratiquement aucun.


Les ultra-nationalistes, eux, émettent leurs courageuses attaques de l'étranger. Qu'y faire ? Se dire deux choses : d'abord, ce genre de site n'est jamais lu que par des convertis. Qui va, autrement que pour en rire, aller lire les diatribes à l'eau bénite d'agitateurs égarés entre le machisme et la mal-baisance ? Et puis, peut-être, lutter « informatiquement » contre eux, à l'image des services israéliens qui lancent des attaques informatiques contre les sites terroristes. Que le modèle soit israélien, ça va faire hurler encore plus fort les phobes de tous genre, mais tant mieux : quand ils hurlent, c'est que leurs affaires ne vont pas bien. D'ailleurs, les triangles roses et les étoiles jaunes se sont déjà croisé dans l'histoire, non ?



Pour changer de sujet, si vous vouliez savoir pourquoi je n'ai ni Apple ni Iphone, voici un article qui va éclairer votre petit écran. On y publie le contrat ultra-secret qui lie les collaborateurs du système et auteurs de logiciels de l'App-store à la firme à la pomme. Tous ces pauvres gens sont pieds et poings liés et asservis au système, et ne peuvent espérer utiliser à d'autres fins les recherches qu'ils auront soumises à l'approbation du tout puissant App-store.

A titre indicatif, je possède un Acer Liquid, qui tourne sous Androïd, qui fait tout comme l'Iphone, et même un peu mieux, mais avec des logiciels libres et gratuits. Au premier trimestre 2010, aux USA, Androïd a détrôné Iphone OS de sa deuxième place au hit-parade des systèmes les plus utilisés. Le premier, c'est RIM (Blackberry), le second est maintenant Androïd, et Apple n'arrive qu'en troisième position. Qu'on se le dise...


Le maire de Saran, charmante banlieue d'Orléans, a pondu une diatribe homophobe dans la Tribune d'Orléans il y a quelques jours, déclarant que l'homosexualité « serait une fuite en avant pour la race humaine ». Il est vrai que la vue du monsieur, dont la photo est publiée sur l'article en lien, donne envie de courir très vite... « Si mes parents n'avaient pas été hétérosexuels, je ne serais pas sur terre » ajoute-t-il. Je vous épargnerai les reparties trop faciles auxquelles ce genre de sortie tend la joue, en ajoutant seulement que c'est une excellente raison supplémentaire de militer pour l'homoparentalité.


Si vous voulez savoir quels sont les 50 sites internet les plus visités, en voici la liste.


Enfin, au lieu de me lire paresseusement, militez un peu.


Venez donc pétitionner pour défendre l'école publique. C'est ici.


Et bougez- vous aussi un peu contre ACTA, le zinzin concocté dans le secret qui menace vraiment vos libertés et veut étendre l'hégémonie du commerce américain sur toute la planète.





samedi 22 mai 2010

329° La grande Illusion.






Hortefeux comprend peut-être quelque chose aux apéros, mais toujours pas grand-chose à internet.

On s'en doutait un peu en analysant la méthode et l'impact des lois Hadopi et Loopsi , on en est convaincu en le voyant estimer pouvoir identifier les organisateurs des apéros géants afin de leur envoyer la facture.

Pourtant, les émissaires qu'il envoie en banlieue doivent connaitre Ali au pays des merveilles, celui qui ne voyage que par shadowsurf.com et anonymouse.org... Il n'est pas SDF, Ali, il est sans IP fixe.

Et puis, grâce au miracle des nombreux sites de rencontres de toutes sortes, nous avons tous un copain au Boutdumondistan septentrional qui se fera une joie, en lançant de chez lui une convocation non localisable, de compliquer la vie d'un ministre français qui a renvoyé au bled avec du chatterton sur la bouche nombre de ses compatriotes qui avaient voulu tenter leur chance chez nous. Tiens, il y a aussi la solution pakistanaise.. . Mais si eux, n'ont pas d'apéros géants, que Hortefeux ne se fasse pas d'illusion, ce n'est pas parce qu'on leur a coupé Facebook, qui possède cent équivalents officiels et mille officieux, c'est surtout parce qu'ils ne boivent pas d'alcool...


Sur le sujet, je ne peux que vous conseiller d'aller voir 8th. Wonderland, un film sorti trop discrètement la semaine dernière. Idée intéressante, que celle d'un « pays virtuel », qui compte assez de citoyens pour influer sur la marche du monde. Mais le film va au-delà de cette utopie et démontre les limites du système. Car la démocratie absolue, dite « d'initiative populaire » est une médaille avec un revers dangereux.

Il n'est que de voir ses effets en Suisse avec la « votation » contre la construction de minarets. Dans le film, l'initiative populaire, dite « démocratie absolue », condamne un chef d'état à mort alors que le projet précédent de 8th Wonderland consistait à organiser une campagne mondiale contre la peine de mort. Déraillement inévitable des mouvements de foule sans leaders.

L'expression démocratique a besoin d'élus pour porter ses idées, d'hommes qui répondent ensuite de la cohérence de leur politique. L'opinion populaire entièrement livrée à elle-même ressemble trop à ces essaims d'oiseaux ou ces bancs de poissons qui tournent en rond en formant, certes, de jolis dessins abstraits, mais surtout sans pouvoir décider avec cohérence quelle direction ils doivent prendre...




La Commission Nationale de déontologie et de Sécurité dénonce un cas de suicide clairement dû au traitement homophobe d'un délit mineur par des policiers un peu imbus de leur virilité, pendant qu'au Malawi, deux pauvres petits gars qui avaient simulé une noce gay se voient condamnés « pour offense à l'ordre de la nature » à quatorze ans d'un bagne où on ne survit que cinq ans... Si vous avez décidé d'aller en vacances là-bas, relisez les conditions de rétractation avant de prendre votre billet.

Si nos hommes politiques en avaient, et c'est là la preuve qu'il ne suffit pas de se proclamer hétéro et de faire la charité de quelques bienveillances aux gays pour en avoir, ils proposeraient à grand tapage médiatique l'asile politique à ces deux malheureux. Cela ferait avancer d'un grand pas le consensus international auquel nous travaillons pour dépénaliser universellement l'homosexualité. Mais comme je l'ai dit, il faudrait qu'ils en aient. Et qu'ils rétablissent la préséance de l'instituteur sur le pasteur.


Les kiss-in ont des destins variés. A Paris, celui sur le parvis des droits de l'homme s'est déroulé sans incident, alors qu'à Lyon, celui organisé place Saint Jean a donné lieu à une situation tendue, la préfecture du coin n'ayant toujours pas réussi à se déterminer entre l'homosexualité, -légale- et l'homophobie, -illégale.

Voir les vidéos sur le lien.



Le Baiser de la Lune. -histoire édifiante-


L'histoire du Baiser de la Lune me rappelle une, un peu semblable, survenue en 1963 à l'ORTF. Comme quoi les choses changent peu. Au début de la 2° chaîne, un réalisateur de génie, un des défricheurs du trucage vidéo, un des « inventeurs de la vidéo comme 8° art », Jean Christophe Averty. propose une émission de variété originale : Les Raisins Verts. Les présentatrices y sont pour la première fois au petit écran remplacées par des sketches, conçus par les potes de Charlie Hebdo, dont le professeur Choron. Jusque là, les variétés de la télé, c'était Jean Nohain, Mireille et Gilles Margaritis...


Imaginez le bond dans le futur. A la fin de l'émission, le professeur Choron avait sa minute de délire, et l'un des sketches d'enchaînement fut un jour de passer des bébés en celluloïd dans une moulinette...

Tout ce que la France ringarde d'alors comportait de blaireaux, ceux-là même qui ont involontairement tant contribué à mai 68, monta sur ses grands ânes, et ce fut un scandale national qui fit la première page de France-Soir, le grand journal de l'époque... « Les Raisins Verts » furent déprogrammés.


Un soir, nous regardions en famille le solennel Léon Zitrone présenter en pontifiant les « Actualités télévisées » de la première chaîne en noir et blanc lorsqu'une main séditieuse sortie du bord de l'écran lui mit une dépêche dans les mains. Même aujourd'hui, ce serait encore incongru, à l'époque c'était impensable. Mes parents et moi nous sommes dit qu'un pape ou un président venait de mourir, pour justifier pareille entorse au protocole. Mais le grand Léon était, du coup ; bien obligé de nous lire la dépêche que tout le monde avait vu. En fait, lui faire lire, c'était le but... il s'exécuta donc :

« On m'informe, récita-t-il la rage au ventre et le regard vitreux derrière ses grosses lunettes, que l'émission « Les Raisins verts » de Jean Christophe Averty, qui a été supprimée de la deuxième chaîne, mais qui était présentée au festival de télévision de Venise, a remporté le grand prix de la technique, le grand prix de... le grand prix de.., le prix spécial du jury pour... ».

Je ne me souviens plus du détail de tous ces prix, ce dont je me souviens, c'est que cette émission rénégate, reléguée aux tiroirs, les avait quasiment tous raflés.


Eh bien, il vient d'arriver la même chose au Baiser de la Lune, ce petit film éducatif contre l'homophobie.

Ici, petit récapitulatif à lire de bas en haut.


Ce film, dont la plupart des édiles s'étaient désolidarisés par lâcheté devant les pressions réactionnaires, vient d'être couronné par un prix, certes moins conséquent que les trophées de la biennale de Venise, mais suffisamment significatif pour illustrer la haine que nos autorités professent pour tout ce qui est signifiant, tout ce qui tire vers le haut les droits individuels et les libertés, tout ce qui tente d'assouplir le joug que les forces conservatrices croient devoir faire peser sur la société pour mieux la mettre à sa botte.


Finissons enfin par deux Illusionnistes. Le premier est un film, réalisé par l'auteur des fameuses « Triplettes de Belleville »..


« L'Illusionniste », film de Sylvain Chomet, à sortir le 16 juin, bâti sur un scénario de Jacques Tati, avec la touchante silhouette de Monsieur Hulot dans le rôle principal, promet de devenir un oeuvre-culte tout comme les triplettes de Belleville. Voyez les extraits vidéo pour vous en convaincre.

L'autre illusionniste est beaucoup moins drôle. Il s'appelle Dominique Strauss Kahn, et il est grand maître de la pompe à phynances. Alors, forcément, il ne voit pas les choses comme tout le monde.

Il a donc déclaré que « si on devait vivre jusqu'à cent ans, on ne pouvait pas continuer à prendre sa retraite à 60... »

Et pourquoi pas, monsieur le chef des esclaves ? Est-ce pour rien que nous avons aboli l'esclavage, fait la révolution et le front populaire, que tant de gens sont morts pour humaniser la vie des travailleurs, que nous avons pas à pas amélioré nos conditions face à une exploitation aussi inhumaine qu'éhontée de l'homme par l'homme ?

On continue à progresser ou on revient au moyen âge ? Quand j'entends ces espèces de « Y a qu'à, faut qu'on » dire des choses comme ça, je me dis qu'autant que nous ayons fait de révolutions, nous n'en avons pas encore fait assez.

La France est-elle vouée à devenir, comme les pays anglo-saxons, des pays sans gauche, avec un seul choix électoral entre des exploiteurs religieux et des exploiteurs laïques, une alternative entre ceux qui marchent au plafond et ceux qui ont la tête dans les nuages ?

Aux armes, citoyens !



vendredi 14 mai 2010

328° La faute à Facebook...



Les hommes politiques ont toujours eu du mal avec le web en général, et avec Facebook en particulier. On se souvient des débuts grand-guignolesques sur Facebook du petit-guignolesque Frédéric Lefebvre, qui avait mal verrouillé son profil et le voyait envahi de trolls.

Peut-être se croyait-il universellement bien-aimé et admiré ? Il a du tout rependre à zéro, et son profil ressemble maintenant au chœur des prêtres des Ruines d'Athènes.

(Will unser genius noch einen Wunsch gewähren? )


Le profil d'Obama, le plus important de la catégorie, les rend tous jaloux. Savent-ils qu'un bureau entier de la maison blanche le gère 24h sur 24, épluche les posts, éconduit les trolls et veille à la bonne marche du zinzin ? Le chef d'état qui aurait le plus d'admirateurs aujourd'hui serait sans doute Hu-Jin-Tao, --- s'il avait Facebook-. Seulement, il a eu la mauvaise idée de l'interdire dans son pays... !


Bref, les hommes politiques n'aiment pas Facebook, pas plus qu'ils n'aiment la vraie liberté d'expression, les réunions publiques mal préparées ou les débats improvisés. Ils n'aiment pas le public en général. Pensez à ce pauvre Sarko qui, pour aller visiter une usine, fait bloquer un aérodrome et la route qui y mène, y compris les villages qu'elle traverse, puis fait trier le personnel en sympathisants et opposants, et enfin, dans le maigre chœur de thuriféraires rescapés, élimine encore les plus grands que lui pour ne conserver que les fourmis idéales...


Voilà donc que Facebook est utilisé pour organiser des apéritifs géants. La préfecture de Police, qui possède également un compte Facebook (!) rappelle que:

« Toute manifestation sur la voie publique doit être déclarée en préfecture et que l'autorisation d'occupation du domaine public communal doit être demandée à la mairie". En cas de non-respect, l’initiateur du projet s’expose à des sanctions pouvant aller jusqu’à six mois de prison et 7.500 euros d’amende. »

Disposition qui rappelle douloureusement les restrictions de rassemblements imposés par les états d'urgence, dictatures et autres régimes avec lesquels on ne discute pas. A partir de combien de personnes y a-t-il « rassemblement » ? On se souvient, en Corée du Nord, des problèmes de « rassemblement » posés par les files d'attente, pourtant inévitables, mais suspectées par les autorités d'héberger des complots.....

Occupez-vous la voie publique en vous installant sur un banc ?

Photo Reuthers / Stéphane Mahé

Pour éviter ces rassemblements sans provoquer par l'interposition de cordons de CRS, les autorités tentent hypocritement d'isoler l'organisateur en lui envoyant la facture du balayage.

Ce qui amène le malheureux à utiliser à nouveau Facebook pour faire appel à la solidarité afin de payer la note...


Mais de là à dire que si les gens se paient des comas éthyliques ou, comme à Nantes, tombent d'un pont parce qu'ils sont bourrés, c'est la faute à Facebook... Non... Malgré toute la hargne que peuvent ressentir les édiles pour un média qu'ils ne maîtrisent pas et qui refuse de se mettre à leur service, c'est de la pure mauvaise foi.

Le vrai problème, ce n'est pas Facebook, mais de savoir pourquoi notre belle jeunesse se bourre la gueule. Et là, si on veut chercher, il va bien falloir parler de l'absence d'avenir qui lui est offert, du chômage chronique des moins de vingt-cinq ans, des stages non rémunérés, de la manière désinvolte dont on la traite dans les lycées, collèges et universités tous dépourvus de moyens et d'effectifs, des subventions réduites ou coupées à toutes les associations, des moyens retirés à la police pour normaliser sa relation avec la société... Alors, c'est plus facile d'accuser Facebook.

A partir de combien de gosiers et/ou de bouchons un apéro devient-il un apéro géant ? Une sauterie au ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du développement durable et de la Mer - enfin, chez Borloo, quoi- est-elle un « apéro géant » ? Et que dire du banquet organisé par André Citroën en 1933, pour l'inauguration de l'usine de Javel, qui réunit 6000 convives ?

Bref, nos politiques sont bien perplexes face à la communication directe, interactive, libre et non paramétrable, de style Facebook. Prompts à tenter de la mettre à leur service, ils lui trouvent tous les défauts dès lors qu'elle ne va plus dans leur sens, mais dans celui de la liberté ?


Enfin, l'académie des Big Brother Awards a décerné ses trophées pour l'année.

Sarko a été disqualifié et mis hors concours pour dopage récidivant chronique. Ils ont préféré distinguer les meilleurs artisans de l'obstruction et de la censure.




dimanche 2 mai 2010

326° Instants d'émotion...




Avec un peu de retard, du à la laborieuse mise en service d'un nouvel ordinateur, je voulais faire partager à nos lecteurs distants l'émotion de la cérémonie de crémation de Jean Le Bitoux, qui s'est déroulée au Père Lachaise vendredi 30 au matin.

Car si nous, à Paris ou dans quelques grandes villes, vivons nos amours dans une quasi-insouciance, il est bon de rappeler ce que les actions militantes de Jean, et la parution de Gai Pied, en 1979, ont apporté à tous les gays de province, à tous ceux qui, avant notre monde médiatique, étaient complètement isolés et écrasés par la pression sociale, par ce couvercle d'homophobie sous lequel chacun se morfondait dans son coin en se demandant combien de ses semblables étaient capables de le comprendre.

C'est d'ailleurs la phrase type des lettres que les adolescents laissaient à leurs parents avant de retourner au néant : « Papa, Maman, vous ne pouviez pas me comprendre ».


A dix heures du matin, ce vendredi, il faisait bien gris et très frais au Père Lachaise, et les premiers visiteurs, par petits groupes, sont arrivés avec les premières gouttes de pluie. Ambiance triste, empreinte de nostalgie, mais combien d'entre nous ne connaissent le crématorium que pour y être venus dans des conditions trop identiques. Mes quatre précédentes visites, trois sida et un suicide... La mort banale des gays ? En regardant les autres cheveux gris et blancs autour de moi, je comptais les rescapés, et pensais à tous ceux que j'avais connu, aimé, admiré, et qui n'étaient plus. Les chats du cimetière se glissaient entre les groupes, émergeant d'une haie pour s'enfoncer dans une autre.

Photo Heyoka

Bertrand Delanoé et Patrick Bloche sont arrivés à titre privé, à pied, et se sont fondus dans la foule en serrant quelques mains. « As-tu vu untel ? » « Comment va-t-il? » « Il n'est pas là, tiens, que se passe-t-il? »


Tout le monde s'est assis dans la grande coupole du crématorium, ce terminus du tout-Paris avec ses mosaïques naïves un peu défraîchies. Le cercueil est déposé entre les chaises et recouvert, façon militaire-, d'un grand drapeau arc-en-ciel. Le plus bel hommage que nous devions rendre à ce grand soldat de la lutte pour nos libertés.

Un officiant de la maison vient au micro. Il a le physique de l'emploi. Même au milieu d'une fête, sa seule apparition peut éteindre tous les rires. Il ne pouvait faire que cela ou comique troupier. Il nous sert un discours-type, ralentissant sur les petits points du texte pour se souvenir que c'est « notre ami Jean » qui nous a réunis aujourd'hui. Tous les jours, le même texte sert à un nouvel ami.


Pourtant, l'émotion, l'égrégore, va s'emparer de notre petite troupe. Les visages se sont figés, et chacun est attentif aux divers intervenants qui se succèdent au micro. Ce serait trahir une trop précieuse intimité que de les résumer ici. Son frère, son compagnon, si brisé qu'il ne pourra pas lire sa petite oraison, et que le lugubre chambellan devra le faire à sa place. Un militant reconnu viendra, avec des mots justes, rappeler l'œuvre du disparu et dire, comme je l'avais expliqué plus haut, que Jean était du très petit nombre de ceux qui avaient changé la vie des homosexuels français depuis quarante ans.

Il fallait que ce soit dit à ce moment pour que la flamme de la lutte ne s'éteigne jamais. C'est le moment que choisit le soleil pour réapparaître dehors, traverser les vitraux et projeter des taches multicolores sur l'assistance. Une grâce est passée ?

L'assistance défile longuement pour se recueillir devant la dépouille, et jeter des pétales de fleurs. Nombreux sont ceux qui posent la main sur le cercueil. Une dernière accolade à l'ami qui s'en va. Comme à chaque fois. Comme toujours.


Et puis Jean s'en est allé, emporté par une machinerie d'opéra à l'italienne que son humour n'aurait pas dédaigné. Son cercueil disparaît au sommet d'une haute volée de marches, bascule et s'enfonce vers les profondeurs de l'antre dans un grand claquement de trappe métallique. On fait la queue pour signer les registres. On sort frustré, dépité de n'avoir pas donné plus à celui à qui nous devons tant.

L'émotion se dissout. Nos petites affaires nous appellent, on prend congé. Bises par ci, bisous par là, fricassées de museaux. Le ciel est redevenu clair, le soleil pointe quelques rayons.


Une page est tournée , trop vite. La vie continue. La mémoire de Jean, pour les militants homosexuels que nous sommes, est de celles qui ne s'efface pas. Le Mémorial de la Déportation Homosexuelle organisera le 29 mai à 17 heures un hommage solennel à Jean, son fondateur.

Cette cérémonie aura lieu à la mairie du 11° arrondissement, Place Léon Blum. (place Voltaire).