lundi 11 février 2013

442° Le cinéma réinvente la lutte des classes !









Cinquante six ans après l'abolition de la troisième classe par la SNCF, quarante ans après la suppression de la première classe dans le métro, Gaumont-Pathé vient de réaliser un bond décisif dans la diffusion du cinéma et de la culture.


A l'heure où le Louvre et Beaubourg ouvrent des annexes en province pour offrir la culture au plus grand nombre possible, eux, resserrent les conditions d'accès pour faire carré VIP dans la salle, avec des trônes numérotés, s'exonérant de file d'attente et accaparant un espace que le cinephilus simplex, même en faisant la queue, ne peut plus occuper.

D'ailleurs, la presse spécialisée est loin d'être unanimement favorable à une mesure manifestement mal pensée, et les explications données par le circuit, qui prétend avoir réinventé le son stéréophonique, qui existe depuis des décennies, ne sont pas convaincantes.

A la rigueur, ils auraient transformé une paire de petites salles en auditoriums de grand luxe...On aurait pu penser que c'était la loi « impitoyable » du commerce... D'ailleurs, il en existe, que l'on peut louer pour se faire projeter tout ce qu'on veut. La nouveauté n'aurait été que de la faire tourner en permanent.




 Mais faire cohabiter dans le même théâtre des nababs sur trône en cuir posés avec arrogance au bon endroit et reléguant avec mépris le bon peuple dans les coins, c'est réinventer une ségrégation dont le tissu social moderne se passe volontiers.
C'est vrai qu'au théâtre, il y a les fauteuils d'orchestre, le premier balcon, les autres balcons, les galeries et les loges... Mais une séance de cinéma ne sera jamais une représentation théâtrale...

Technicien du cinéma à la retraite, j'ai été de longues années salarié successivement par ces trois sociétés. D'abord, Pathé, puis Gaumont, puis par la fusion des salles Gaumont et des salles Pathé intitulée Europalaces. Si j'ai vécu, avec les deux premières, des moments relativement intéressants, le dernier souvenir que je conserve de la troisième est l'image d'un prétoire de prud'hommes dont je suis sorti perdant peu de temps avant ma retraite. C'est dire si je ne suis pas surpris des manières de cet exploitant, dont chaque initiative a heurté ma culture cinématographique jusqu'au clash final...

Dans un cinéma, les meilleures places sont effectivement le carré de fauteuils du milieu. -Plus ou moins avancé suivant le rapport de taille salle/écran.
Et ceci pour deux raisons :
D'abord pour voir une image sans déformation, des carrés bien carrés et des ronds bien ronds, il faut être en face de l'image. Seuls les amoureux qui préfèrent l'obscurité vont se terrer dans les coins.
Ensuite pour profiter du son stéréophonique, dont les effets ne sont pas uniquement gauche/droite, mais également avant/arrière, il faut également être placé au milieu.

Votre serviteur en 1984, au Pathé-Marignan, sur les Champs Elysées...
La stéréo au cinéma, qui dispose en général de six pistes, est déjà ancienne : ce ne sont pas les nouvelles installations dont Pathé se prévaut qui vont l'inventer. Sans doute sont-elles d'une qualité encore améliorée, mais ce qui existait avant, même du temps de la pellicule, n'était pas négligeable.
Avec le passage au tout-numérique, c'est même devenu exceptionnel.

Les cinéphiles gèrent donc ces critères pour se placer dans la salle, le plus près possible du centre.

Ils ne pourront plus, sauf à s'offrir le supplément Premium... Les titulaires de cartes d'abonnement, autant dire les vrais cinéphiles, n'y auront plus doit, sauf à s'acquitter d'un surclassement. Et pas rien : le supplément serait de 2€ pour les titulaires de tickets « plein-pot » et de quatre à cinq euros pour les abonnés.

Donc voir le film d'une mauvaise place, ou payer quasiment le double. Consolons nous en nous disant que le Wepler est une salle de version française, et que les cinéphiles fréquentent davantage les salles de VO. Mais la carte d'abonnement n'est pas l'apanage des seuls cinéphiles : bon nombre de petits retraités en possèdent une pour assister aux séances de l'après-midi, peu fréquentées en semaine, et où ils pouvaient choisir librement leur place sans offenser le dieu marketing.
Personnellement, je ne suis pas concerné : lorsque MK2 a « divorcé » de la carte Gaumont-Pathé pour s'associer à l'UGC, je l'ai suivi : J'habite près du MK2 Bibliothèque, qui est, de mon avis de technicien, l'un des tous meilleurs cinémas de Paris. (Même s'il faudrait d'urgence revoir les fauteuils, surtout dans le carré du milieu!!!).

Néanmoins, l'avis du cinéphile que je suis est que pour faire face à la dématérialisation des supports, le cinéma doit baisser ses tarifs. Le passage, l'an dernier, au tout numérique, qui supprimait d'énormes frais de laboratoire et de copies en était l'occasion idéale. Or si les frais d'exploitation ont baissé, le spectateur n'a pas vu baisser le prix du billet...

Enfin, et pour avoir travaillé quarante ans dans des complexes cinématographiques, et non des moindres, je m'interroge sur deux choses :
D'abord les modalités -pratiques- d'application de cette stupidité : comment, une fois la salle éteinte, empêchera-t-on les spectateurs de changer de place ?
Ensuite, la moindre contrariété d'un spectateur se paie facilement cash par un fauteuil déchiré... Or là, le mécontentement du spectateur frustré va être précisément focalisé sur... les fauteuils...

De beaux casse-têtes en perspective.. …...
Amusez-vous bien les gars, mais sans moi ! Que c'est bon d'être à la retraite... !



dimanche 10 février 2013

441° L'abcès est-il définitivement crevé ?






Les deux derniers mois de l’actualité, et surtout les deux dernières semaines de débat parlementaire ont permis de faire sortir le pus nauséabond de l'infection homophobe.

Tout ce qui se disait en aparté sous les soi-disant respectables lambris des beaux quartiers et la prétendue bonne société a été étalé au grand jour. Toutes les peurs, les haines, les rancœurs sournoises, et aussi pas mal de frustrations et de fantasmes ont fait irruption dans le débat public.
photo Maxime Lejat
Le premier qui avait expliqué ses fantasmes tout haut était le cardinal Barbarin, au mois de septembre dernier. Alors qu'en demandant à pouvoir se marier comme tout le monde, les « homos » ne demandaient que la reconnaissance de leur amour, Barbarin, lui, semblait voir s’entrouvrir une porte vers ses fantasmes les plus démoniaques. «  ils vont vouloir faire des couples à trois ou quatre, et après, la barrière de l'inceste tombera ». 

Doucement, monsieur l’archevêque, il y a plein de gens sensés qui écoutent ! Ne confondez pas le micro de la radio et celui de votre église. L'auditoire n'est pas le même.

Depuis, lors des manifs et du débat, ça n'a été que redites et litanies de slogans mensongers et et questions reposées à l'infini bien que la réponse leur eût été donnée.
Mille fois, manifestants et députés ont déclaré les homosexuels incapables d'élever des enfants alors que les observations faites dans les pays où cette situation existe depuis longtemps démontre le contraire.
Mille fois, manifestants et députés ont déclaré que les institutions religieuses n'avaient été entendues que quatre minutes par la commission, alors que :

1° Elles n'avaient pas à être entendues dans un débat républicain, -et donc laïque-, sur le mariage civil.
2° Par pure grandeur d'âme, elles l'ont été pendant deux heures quarante minutes le 29 novembre 2012, enregistrements à l'appui mis en ligne sur Dailymotion.

Cinq mille fois, l’opposition a multiplié des amendements dont certains, vu leur caractère ordurier, zoophile ou injurieux auraient valu à leurs auteurs une convocation par le tribunal s'ils n'étaient hypocritement couverts par l'immunité parlementaire qui en permet de belles...




Qui aurait imaginé que les tréfonds de la société française recelaient pareils amoncellements de haine, de mépris, de suffisance, d'égoïsme ?
Qui aurait pensé que nos donneurs de leçons « professionnels », élus pour « représenter la parole du bon peuple » viendraient, « au nom de leurs électeurs », servir pareil bouillon d’infamie ?
Qui aurait cru, dans un autre sens, que le débile homophobe qui ronge sa frustration dans son coin en insultant les « assumés » et à la limite en les frappant la nuit dans les coins déserts allait trouver un député pour déverser au parlement, en langage politique, les logorrhées de fumier oratoire qu'il échange habituellement avec ses potes au café du coin ?
Qui aurait prédit qu'on trouverait en France, à l'instar des États Unis, des gens assez peu scrupuleux pour faire commerce d'homophobie, vendre de la haine pour redorer un blason d'artiste en panne ou tenter de se faire une place dans le petit grouillement parisiens des m'as-tu-vu ?

S'il était besoin d'une démonstration supplémentaire des ravages que peut faire la politicaillerie, y a-t-il meilleure illustration que ce débat ? La France est largement favorable au mariage homosexuel : il devrait en être de même dans les partis politiques...
Parmi les opposants, il doit bien s'en trouver qui votent à l'encontre de leurs sentiments personnels par discipline et appât de la réinvestiture de leur parti, engageant ainsi tout le pays et surtout les quelques sept millions d'homosexuels des deux sexes qu'il compte, dans la régression, l'inégalité et le malheur ?

Et qui a profité pleinement de cette cacophonie ? Les rares homophobes idéologiques, qui ont trouvé pour répandre leurs discours de haine des foules d'auditeurs qu'une campagne politique et démagogique, donc mensongère, a amené là pour des nécessités purement médiatiques ? ..

Quelle catégorie de gros cons a presque trouvé une stature dans ce répugnant déballage ? L'homophobe hypocrite, le pire de tous, celui qui proclame « Je ne suis pas homophobe, mais tout de même... ».
N’oublions pas que le fond de l'homophobie est une frustration : celle de ne pas s'autoriser à vivre la liberté sexuelle dont les autres profitent. Un sorte de jalousie du coincé du calbard devant celui qui s'épanouit.
Vous noterez que les homophobes attaquent toujours en bande, jamais seuls. Seuls devant un gay, ils se sentent péteux, réduits à leur frustration et à leur mal-baisance. Et ce sont eux qui prennent la baffe dans la figure.
En bande, ils cachent leurs faiblesses dans les hurlements de la meute, dans le mythe collectif qui leur permet de brandir dans l'action une bannière hétérosexuelle, chacun croyant être le seul mal-baisé du troupeau et espérant cacher son petit drame personnel en se mêlant aux vociférations. Dans la réalité, les bandes de casseurs de pédés ne sont que de malheureuses associations de caleçons en berne. On le constate d'ailleurs très bien au tribunal, lorsqu'ils doivent, tout penauds, raconter par le menu leur misérable existence à des juges souvent avides de détails croustillants.

Pour l'opinion publique, le débat a assez duré. La loi est votée. Frigide et son blondinet ne déplaceront plus au mois de mars qu'un quarteron d'intégristes, quelques grenouilles de bénitier et une escouade de crânes rasés.

La France a balafré son image de pays des Lumières, de la révolution, de la Laïcité, de la République et des Libertés. Elle a montré son retard par rapport aux autres pays, qui ont adopté la mesure sans tapage, y compris les très catholiques Espagne et Portugal, qui ont bien vu passer une manif, mais n'ont pas sombré comme nous dans un nauséabond déballage d'alcôve.

Tréfonds de la honte, en Angleterre, la mesure a été prise par les conservateurs. Nous cumulons la droite la plus bête du monde et la gauche la moins dynamique. Car si cette loi avait été préparée en même temps qu'elle était promise et adoptée dans les deux premiers mois de la législature, la droite n'aurait pas eu le temps d'agiter le marigot jusqu'à en faire remonter les boues et les limons les plus méphitiques.

Jusqu'ici, je croyais, naïvement, semble-t-il, qu'on allait manifester pour réclamer des droits supplémentaires ou refuser qu'on retire ceux que vous possédez déjà.
Jamais je n'aurais imaginé des Français capables de manifester pour exiger qu'on prive certains d'entre eux d'un droit que eux, possèdent déjà. Je trouve le principe parfaitement pétainiste.

Et pourtant, on n'a gagné qu'une bataille contre l'obscurantisme, pas la guerre : il va falloir gérer l'adoption et la PMA. Les gargouilles du Moyen-Age n'ont pas fini de cracher leurs insanies.