Macron accepte le
titre de Chanoine de Latran.
Soucieux de
s’attirer les bonnes grâces de l’église vaticane, et de
légitimer le « droit divin » dont elle se prétendait
investie, la royauté française a toujours chouchouté l’institution
catholique romaine.
C’est ainsi qu’en
1482, Louis XI avait accordé au chapitre de Latran des droits
sur l’abbaye de Clairac, en Aquitaine. Des droits chanoineaux sur
une abbaye, c’est une façon déguisée d’accorder une rente :
les grandes abbayes royales avaient un statut quasiment seigneurial
sur leur région et percevaient impôts et bénéfices sur les
productions agricoles et artisanales locales.
En signe de
reconnaissance, depuis ce temps béni, le chef de l’état français
était, sitôt désigné, officiellement reconnu comme « chanoine
de Latran ». Un échange de bons procédés qui permettait
aussi à l’église vaticane de poser une sainte pantoufle dans les
allées du pouvoir.
C’est alors une
escalade d’amabilités : le chapitre de Latran érige une
statue d’Henri IV dans la basilique, et en 1729, Louis XV augmente
les revenus de l’abbaye de Clairac et les complète de ceux d’un
prieuré voisin créé pour la circonstance.
Suivant la
personnalité des chefs d’état, le procédé a plus ou moins
fonctionné. Tous les rois l’ont accepté, jusqu’à faire entrer
dans les habitudes cette détestable expression suivant laquelle « La
France serait la fille aînée de l’église ».
A partir de la
Révolution, plus aucun chef de l’état n’a accepté de brandir
le goupillon, jusqu’à René Coty. Il avait de qui tenir, le brave
Coty, puisqu’en tant que sénateur, il avait en 1940 voté les
pleins pouvoir à Pétain, ce qui ne l’a pas empêché, après la
guerre, de succéder à Vincent Auriol et de finir une carrière
politique couvert d’honneurs et de reconnaissance. Pour ses bons
services, il fut même élu après son mandat membre de l’Académie
des sciences morales et politiques.
Dans l’histoire
récente , les subtilités de la diplomatie ont compliqué le
processus : on a coupé la poire en deux et fait la différence
entre « accepter le titre » et « aller à Rome
s’asseoir symboliquement dans la stalle du chapitre de Latran ».
Charles de Gaulle,
Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac ont fait la totale :
accepter le titre et aller siéger à une tenue du chapitre du
Latran. Georges Pompidou et François Mitterrand ont accepté le
titre, mais ne sont pas allé à Rome.
Nicolas Sarkozy….
Ah. Celui-là…
Il faut savoir que
ceux de ses prédécesseurs qui sont allés à Rome l’ont fait
discrètement.
Nicolas Sarkozy a
fait du Sarkozy. Non seulement il a accepté le titre et la cérémonie
romaine, mais il a demandé que ladite cérémonie soit agrémentée
d’un faste inhabituel, et qu’il puisse y prononcer un discours officiel qui, pour
la première fois, serait télévisé.
Et son discours a
été une gifle à la face de la République… C’est là qu’on l’a
entendu confirmer les racines chrétiennes de la France et faire un
éloge de la foi qu’il présente comme un pilier de la conviction…
républicaine !
On l’entend même
proférer cette insulte suprême à la laïcité :
« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ».
François Hollande,
lui, accepte le titre en précisant bien « par tradition »,
mais se garde bien d’aller se montrer à Rome et de prendre voix au
chapitre.
Et Macron ?
Sollicité par les
voix chapitrales et romaines, Emmanuel Macron répond qu’il accepte
le titre de chanoine de Latran, mais il ne dit pas encore très
clairement s’il ira à Rome ou pas.
Certains journaux
(le Figaro, le Point) écrivent qu’il hésite, d’autres (La
Croix, Familles Chrétiennes) le voient déjà officiellement
installé dans la stalle romaine.
Il pourrait opter
pour la solution de « ne pas le faire exprès ». Il y a
déjà un moment qu’Emmanuel Macron a déclaré souhaiter
rencontrer le pape. La date et les conditions de cette entrevue n’ont
pas encore été décidées, mais ce pourrait être « à
l’occasion » d’une visite à Rome que le méprisant de la
république pourrait « au passage » aller poser son séant
dans la stalle capitulaire qui lui est réservée.
Pour être
« valable », cette cérémonie doit avoir lieu en
décembre, qui est l’anniversaire traditionnel de la dévolution du
siège du chapitre au pouvoir français.
Si l’onction
n’avait pas lieu en décembre, Jupiter pourrait argumenter de ce
décalage calendaire un « caractère symbolique et
traditionnel » qui atténuerait le caractère de soumission que
contient le protocole..
Attendons pour voir.
Après avoir essayé d’être "en même temps" de droite et de gauche, il est bien
capable de vouloir être "en même temps" à la fois laïc et cul-bénit.
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