Avec internet et les
réseaux sociaux, le privilège de s’adresser aux foules n’est
plus réservé à une « élite » de communicants.
Tout un chacun peut
maintenant propager urbi et orbi des considérations qui jusque là,
ne dépassaient pas le comptoir du bistrot du coin. Ce qui compte,
ce n’est plus la valeur du message, mais son aptitude à hameçonner
des foules qui errent avec l’ignorance grande ouverte prête à
gober n’importe quoi. La qualité de ces appâts, leur aptitude à capturer des pêches fructueuses de gogos a un nom : le buzz.
Hormis la permanente
tentation offerte aux esprits faibles de prioriser des broutilles au
détriment des sujets importants et d’adopter des élucubrations
populistes à la place des solutions réalistes, cette recherche du
sensationnel a une fâcheuse tendance à noyer les vrais problèmes
dans le flot d’information.
Cette rapide
circulation des données a donc à la fois des avantages et des
inconvénients.
Elle a l’avantage
de permettre à de grandes causes justes d’apparaître enfin sur le
forum international.
Les sujets sont
légion : scandales écologiques, abus de pouvoir des
dictateurs, abus de pouvoir des multinationales, publicités
mensongères, détournement des lois et des fonds publics, oppression
et discriminations de minorités.
Elle a
l’inconvénient de donner un auditoire planétaire à n’importe
quel illuminé qui, au bon vieux temps, ne propageait pas ses
insanies au-delà du bistrot de sa rue.
Et on sait que les
bonnes choses doivent être consommées avec modération.
Ainsi, cette affaire
Weinstein, ce producteur hollywoodien accusé par de nombreuses
femmes d’avoir abusé de son autorité pour s’octroyer leurs
faveurs sexuelles.
On ne peut que se
satisfaire de voir enfin sauter le couvercle-étouffoir de la
pression sociale qui empêche depuis si longtemps les femmes de
dénoncer les abus dont elles sont victimes.
Il y a un moment
déjà que ce couvercle tremblait, poussé par la révolte. La révélation au grand jour
des harcèlements de rue et des quartiers interdits aux femmes qui
agite les médias européens laissait présager le sursaut auquel on
assiste. La dénonciation de ces pratiques, si elle participe à une
restauration de l’égalité des sexes, ne peut être que salutaire.
Alors voilà, c’est
fait. L’affaire d’Hollywood ouvre une brèche dans l’odieuse
bienséance, l’abus de pouvoir et le machisme. (J’avais écrit
« machisme déplacé », mais c’est un pléonasme, non?)
D’autres victimes
accusent d’autres agresseurs. Internet fait le reste. De nombreux
vilains messieurs doivent sentir leurs attributs se recroqueviller
dans leur emballage dans la crainte de révélations susceptibles de
briser leur vie et leur carrière.
Or il faut quand
même constater qu’en brisant la vie et la carrière d’un gros
con, on brise aussi sa famille, la vie de sa femme et de ses enfants
qui eux, sont innocents…
Et par ailleurs, il
faut se douter que ce genre d’accusation va maintenant être
employé à tort et à outrance dans tous les règlements de comptes…
Le site « balance ton porc » ne servira-t-il qu’à
balancer des porcs ?
Les esprits sans
scrupules n’y verront-ils pas une occasion rêvée de se
débarrasser d’un gêneur ?
Les exemples de
détournement de lois protectrices ne manquent pas.
Les avocats vous
diront volontiers que des accusations de pédophilie et d’inceste
sont portées dans 15 % des affaires de divorce, mais qu’elles
ne s’avèrent justifiées que dans 0,5 % des cas.
Les homophobes
accusent volontiers les homosexuels de pédophilie, notamment
lorsqu’ils prétendent s’opposer au mariage pour tous.
Même accusation
lorsque ces mêmes homophobes prétendent dénier aux homosexuels le
doit d’être enseignant.
Or les chiffres
officiels de la police et de la justice s’accordent à dire que
91 % des affaires de pédophilie sont « hétérosexuelles ».
En vertu de quoi un
parent ou un enseignant hétérosexuel serait-il « délivré de
la tentation pédophile » plus qu’un enseignant homosexuel ?
Combien de conflits
de voisinage, de conflits professionnels, d’affaires de familles
vont se régler sur « balance ton porc » ?
Est-ce une raison
pour renoncer à toute dénonciation ? Des esprits chagrins se
sont empressés de faire des rapprochements avec les précédents de
la « dénonciation » dans l’histoire, qui ne sont pas
vraiment glorieux…Sachant dans ces périodes troubles, on a assisté
aux mêmes débordements et aux mêmes règlements de comptes…..
Il va falloir gérer
tout cela et ça ne va pas être simple, d’autant plus que la
presque totalité des accusés de « balance ton porc »
réagissent avec une plainte pour diffamation…
N’attendez pas de
moi une réponse ; je me contente de poser le problème dans
toute son acuité et de le regarder avec un « grand angle »…
© AFP
L’un des derniers
avatars de cette dénonciation collective est la mise en cause de
Tariq Ramadan, que je mentionnerai en laissant aux autres le soin de
la commenter.
Il est vrai que voir
un moraliste empêtré dans ce genre d’histoire réjouit plutôt
les défenseurs d’un monde libertaire et laïque...
Nordpresse.be,
le site satirique, publie une désinformation d’où il ressort que
l’intéressé ne se sentirait pas atteint par l’accusation de
viol « conforme à l’islam », mais par l’amalgame du
violeur avec un porc…
D’autres sites et
tweets laissent entendre qu’avec son double langage, il doit avoir
deux langues qui devraient lui permettre de réjouir les femmes sans
avoir besoin de les violer…
Sans réaction à ce
jour de la part de l’intéressé, on attend pour voir ce qui va se
passer.
Sur un autre sujet,
s’il était besoin de démontrer avant qu'elle ne prenne sa retraite que Christine Boutin était
vraiment homophobe, elle vient de le faire elle-même dans une
récente déclaration.
Habituée des
vérités tronquées et des vues partielles et partiales, incapable
comme toujours d’appréhender les problèmes dans leur globalité,
elle ne voit dans « balance ton porc » qu’un
« dégueulis d’accusations » qui vont ««abîmer
profondément les relations entre les hommes et les femmes»
Pour elle, il semble
que quelques mains au panier, même sous la contrainte, ne nuisent
pas aux bonnes relations sociales, et que les femmes devraient
l’accepter comme un compliment.
«La
grivoiserie fait partie de l’identité française et j’aime bien
la grivoiserie», a-t-elle affirmé.
Les homosexuels
n’avaient pas remarqué.
Et les hétéros,
je ne sais pas, mais permettez moi de douter…
« Les
débats actuels me passent par dessus la tête »
a-t-elle même ajouté.
Ce ne sont pas les
premiers…
Rappelons que pour
avoir dit que « l’homosexualité est une abomination »,
Christine Boutin a été condamnée en appel le 2 novembre 2016 à
verser 5 000 euros d’amende pour incitation à la haine en
raison de l’orientation sexuelle, ainsi que 5 000 euros de
dommages et intérêts à chacune des trois associations parties
civiles : l’Inter-LGBT, Mousse et le Refuge.
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