Xavier Dolan - Les Amours Imaginaires
Tous ceux qui ont vu « J'ai tué ma mère » du jeune Quebecois Xavier Dolan attendaient avec impatience ces « Amours imaginaires » pour des raisons aussi diverses que, parfois, opposées.
On pouvait craindre que l'hystérique et anticonformiste « J'ai tué ma mère » ne soit que le cri sans suite d'un jeune homme qui avait trop de choses à dire... Eh bien non. Même si la « méthode Dolan » se retrouve dans ce second film, beaucoup de choses ont changé. Le film est posé, plus construit, mieux photographié.
Malgré la légèreté de sa mise en œuvre, Xavier Dolan ne tombe pas dans ce stupide maniérisme de la caméra à l'épaule des cinéastes qui veulent faire moderne mais n'y parviennent pas. ("Simon Werner a disparu", filmé par un parkinsonien...) La caméra est sur pied, l'image stable, subtilement éclairée, léchée, cadrée au millimètre... Et on reste pourtant bien dans une expression d'avant-garde.
Le numérique permet, outre la légèreté du tournage, un grain et une couleur, ici délicieusement saturée, qui donne à certains plans des allures de tableau. Choisissez bien une salle qui projette également le film en numérique pour profiter de tous ces bienfaits.
Le montage en saynète est le mode d'expression favori de l'auteur, au point que ses films ressemblent à une galerie de tableaux. On passe d'un tableau à l'autre tout au long de la non-intrigue à un rythme qui varie suivant l'humeur du moment.
Car si l'argument est quasiment inexistant, la substance du scénario réside bien dans cette sensibilité à fleur de peau qui caractérisait Xavier Dolan dès son premier film.
Au point que je me suis demandé en sortant si ce couple d'hétéros qui avançait près de moi avec les lèvres pincées avait vu le même film que moi. La question n'a jamais été résolue et on manque de données pour le faire : existe-t-il un sens supplémentaire gay ? Les anglo-saxons lui ont trouvé un nom : le gay-dar. Les latins et les Français se contentent de constater que nombre de grands artistes sont homosexuels, mais ne vont pas pour autant regarder les pédés comme une élite. Sans doute ont-ils raison, la connerie étant en ce bas monde universellement partagée.
Mais peut-être quand on a du se protéger derrière une double vie dès son enfance a-t-on développé un sens de l'imaginaire et de la création alors que les hétéros, qui n'ont eu qu'à être ce qu'ils étaient et n'ont jamais eu aucun change à donner ni aucun personnage à construire, ont échappé à cette contrainte.
Juste pour mention, dans la deuxième partie de cet article, ce jeune homme qui s'est donné la mort devant les persécutions homophobes de ses camarades : violoniste de talent... L'art comme refuge du désespoir ? La création comme une vie parallèle où on peut s'inventer un monde sans beaufs et sans gros cons ? On ne va pas trouver la solution aujourd'hui, mais c'était une excellente occasion de se poser à nouveau la question.
Les critiques se shootent à l'aspirine pour trouver « les maîtres » de Xavier Dolan. Bertolucci ? Oui pour la description des douleurs personnelles, mais non parce que Bertolucci est exhibitionniste et Dolan très pudique. Woody Allen pour les monologues des personnages seuls face caméra et les retour en leit-motiv de personnages extérieurs à l'intrigue qui viennent resituer l'action dans un monde de brutes... Déjà plus... Wong Kar Wai avec ses gros plans monochromes de mains effleurant des corps, Visconti avec ces visions éthérées de héros masculins...
Certes Xavier Dolan a beaucoup vu, beaucoup retenu, mais il fait délibérément du Dolan, avec des dialogues très écrits (par lui), des gros plans d'yeux et de lèvres, des petits tics et gestes inattendus qui font sens dans son image alors qu'on les aurait expurgés d'un film conventionnel, une illustration musicale pleine d'à-propos...
A la fin du film, Louis Garrel fait une courte apparition qui relance tout à la fois l'histoire sans fin qu'on vient de voir et préfigure le rôle principal qu'il occupera dans le prochain Dolan « Lawrence anyways », où il tiendra le rôle d'un garçon qui veut changer de sexe.
Ces deux-là devaient se rencontrer. Il font autant de victimes l'un que l'autre par leur torride séduction et leur sensibilité à fleur de peau. Ce sera une association riche mais compliquée, faite de paradoxes, entre le cinéma de Xavier au ton explosif mais à l'image chaste et celui de Louis, plus introverti encore, mais très impudique...
Courez voir « Les Amours imaginaires », si possible en projection numérique.
Le suicide des adolescents gay devant l'homophobie.
Le phénomène n'est pas nouveau, ce qui serait nouveau, c'est qu'on en parle sérieusement. En France, le suicide tue plus que les accident de la route. Comparez ce qu'on dépense pour enrayer les seconds aux moyens qu'on développe pour éviter les premiers.
http://brethmas.blogspot.com/2008/11/208-prvention-du-suicide-des-ados-face.html
http://brethmas.blogspot.com/2010/03/315-les-morts-utiles-et-les-morts.html
Actuellement, à peine le tiers des établissements scolaires bénéficient d'une formation adaptée propre à décourager l'homophobie. Pour arriver devant son public de têtes blondes, cette formation doit passer sous les fourches caudines de toute une série d'autorités dont chacune a sur lui droit de vie et de mort, du président de région à l'inspecteur d'académie en passant par le directeur d'école, le prof principal et même les assoces de parents d'élèves un peu rétrogrades. Autant dire le parcours du combattant. Bien heureux si, dès sa création, une association de cul-bénits ne tente pas de faire carrément interdire un film éducatif au prétexte que l'homosexualité y est présentée comme une variante de la nature.
Les pressions sont telles qu'un documentaire sur les horreurs du machisme, « La Cité du Mâle » avait été déprogrammé d'Arte au début du mois pour être finalement, toute honte bue, remis à l'antenne mercredi dernier.
Un nouvel épisode d'imbécillité meurtrière vient de se dérouler aux Etats Unis.
Quatre jeunes gens ont mis fin à leurs jours en quelques semaines pour échapper à la vindicte de leurs camarades, d'autant plus prégnante là-bas que le pays est pétri de religiosité.
Qu'on ait coincé par ailleurs un pasteur homophobe qui se faisait des mecs ne va pas nous consoler pour autant. Certes, l'évènement démontre que « les homosexuels sont partout », mais l'image que celui-là nous donne est celle d'un pédé honteux, fourbe et de mauvaise foi. On s'en passerait bien.
Ah si les Baptiste pouvaient, comme les cathos, s'offrir un site de rencontres gay réservé à leur clergé...
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