.
L'appréciable victoire de monsieur Obama me semble relever davantage du domaine du symbole et de la philosophie que de celui du changement radical.
Sans doute la venue d'un président noir peut-elle réprésenter une image forte de l'unité de la race humaine, et apaiser les tensions qui se tissent autour de l'image de l'Amérique, notamment dans le tiers monde et les pays « non-blancs », laïcs ou non chrétiens.
Mais n'imaginons pas que les USA vont cesser d'être les USA. Ne croyons pas que l'ultra libéralisme va cesser d'écrire le scénario du monde, que la religion, dont monsieur Obama se prévaut d'ailleurs autant que son opposant, va reprendre sa place de conviction personnelle et cesser d'inspirer les actes politiques et militaires du pays, n'imaginons pas non plus que l'impérialisme et l'esprit de croisade de l'Amérique se sont dissous dans la défaite républicaine, ni même que le racisme pur et dur a reçu son coup de grâce.
Il n'est que de jeter un œil sur les « chats » américains de ce matin pour voir la cristallisation des nostalgiques du « WASP system », qui affichent soudain sur leur profil des tags insultants, racistes, frustrés et révoltés contre leur nouveau président.
Sans aucun doute faut-il se réjouir de ce qui nous arrive. Car si cela s'est produit aux USA, « cela nous arrive » aussi à nous, tant le rayonnement de ce pays influe sur notre quotidien.
Mais.... Si l'apaisement que cette élection va sans nul doute inspirer dans nos banlieues n'est pas habilement transformé par notre gouvernement en une réelle émancipation sociale, la déception à l'arrivée n'en sera que plus amère et les réactions plus violentes... Or cela, ce sont précisément les choses qu'on ne comprend pas à l'Elysée et rue de Grenelle. Et encore moins au Medef.
Notre regrettable président va être un peu déçu. L'archi-ultra-libéralisme qu'il nous donnait pour modèle a perdu ses représentants les plus significatifs. Les croisés du christianisme qu'il semblait admirer au point de soutenir leurs ratonnades ne vont plus faire la loi, mais force est de constater que leur empreinte ne disparaît pas: si monsieur Obama veut retirer ses troupes d'Irak, il envisage de maintenir et même de renforcer son contingent en Afghanistan, où notre Sarkozy se complaît à aller guerroyer de concert malgré les revers qu'il y essuie.
La démolition du code du travail et la précarité de l'emploi dont il voyait outre-atlantique des modèles absolus pourraient, dans de modestes proportions- cesser d'être d'incontournables conditions de succès de l'économie, et l'absence d'un système national de santé qu'il nous présentait comme l'avenir de la médecine semble avoir du plomb dans l'aile, ce serait même notre système français qu'il décriait tant qui va servir de modèle à celui dont l'Amérique veut se doter...
Les Britanniques, ce hibou sur l'épaule de l'oncle Sam, vont être privés de croisades et de fracture sociale organisée, et le thatchero-blairisme voit ses idéaux anti-sociaux durement vilipendés et balayés par la victoire démocrate d'outre-atlantique. Les démocrates américains seraient-ils plus à gauche, -enfin moins à droite- que les travaillistes anglais? On peut faire confiance à ce peuple insulaire pour porter jusqu'à l' engloutissement ultime du navire l'étendard du conservatisme le plus dur.
Les Etats Unis n'avaient pas, comme la presse et l'opinion le déclaraient volontiers, le choix entre un bond en avant et un retour en arrière. Leur latitude se limitait juste à renoncer douloureusement à un passé médiéval pour s'installer dans un présent à replâtrer. Les projets d'avenir radieux restent une quasi-utopie qui devra affronter tous les démons de la réaction, de la religion mal comprise, de l'économie déshumanisée et de la finance mafieuse.
Obama va-t-il, par exemple, abolir la peine de mort?
Antenne 2 montrait avant hier une militant républicaine, une grosse dondon avec de la verroterie aux oreilles et aux poignets, un catalogue de marchand de couleurs sur la tronche et une choucroute sur la tête, qui téléphonait aux braves gens devant la caméra du journaliste français en leur disant:
« Si vous votez Obama, l'Amérique va devenir comme la France et l'Afrique: communiste ! »
Et comme le journaliste français s'étonnait de ces déclarations et tentait d'éclairer sa lanterne, elle lui répondait, en français d'ailleurs:
« Bien sûr, vous êtes communistes, vous n'êtes pas libres, vous n'allez pas m'apprendre comment est le monde ».
Elle voyait la France quelque part entre Israël et la Russie, mais elle possédait deux téléphones pour propager sa science au nom du parti républicain. Normal qu'il ait perdu? Êtes-vous bien sûr que les militants démocrates faisaient beaucoup mieux?
Alors, croisons les doigts. D'abord pour qu'on ne nous l'assassine pas! On a déjà essayé. Au pays des armes à feu, beaucoup doivent en rêver. Malgré la dimension que l'on donne à l'événement de son élection, Obama n'est que le ferment d'une transformation que tous les humanistes souhaitent. Il a besoin de temps, de consensus. Il est intelligent, rassembleur, fédérateur.
Mais plus il aura de « voyants au vert », plus il suscitera de sympathie et plus fort sera le mouvement qu'il initiera, plus motivés seront ses ennemis, plus aigris les réactionnaires, plus furieux les conservateurs, plus agressifs les aveuglés de l'américan way of life.
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire