L’idée d’un
grand débat, ce n’est pas une idée de génie, c’est tout
simplement -et enfin – ce qu’on aurait du faire depuis longtemps,
ce que les gouvernements précédents ont toujours retardé, et que
ce gouvernement a fini par accepter parce que les Français lui ont
mis le couteau sous la gorge.
Il est évident
qu’il va falloir remettre beaucoup de choses sur le métier pour
permettre au pays de redémarrer sur de bonnes bases.
J’ai donc lu avec
attention la lettre que le président des riches a bien voulu rédiger
à l’attention du petit peuple qui renâcle. D’emblée, on sent
le départ de monsieur Sylvain Fort, qui était à l’Élysée la
plume de Jupiter.
Finies les grandes
envolées lyrico-romantiques, les accents gaulliens d’apothéose
républicaine, les glorieux couchers de soleil sur la grandeur de la
patrie. Le magicien des mots est parti, et ça se sent.
Le pensum reste une
bonne rédaction sans doute moultes fois relue et corrigée, expurgée
des répétitions et autres maladresses linguistiques, mais quand
même un peu tristounette.
Toutefois, dès les
premières lignes, une grosse arête vient entraver la mastication. :
« Je n’ai
pas oublié que j’ai été élu sur un projet, sur de grandes
orientations auxquelles je demeure fidèle. »
Premier boulet dans
le bel édifice rédactionnel : Non, monsieur Macron, vous
n’avez pas été élu sur votre projet. Votre projet, il a
recueilli 17 % des voix au premier tour. A deuxième tour, vous
n’avez été élu que comme parapluie contre Marine Le Pen…
Après cela, la
lanterne dont vous vouliez éclairer votre discours n’est plus
qu’une vessie…
Comment vous
croire maintenant? D’autant plus que vous avez balayé d’un
revers de manche les requêtes considérées par les Français comme
un véritable préalable à l’ouverture d’un vrai débat :
l’impôt sur la fortune.
Vos technocrates
auront beau essayer de me persuader que j’ai appris l’économie
dans Picsou Magazine. C’est une de leur façon de mépriser le
petit peuple. En fait, effectivement, je n’ai pas appris l’économie
comme une science abstraite, mais en payant mes factures, en essuyant
les refus que mes patrons opposaient à mes demandes d’augmentation,
en allant pleurer chez mon banquier pour qu’il me permette de
bouffer jusqu’au 31, et en constatant que ma retraite va en
diminuant alors que pendant quarante ans, mes cotisations ont été
en augmentant.
Et en voyant bien
des choses écœurantes dont je ne vais pas refaire la liste,
d’autant plus que je suis persuadé que les scandales qui
n’éclatent jamais sont bien plus nombreux que ceux que je peux
voir.
Utile ou pas,
l’impôt sur la fortune est un symbole de justice fiscale. Quand ça
vous arrange, vous n’êtes pas le dernier à brandir le symbole à
l’appui des valeurs dont vous êtes ou vous croyez être le garant.
Votre souci du symbole est allé jusqu’à changer l’entête du
papier à lettre de l’Élysée…
C’est dire !
Mais le symbole
n’est pas seulement un artefact réservé aux élites. Le symbole
parle, il représente, signifie. Et en l’occurrence, celui de l’ISF
est perçu comme un signe de justice fiscale.
Seraient également
perçus comme des signes de justice fiscale la réduction des taxes
sur le gaz et l’électricité, qui sont toutes deux supérieures à
50 %.
Il suffirait de
considérer que ce sont là des produits de première nécessité.
Mais ça ne vous arrange pas, hein ?
Vous préférez
transformer en flat tax une taxe sur les revenus boursiers dont les
bénéficiaires se comptent plus parmi vos camarades de pouvoir que
dans le peuple laborieux.
Une bonne mesure
serait également de ramener à au moins 8 ou 10 le nombre de
tranches sur l’impôt sur le revenu : il serait ainsi plus
progressif. Sans tomber dans les 14 tranches promises par monsieur
Mélenchon, un étalement plus large de l’assiette assurerait une
meilleure équité.
Sans doute espérez
vous que les Français vont s’égarer dans les histoires
d’immigration, et sur les valeurs laïques à propos desquelles
vous faites tout votre possible pour créer la zizanie… Cela vous
permettrait sans doute de poursuivre « sous la table » le
plan financier inexorable qui est le vôtre de rétrograder les
classes moyennes au niveau de « la France d’en bas ».
Vous y laisserez vos
dents. La France d’en bas emplit les rues, brûle quelques voitures
et tague quelques murs. Les classes moyennes sont les forces vives
dont les nantis ont besoin pour dominer. La gageure est bien
différentes.
C’est l’humoriste
Guillaume Meurice qui a le mot de la fin à propos de votre grand
débat :
« Il est temps de discuter ensemble sur la manière dont nous allons faire comme j’ai prévu »
En attendant le
débat…
5 commentaires:
Bonjour, j'aime lire votre blog de temps en temps.
Je me suis toujours senti de gauche depuis ma première carte d'électeur, mais à l'image de beaucoup d'autres, la gauche m'a perdu dans ses errances communautariste, sa mauvaise gestion sous Hollande et sur-imposition des entreprises, ou ses errements purement idéalo révolutionnaires à la Melenchon, etc.. Bref c'est pas le sujet, c'est mon problème.
Du coup, j'aime revenir sur votre blog, nostalgie, histoire de voire comment le monde de gauche va...
Du coup acceptez-vous quelques commentaires de ma part ?
"Votre projet, il a recueilli 17 % des voix au premier tour. A deuxième tour, vous n’avez été élu que comme parapluie contre Marine Le Pen…" : bon c'est plutôt 24 % mais passons. N'oublions pas que les députés LaRem ont recueilli 40 % des voix exprimées..... Donc des Français, et c'est la majorité par rapport aux autres partis, ont choisi le projet Macron.
"l’impôt sur la fortune est un symbole de justice fiscale." : vous finissez vos fins de mois avec des symboles vous ?
"un étalement plus large de l’assiette assurerait une meilleure équité." Vous êtes donc pour que plus de 40 % de français payent l'impot sur le revenu ? Impot sur le revenu payé par tous par signe de participation à la vie commune ? Je suis pour....
"ma retraite va en diminuant alors que pendant quarante ans, mes cotisations ont été en augmentant.". Pourquoi accusez vous Macron ? Pourquoi ne vous en prenez-vous pas directement aux autres français, les salariés, qui payent votre retraite ? Pourquoi vous leur demandez pas directement de payer encore plus pour que votre retraite augmente ? C'est la faute de Macron, si de 2 à 3 actifs pour un retraité de votre temps, nous sommes aujourd'hui à 1,8 actifs pour 1 retraité ? Parce que vous avez cotisé, vous voulez une retraite. Vos cotisations n'ont servi qu'à payer les retraites de vos ainés, comme mes cotisations payent la vôtre, sans garantie que je puisse à mon tour, plus tard, avoir une retraite décente. Et l'ISF qui rapporterait juste deux ou 3 milliards de plus par an pèserait quoi par rapport aux 300 milliards de retraite à sortir tous les ans ?
En espérant échanger avec vous de manière argumentée....
Bonne journée.
Réponse en deux parties, le système n'accepte que 4096 caractères pas champ...
1° partie:
Je vois que les macronistes montent au créneau devant les nuages noirs qui s'amoncellent.
J’en ai quelques autres dans mon entourage dont je vois les petits bras s’accrocher désespérément à des valeurs traditionnelles qui se dessèchent entre leur mains.
17 ou 24 %, c'est selon qu'on prend en compte les votes blancs ou pas.
Je suis fermement partisan de les prendre en compte, depuis des années, on ne vote plus pour un candidat, mais contre un autre par défaut. Prendre les votes blancs en compte mettrait au grand jour ce dévoiement de la démocratie.
Quoi qu'il en soit, 17 ou 24%, c'est toujours une minorité d'une minorité. Que les autres ne fassent pas mieux ne fait que mettre en exergue l'inadéquation de l'offre politique actuelle par rapport à l'attente citoyenne.
Pourquoi s'attaquer à Macron pour des problèmes qui effectivement, ne datent pas d'hier ?
D'abord, parce que c'est lui qui est là aujourd'hui. L'historique de ce blog depuis 14 ans montre que je n'ai pas manqué de faire des reproches à ses prédécesseurs.
Oui, je suis pour que « plus de 40 % des Français paient l’impôt sur le revenu.
Avec une meilleure assiette, constituée essentiellement d’un plus grand nombre de tranches, les quelques euros réclamés aux plus modestes ouvriront la voie à une participation vraiment proportionnelle des plus nantis.
On ne voit pas pourquoi il n’y aurait que 5 tranches d’impôt dans un pays où les salaires varient couramment de 1 à 20 dans la moyenne des entreprises.
Et pourquoi encore s'attaquer à Macron pour des problèmes qui effectivement, ne datent pas d'hier ?
Parce que plus que les autres, Macron a prétendu être l’homme qui allait remédier à tout cela.
Plus que les autres, Macron a promis de créer « un nouveau monde politique » qui allait enterrer l’ancien.
Or plus que les autres, Macron prend des mesures dignes de l’ancien monde, et parfois même de l’ancien régime, comme la loi anti-casseurs qui lui sert en ce moment de prétexte pour ficher ses opposants et attenter à la liberté d’opinion et de manifestation.
Parce que le questionnaire de Macron sur le site officiel du grand débat https://granddebat.fr/
est hautement dirigiste et malhonnête et ne propose de cases à cocher que pour les mesures que, justement, on lui reproche.
Dans la rubrique « où faut-il prendre l’argent ?» n’y a pas de case pour l’ISF, pas de case pour le remplacement de la flat tax par un impôt progressif, il n’y a de case que pour trouver l’argent dans nos propres poches. Macron nous roule dans la farine.
2° partie:
Et c’est pour cela que le mouvement des gilets jaunes est si hétéroclite et diversifié dans ses appartenances politiques.
Jusqu’à présent, l’opposition politique était un face à face idées contre idées, convictions contre convictions, parti contre parti.
Là, avec le « foutage de gueule » généralisé de Macron, l’injustice et l’arbitraire ont pris de telles proportions que tout le monde se sent visé du NPA au front national.
Et c’est pour cela qu’on retrouve les deux côte à côte chez les gilets jaunes.
Ce qui les rapproche (le dégoût du macronisme) est plus fort que ce qui les sépare.
Marre de cette théorie qui veut que ce soient les actifs qui paient exclusivement pour les retraités, alors que de plus en plus, les actifs sont remplacés par des machines.
Il faut que les machines paient aussi. Des impôts, des cotisations, qui actuellement sont versés dans le tonneau sans fond de la finance internationale au lieu de revenir au moins partiellement vers ceux qui contribuent à cette richesse.
Faire cotiser une génération au travail pour celle « descendante » est une vision du passé, inadéquate face aux changements de la société. S’accrocher à de tels raisonnements est une vision anachronique indigne d’un tribun qui promet « un monde de demain ».
Macron voudrait gérer le monde de demain avec les idées d’hier. Forcément, ça ne passe pas.
Contrairement à ce qu’il prétend, ses méthodes expriment une compréhension périmée du monde moderne. Une vision de rapace qui nous mène vers une société de caste genre Georges Orwell.
Cher jacques,
J'ai bien compris votre opposition à Emmanuel Macron. SI çà vous soulage de la rappeler longuement.... AU moins elle est argumentée sur autre chose que le banal "Il est méprisant" qui, au final, ne juge que la forme et pas le fond et donc pour moi ne vaut rien. Merci de me répondre :-)
Mais je perds votre sens de la démocratie quand vous dites que l'offre politique alternative ne vous plait pas et c'est pour çà qu'il faut se révolter contre celle qui a aggloméré plus de voix. Ah oui, j'ai oublié de vous préciser que si la gauche m'a perdu c'est aussi pour ces postures de révolutions "faut tout casser" et ne rien proposer de concret ou de réaliste. Vous voulez vous allier aux extrêmes et que les extrêmes s'associent. Je suis d'accord avec vous que c'est sans doute efficace pour raler, même pendant 12 samedis et plus, mais ensuite ? Il faudrait bien gérer !! Sur quelles bases ?
Sur quelles propositions ??
Vous qui aimez les dessins, une petite illustration : https://1drv.ms/u/s!Ar5zClQWmvhvznbYKT4jNox1Iocg
Le RIC et le retour de l'ISF ca va nous sauver de tout ?? A un moment il va falloir rentrer dans le détail quand même... Vous croyez que les supporters NPA et RN vont se retrouver sur les mêmes bases ?
JE voudrais juste que vous me donniez des exemples pour "l’injustice et l’arbitraire ont pris de telles proportions".
Pour l'imposition sur les machines. Ben les conséquences sont simples. Déjà nous n'avons quasi plus d'industrie en France. Si vous imposez les machines, elles partiront à l'étranger où il n'y pas les taxes ; après la délocalisation des salariés, la délocalisation des machines. Si les machines ne sont pas délocalisables (par exemple la caisse automatique du monoprix), çà se répercutera sur les prix de ventes des biens et des service, donc tout le monde sera perdant bien sûr...
Pourquoi ne proposez vous pas de répartir les autres retraites, vous savez, les retraités qui partent en croisière deux fois par an, qui achètent des camping cars, etc.... Après tout.... Pourquoi ne pas avoir ce mot d'ordre ???? Tous les retraités sont loin de faire les poubelles. C'est pas eux les profiteurs après tout si on suit votre logique ?
J'ai toujours l'impression que les revendications des gilets jaunes se terminent toujours en résumé par "moins d’impôt pour moi, plus d'impôt pour les autres".
Effectivement, la gauche vous a perdu.
Vous me faites là un discours de droite timorée, façon centriste qui dit qu’il est centriste parce qu’il n’assume pas d’être de droite et qu’il a peur des changements.
Bon, ce n’est pas un reproche, c’est le jeu de la démocratie. Juste, s’ils ont réussi à vous faire peur, c’est que vous avez encore des choses à protéger. De moins en moins de gens ont encore quelque chose à protéger.
Que Macron soir arrogant et méprisant, c’est un euphémisme, mais on se moquerait pas mal de son caractère s’il ne le traduisait pas par des actes antisociaux.
Par exemple, je pense très simplement qu’un homme qui veut s’attaquer aux vieux en taxant leurs retraites et en les désindexant, (ce qui les condamne à terme à la misère) et qui a même voulu réduire de moitié les pensions de réversion des veuves, -il a fallu le retenir- eh bien cet homme là ne possède pas les qualités humanistes et républicaines que j’attends d’un chef d’état.
Il n’est qu’un adjudant chef. Ou un petit comptable.
La société crève à cause du pouvoir terre–à terre de ce genre de rond de cuir médiocre, qui manipule les gagne–petit pour gagner gros au détriment de ceux qui ne gagnent plus rien.
Non, le RIC (que je ne défends pas) et le retour de l’ISF, qui n’est qu’une mesure symbolique, ne vont pas nous « sauver de tout ». Aucune mesure ponctuelle ne va nous sauver de tout.
Je pense que les gens qui ont vraiment fait changer la société ne l’ont pas fait avec un « plan de business » ou une étude de marché comme on lance une entreprise ou un nouveau produit.
Et c’est pour cela que Macron ne change rien, en dépit de ses promesses.
Il est trop lié au système pour le bousculer de manière significative.
Il n’a aucune idée novatrice, il se contente de précipiter la fuite en avant d’une société où l’argent est maître de tout en rognant les avantages des petits pour en faire les privilège des grands.
Les idées novatrices viendront dans l’action. L’argent existe, il faut juste le prendre où il est et condamner sévèrement les gens qui le soustraient à ceux qui l’ont gagné.
Détruire ce qu’on ne veut plus suscitera les projets nécessaires à un monde qui, à la différence des slogans de Macron, sera vraiment nouveau.
C’est pour cela que les gilets jaunes, comme les « nuits debout », sont politiquement inclassables, au plus grand désespoir de ceux qui rêvent d’une humanité étiquetée avec soin et rangée dans des petites cases.
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