Le « outing »
de Florian Philippot déclenche un débat très animé dans la
médiasphère. Les Inrocks pensent que cette
révélation peut faire bondir la carrière du vice-président du
Front national. Je n'en suis pas si sûr. Derrière la façade du FN
ravalée par Marine et son entourage, il reste la caserne des
légionnaires avec son noyau dur idéologique et son obscurantisme à
œillères.
La Figaro pense, lui, que cet
avatar pourrait profiter au Front national en lui amenant de nouveau
électeurs. Je ne sais pas si cela arrange aussi cet employeur de
Zemmour, mais dans la chienlit actuelle, n'importe quel chien écrasé
peut profiter au Front national, pourvu qu'un zélé sectateur sache improviser un boniment pour en vendre la charogne.
Le magazine Têtu n'est pas
défavorable à cet outing. Il souligne fort justement que l'égalité
de traitement voulue et obtenue par les LGBT doit être regardée
dans toute l'acception du terme, et que dans la mesure où l'on sait
qui fréquente qui chez les hétéros, on ne voit plus pourquoi les
homosexuels seraient exonérés de vie publique.
La justice ne s'y est pas trompée, qui, il y a exactement un an, a débouté Steve
Briois, maire d'Hénin-Beaumont, lequel avait porté plainte pour
avoir été « outé » dans un livre, au motif que « le
droit du public à l'information prime sur le respect de certains
éléments de sa vie privée ».
Florian Philippot
réclame 50 000€ de dommages et intérêts à Closer. Ne préjugeons
pas des décisions de justice, mais à la lumière de la
jurisprudence ci-dessus, il est peu probable qu'il les obtienne.
La démarche de
l'outing, dans l'absolu, est également l'objet de débats énergiques
sur la place publique. La presse de gauche est plutôt contre :
Le Canard Enchaîné et le Nouvel Observateur se sont prononcés
clairement contre au titre du sacro-saint respect de la vie privée.
Mais en oubliant, autant l'un que l'autre, de disserter de la valeur
comparée des « vies privées » des hétéros et des
homos à la lumière des récentes avancées des libertés.
J'essaie pour ma
part de prendre un peu de hauteur, et de considérer d'une manière
globale la position, en pleine évolution, des homosexuels dans la
société française.
Reconnaissons à
Florian Philippot de n'avoir jamais tenu personnellement de propos
homophobe. Homophile non plus, d'ailleurs. Le débat a bouleversé le
pays sans qu'il n'émette le moindre avis sur la question.
Mais tout de même,
il est vice-président d'un parti dont le chef a inventé le terme de
« sidaïque » en décrivant les homosexuels, a déclaré que l'homosexualité
« constituait une anomalie biologique et sociale », dont
la présidente a suggéré d'étendre le mariage gay à la polygamie.
Marion le Pen,
petite fille du Chef et nièce de la présidente, a défilé à la
manif pour tous, et on n'a jamais entendu un seul édile frontiste
soutenir tout ou partie de la cause LGBT. Ce ne sont qu'au mieux des
condamnations et au pire des injures.
L’extrême droite,
ou disons la droite de la droite pour ne pas risquer un procès, qui
a troqué au fil de l'histoire l'antisémitisme pour
l'anti-islamisme, espère aujourd'hui recruter des homosexuels en
leur faisant croire que c'est dans les "banlieues maghrébines" que
réside la cause de tous leurs maux…
Cela me semble un peu simpliste. Et même très très simpliste...
Certes, il y a dans
les banlieues le même problème d'homophobie que partout ailleurs,
mais les premières victimes en sont les habitants eux mêmes…
Sans jamais avoir
été gravement agressé, j'ai essuyé au cours de ma vie pas mal
d'algarades dues à mon homosexualité, et tant sur la voie publique
qu'au travail, cela a toujours été le fait de « fachos en
loden » et de bons français bien de chez nous. Et dans la
foule de la manif pour tous, on ne voyait pas beaucoup d'habitants
des cités : c'est la crème de nos plus belles banlieues et de
nos provinces profondes qui y était majoritairement représentée.
Alors, pour en
revenir au « cas Philippot », qui réclame 50 000€ de
dommages et intérêts pour atteinte à une vie privée que le
caractère public de ses fonctions lui conteste d'ailleurs, il est
tout de même permis de se demander combien de vies privées
homosexuelles les discours haineux et homophobes des membres de son
parti ont bien pu saccager…
Certes, il ne les a
pas prononcés lui-même. Mais il a adhéré à un parti connu pour
ses prises de position sur le sujet, a travaillé à le développer
et à le rendre crédible jusqu'à en devenir vice-président… S'il
n'est pas coupable au premier degré, on peut tout de même se
demander s'il n'est pas un peu complice ?…
Qu'un homosexuel
prenne une part si active dans le développement d'un mouvement à ce
point discriminateur, cela ne respire pas vraiment la probité. Cela
a même une puissante odeur d'arrivisme forcené.
Combien de vies les
discours homophobes ont-ils saccagé, combien d'agressions ont-ils
inspiré, légitimé, combien de suicides ont-ils provoqué, quelle
est leur part dans le courant homophobe qui traverse le pays ?
Est-ce vraiment une
« faute morale » de le confronter aux opinions
communautaristes et aux incitations à l'exclusion et à la
discrimination dont son parti est porteur ? Qu'il s'explique
donc avec le « noyau dur » de ses co-listiers…
La contestation
interne a déjà commencé : en tapant « Philippot »
sur Google-images, on trouve sa photo retouchée en travesti sur un
site de droite bien dure dont je ne vous donnerai pas l'adresse ici….
Je ne suis tout de
même pas le seul Français qui n'accepterait pas d'être membre
d'une association ou d'un parti dont le discours exclut tout ce que
je suis et renie mes droits et jusqu'à mon existence d'homme libre.
J'ai déjà démissionné de certaines associations pour des
désaccords moins fondamentaux que celui-là.
Les Français
attendent de la transparence et de la probité de leurs édiles. Ce
n'est pas avec ce genre de contradiction que le Front national va les
séduire.
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