Les chroniques
politiques résonnent de deux débats surprenants, Mélenchon contre
Assassin's Creed Unity, et l'altercation bistrotière de Fillon et
Jouyet.
Pour parler
brièvement de cette dernière, ce que je trouve scandaleux dans
cette histoire de crocodiles politiques qui se donnent des coups de
dents, ce n'est pas tant qu'ils s'étripatouillent, un saurien reste
un saurien, mais qu'ils se voient pour un déjeuner de routine chez
Le Doyen pendant que les Français recomptent leurs dernières pièces
devant la main tendue de la caissière du supermarché.
Le site de Le Doyen, long à charger, ne
montre que des textes et des photos lénifiantes, n'indique aucun
prix et ne parle que de prestige. A la rubrique prix, Google indique
« €€€€ ». Pour en savoir plus, il faut consulter le guide Michelin, qui nous dit qu'il y
a un petit menu pour le déjeuner en semaine à 128€ hors boissons,
et un menu du soir à 295€.
J'essaie de resituer
tout cela dans la vie des Français moyens que nous sommes, et que
ces gens là, en principe, représentent. Pour deux, 128€, c'est
dix jours de supermarché, boissons comprises. Mais parfois, aussi,
en petit gourmand que je suis, quand je veux déjeuner avec un ami,
je vais volontiers au restaurant. Pour cela, j'ai une liste
d'excellents établissements à moins de 30€….
Alors, bon prince,
je veux bien que messieurs nos élus aillent dans des restos d’une
catégorie supérieure aux miens. Ça m'arrange même, parce
qu'ainsi, je suis sûr de ne pas les rencontrer dans les miens. Mais
personne, aucun journaliste, pas le moindre chroniqueur, n'a eu
l'idée de relever que pour un déjeuner de routine, ces messieurs
fréquentaient de la manière la plus courante un des établissements
les plus chers de Paris…
Pour en revenir à la colère qui semble s'emparer du tourmenté Mélenchon à l'encontre
du non moins agité jeu Assasin's Creed Unity, là encore, c'est aux
journalistes que j'en veux.
Tous ces
intellectuels déconnectés qui vivent de leurs péroraisons et se
complaisent à flatter l'étroite cour de leurs semblables me
flanquent de l'urticaire. Il y a quelques mois, j'ai jeté mon verre
de vin au visage au visage d'un « critique musical »
qui m'avait affirmé que si un rappeur dont j'ai oublié le nom avait
été interdit de séjour dans plusieurs pays européens à cause de
la haine homophobe qui dégoulinait de ses chansons, c'était un
scandale : au titre de la licence poétique et artistique, un rappeur avait le
droit d'être homophobe ! Alors, si vous voulez déjeuner avec
moi, faites attention à ce que vous dites, ou alors servez moi du
très très bon vin pour ne prendre que de l'eau à la figure.
Avec la guerre
déclarée par Mélenchon à Assasin's Creed Unity, la fine fleur du
snobisme parisien a encore évité avec son brio habituel une
nouvelle occasion de se taire :
« Oui,
Assasin's Creed Unity est un jeu de fiction, basé sur le caractère
quasi mythique des personnages, il est normâââl qu'on prenne
quelque libertés avec l'histoire, il fallait bâtir un scénario, il
ne faut pas prendre à la lettre ce qui n'est qu'une stylisation, ne
pas s'attacher à la réalité historique, les gens sont assez grands
pour faire la part des choses», etc.…
Alors, moi, je
propose le test grandeur nature : Allons avec un micro-trottoir
chez un marchand de jeux video et demandons à l’aimable clientèle
qu'on y rencontrera qui était Robespierre, à quelle époque il a
vécu et pour qui il roulait.
Si on a 30 % de bonnes réponses,
c'est un bon jour. Je vous rappelle que 46 % des Français ne
savent pas à quoi correspond le 11 novembre, alors qu'ils
bénéficient, à ce titre, d'un jour de congé tous les ans depuis
la maternelle… Alors Robespierre, tu imagines !
Certes, Maximilien
n'était pas un rigolo, même si, je le rappelle, il a défendu
l'abolition de la peine de mort et de l'esclavage, le droit de vote
pour tous, gens de couleurs, comédiens, juifs. Après, évidemment,
ça a foiré un peu, mais la politique, vous savez, déjà à
l'époque….. Devant la hargne de la droite réactionnaire, il a du
se défendre jusqu'à instaurer la terreur, ce qui est, j'en
conviens, paradoxal pour un ennemi de la peine de mort, mais
concédons lui que ses opposants versaillais, eux, au nom de dieu et
du roi, l’appliquaient avec sauvagerie…
Là où son action a
échoué, c'est quand il a été le seul et le premier à comprendre
que la « déchristianisation » ne pouvait pas
s'appliquer brutalement puisqu'à cette époque, l’église
détenait l'état civil, l'enseignement, la santé, la justice,
autant de fonctions régaliennes qui ne pouvaient disparaître
soudain sans qu'on prenne le soin et le temps de les remplacer. En la
ralentissant, il s'est déconnecté des révolutionnaires fonceurs,
et s'est retrouvé bien seul…
Bref, les amateurs
de causette peuvent gnoser pendant des lustres sur Robespierre, mais
pour en revenir au cœur du sujet, ce n'est pas une raison pour en
faire un monstre bestial à la Terminator, réintroduire les
Templiers dans l'histoire à une époque où ils en étaient absents,
et se livrer à de louches manipulations de film d'horreur sur les
héros de notre histoire. Mélenchon a, sur ce coup, absolument raison.
Que diraient les
Américains si on accommodait George Washington ou Abraham Lincoln à
pareille sauce ?
Pour la petite
histoire, le wikipedia du restaurant Le Doyen nous apprend que Robespierre y a déjeuné avec Saint Just en
1794, deux jours avant leur exécution. Damned ! Encore raté !
Alors, les gloseurs
et autres masturbateurs de méninges, vous savez ce que je leur dis ?
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