Balasko rocks !
Je ne choisis pas que mes films. Je
choisis aussi mon cinéma. Voir les films en V.O. élimine la plupart
du temps le cinéma du quartier.
De plus, mes antécédents de
chef-opérateur m'empêchent de fréquenter des cinémas à
technicité douteuse qui, en projetant mal le film, nuisent à mon
plaisir. Du temps que j'y suis, je choisis aussi le public, qui
varie non seulement en fonction du quartier, mais aussi de l'heure de
la séance. Ma séance préférée étant de loin celle de 22 heures.
Le public, c'est, pour le cinéphile,
une petite partie du spectacle. Soit je suis absolument seul devant
mon home cinéma au son soigneusement bricolé, soit mon choix de
jour et de séance me garantit un public impérativement clairsemé,
et au pire, un peu branché. C'est donc une galère d'aller au cinéma
avec moi. Oui, je le reconnais. Habitant dans l'est parisien, ma
salle de prédilection est le MK2 Bibliothèque, dont les points
faibles sont le confort des fauteuils et la propreté des toilettes,
mais dont les points forts sont nombreux : projection bien
horizontale, installation sonore de qualité.
Aujourd'hui, je me suis laissé aller :
voulant voir un film français « Mes héros », et
renonçant à ma séance de 22 heures, je me suis pointé à 14h 20 à
l'UGC Créteil, proche de chez moi. Déjà, le contexte UGC :
écrans courbes (une aberration technologique...), et projection en
plongée donnent, malgré les progrès liés au numérique, une image
un peu tordue. Le son est ce qu'il est...
La séance de 14 heures en semaine,
c'est la séance des vieux, surtout dans mon quartier pavillonnaire
des bords de Marne où les papys retraités sont légion. Ça
commence par une infestation de parfums capiteux qui se battent pour
occuper l'espace. L'odeur est trois fois plus dense que dans une
parfumerie. Moi qui n'aime pas les machins sucrés, suis à la
limite du haut le cœur.
D'autant plus que les mégères
bourgeoises qui m'entourent avec leurs fourrures et leur maquillages
millimétrés, tant par le souci d'ostentation de leur aisance
financière que par les débordements provoqués par leur Parkinson
naissant lorsqu'elles manipulent leur flacon magique, s'aspergent
littéralement de leurs écœurants élixirs. Parfois, on a envie de
lâcher un essaim d'abeilles dans le cinéma afin que la horde
sauvage se jette sur elles et les fasse fuir en courant. Les
abeilles souffrent dans la nature ? Lâchez les sur les
bataillons de mémères, elles seront nourries pour l'hiver.
Puis il y a les commentaires pendant le
film. « Oh la pauvre »... « Attention derrière ».
« Il va frapper, tu vas voir », « Rooo, c'est beau,
snif », « Passe moi les kleenex, y a mon rimmel qui
coule ».
Mais le clou du spectacle, c'est le
face à face Balasko – beaufs des bords de Marne. Du coup, je
regrette presque de ne pas être allé voir le film à Neuilly.
Parce que le film, c'est du bon
Balasko, avec ses dadas habituels. Et dans celui-là comme dans
d'autres, les mauvais traitements infligés aux sans-papiers par les
méchants ministres de l’intérieur, la séparation des familles
par les reconduites à la frontière et autres injustices qui font
marcher notre Balasko au plafond.
Et là, elle n'y va pas par quatre
chemins, notre Josiane révoltée : elle regarde la caméra,
-donc le spectateur-, et explose d'une saine colère citoyenne et
républicaine :
« Des fois, j'ai honte d'être
Française quand je vois la façon dont on traite ces gens là !
Qu'est-ce qu'il a fait, ce petit, pour qu'on passe les menottes à sa
mère devant ses enfants sous prétexte qu'elle n'a pas de
papiers ? »
Et les petits bourgeois du Val de
Marne, dépeignés par la furieuse et magistrale imprécation de
Josiane, s'enfoncent dans leur fauteuil en murmurant « Tout de
même, elle y va fort ».
Mais jamais « Viens bobonne, on
s'en va ». Ils ont pourtant tous voté pour, comme ça, dans un
élan de bonne bourgeoisie bien comme il faut, les mémères sucrées
et leurs papys bancales, parce que dans les campagnes électorales,
on ne leur montre pas les enfants en larmes, les mamans qui font le
ménage en rasant les murs depuis dix ans et les vilains gendarmes
qui font claquer les menottes avant de dire bonjour.
Mais dans le film, on leur montre. Il y a un petit noir bien élevé, qui range ses chaussettes et demande la permission pour sortir de table, il y a une maman noire femme de ménage aimante, en fuite, courant après ses enfants recueillis par un réseau charitable, une mamie Balasko énergique et douce, un papy Jugnot affectueux, un tonton Pierre Richard déjanté et généreux, et là, les braves gens comprennent que ces choses-là arrivent dans des familles où on a les mêmes valeurs d'amour et de respect que dans les leurs.
Mais dans le film, on leur montre. Il y a un petit noir bien élevé, qui range ses chaussettes et demande la permission pour sortir de table, il y a une maman noire femme de ménage aimante, en fuite, courant après ses enfants recueillis par un réseau charitable, une mamie Balasko énergique et douce, un papy Jugnot affectueux, un tonton Pierre Richard déjanté et généreux, et là, les braves gens comprennent que ces choses-là arrivent dans des familles où on a les mêmes valeurs d'amour et de respect que dans les leurs.
Le film est bien ficelé, avec des
dialogues hilarants à souhait, des personnages bien campés avec des
travers amusants, mais il a surtout valeur de leçon : une
Balasko de cinq mètres regardant dans les yeux les petits vieux
écrasés dans leur fauteuil devant l'écran, les engueulant et leur
disant : « Vous vous rendez compte de ce que vous avez
fait ? » , ça, c'est un délicieux moment de cinéma.
Et ça valait peut-être le coup
d'aller à des séances où je ne vais jamais.
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