L'opinion publique française, et même européenne, est très sensible à la liberté des journalistes, écrivains et autres acteurs de l'information. Associations et médias multiplient à juste titre pétitions et interventions pour obtenir la libération de tel reporter, chroniqueur ou journaliste persécuté ou emprisonné dans son pays. On vient même de décerner le prix Nobel à l'un d'entre eux emprisonné en Chine.
Or qu'est-il en train de se produire chez nous ? Depuis un moment, les journalistes ont bien des problèmes avec le pouvoir : on préfère en recevoir de choisis plutôt que de donner une conférence de presse, puis on les accuse de nuire à la bonne marche des affaires de la république, et voilà maintenant qu'on les injurie, et qu'on cambriole leurs bureaux et domiciles pour leur voler leurs ordinateurs.
D'habitude, ces choses là se déroulent dans certains pays où l'on n'aimerait pas vivre, et sur lesquels les bons citoyens français jettent un regard empli de crainte et de commisération. Mais voilà : ce n'est plus dans les dictatures exotiques et les républiques bananières que l'on déplore ce genre d'incident, mais chez nous, dans notre douce France.
En moins de quinze jours, quatre médias enquêtant sur l'affaire Bettencourt se sont fait fracturer leurs locaux et voler des ordinateurs : Gérard Davet au Monde, Hervé Gategno au Point, puis Mediapart et Rue89 , où l'ensemble des locaux a été fouillé et vingt ordinateurs ou disques durs ont disparu.
Un, ça peut arriver. Deux, c'est vraiment pas de chance. Mais quatre en quinze jours qui enquêtent sur le même sujet, ça construit une « intime conviction ». Claude Guéant et Sqarcini réagissent curieusement au quart de tour à ces soupçons au lieu de les mépriser, et, pour se protéger des « intimes convictions », sans préjudice des accumulations de preuves qui les ont constituées, Nicolas Sarkozy se défend en affirmant qu'il a, lui, « l'intime conviction » que les journalistes sont des pédophiles... Démonstration un peu cavalière que n'aurait pas dédaigné il cavaliere Berlusconi....
A l'heure où notre gouvernement prétend justement redonner à la France son éclat perdu sur la scène internationale, ce qui est l'aveu même de la dégradation qu'il lui a fait subir depuis quelques années, ces agressions en série vont sans aucun doute classer notre pays au nombre de ceux où la liberté de l'information n'est pas respectée.
D'autant plus qu'au même moment, on apprend que sur un sujet différent (Karachi) mais tout aussi farci de gros sous et de financement de partis politiques que le précédent, des juges d'instruction laborieusement nommés sont empêchés de perquisitionner à la DGSE et qu'une commission parlementaire est étouffée dans l'œuf par Bernard Accoyer.
Au moment où le repas gastronomique français est classé au patrimoine immatériel de l'UNESCO, c'est une avalanche de casseroles qui s'abat sur ce pouvoir de droite si arrogant... Chacun sa cuisine.
Mais je crois que nous n'avons pas fini d'apprendre de belles histoires d'argent passé par ici et qui repassera par là. Dommage que ce soit le nôtre...
1 commentaire:
J’ai l’impression de revenir à la belle époque, celle ou nous avions un général à la présidence de la république. Quand il envoyait les CRS charger les manifestants dans Paris, le lendemain, on comptait les morts qui flottaient sur la Seine ou au métro Charonne. La belle époque où les média étaient aux pieds, et où le Canard Enchaîné ne sortait pas chaque semaine…
Alexis.
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